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Prolongation de la garde à vue du mineur qui a agressé un enseignant juif à Marseille


Mardi 12 janvier 2016 à 11h18

Marseille, 12 jan 2016 (AFP) — La garde à vue d'un mineur turc d'origine kurde qui a attaqué à la machette un enseignant juif lundi à Marseille a été prolongée de 24 heures mardi, au lendemain d'une agression antisémite dont la victime a confié qu'elle ne "pensai(t) pas sortir vivant(e)".

La garde à vue, toujours en cours à Marseille, ne pourra être prolongée davantage, puisque dans le cas d'un mineur elle ne peut excéder 48 heures, a-t-on précisé de source judiciaire.

Une enquête a été ouverte à Marseille "des chefs de tentative d'assassinat aggravé en raison d'une appartenance religieuse" et d'"apologie du terrorisme". Le parquet antiterroriste de Paris s'est ensuite saisi de l'affaire. L'adolescent, un Turc d'origine kurde qui aura 16 ans dans les prochains jours, avait blessé cet enseignant de 35 ans en le frappant à l'aide d'une machette.

Cette agression a été unanimement condamnée: François Hollande a dénoncé des actes "innommables et injustifiables", les Républicains ont évoqué "un nouvel acte antisémite odieux". Le Conseil régional du culte musulman de Paca a fustigé "avec la plus grande vigueur cette lâche tentative d'assassinat".

Elle est survenue quelques mois après deux autres visant la communauté juive de Marseille, forte de quelque 70.000 membres sur une population de 855.000 habitants, selon le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), soit la deuxième plus importante de France, derrière Paris et sa région, et une des plus nombreuses d'Europe également.

Le 24 octobre, trois juifs et un cantonnier avaient été agressés près d'une synagogue, dont un avec un couteau: l'agresseur, fortement alcoolisé, a été condamné à 4 ans de prison, dont 18 mois avec sursis. Le 18 novembre, un autre enseignant juif avait été agressé avec un couteau, le jour même où une femme musulmane voilée avait aussi été molestée, dans un autre quartier.

Depuis les attentats du 13 novembre, il y a eu "70 poursuites pour des faits connexes de toute nature, des outrages, des menaces, incitations à la haine, un peu d'apologie du terrorisme", a précisé le procureur de Marseille Brice Robin, ajoutant que ces faits visaient "plus" la communauté juive que la communauté musulmane.

"C'est beaucoup plus élevé qu'ailleurs", a estimé M. Robin: "On a un accroissement manifeste des actes soit d'apologie soit de menace, c'est surtout des menaces de mort d'ailleurs".

Lundi, l'enseignant visé, qui portait la kippa, a été attaqué sur le chemin de son établissement. "Je lui disais d'arrêter de me frapper mais il continuait et je ne pensais pas m'en sortir vivant", a déclaré cet homme, prénommé Benjamin, à La Provence.

- "Déferlante de coups" -

"Je ne sais pas comment je vais me relever de cette terrible agression", a-t-il ajouté, reconnaissant "devoir réfléchir" à l'éventualité de cesser de porter la kippa et déclarant ne ressentir "aucune colère, mais de la peur et de l'appréhension quant à l'avenir".

L'avocat de cet enseignant, Fabrice Labi, a rapporté mardi à l'AFP que son client lui avait dit: "J'ai eu le sentiment qu'il voulait me décapiter, mais la machette était souple, il n'y avait pas de prises, et j'étais protégé par le blouson que je portais". La lame de la machette était émoussée, ce qui a pu limiter l'ampleur des blessures, avait précisé lundi le procureur de Marseille Brice Robin.

L'enseignant a décrit à son conseil la "déferlante de coups" et le "passage à tabac" qu'il a subis. Il s'est notamment protégé avec la Torah qu'il portait sur lui, a ajouté son avocat. Victime d'un "traumatisme psychologique", "il a besoin aujourd'hui d'un peu de recul et de se retrouver en famille", a poursuivi Me Labi.

L'enseignant a été hospitalisé lundi après l'agression, mais a pu retourner chez lui dans la soirée. "Ses blessures sont plus importantes qu'on a pu le croire dans un premier temps", a poursuivi Me Labi, évoquant notamment des "craintes" quant à ses fonctions rénales en raison de coups reçus aux reins.

Son agresseur, inconnu des services de renseignement, sans antécédents judiciaires ni psychiatriques, a affirmé lors de son interpellation, survenue quelques minutes après l'agression, avoir agi "au nom d'Allah" et du groupe État islamique. L'adolescent, issu d'un milieu "classique et normal", se serait radicalisé "via internet" selon Brice Robin.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.