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La Turquie à nouveau aux urnes dans un climat de fortes tensions


Dimanche 1 novembre 2015 à 04h01

Istanbul, 1 nov 2015 (AFP) — Les Turcs retournent dimanche aux urnes pour des élections législatives cruciales pour l'avenir d'un pays divisé et sous haute tension, confronté à la reprise du conflit kurde, la violence jihadiste venue de Syrie et la dérive autoritaire de son gouvernement.

Seul au pouvoir depuis treize ans, le président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan espère effacer lors de ce scrutin le revers retentissant subi il y a seulement cinq mois par son parti, qui avait été privé de sa majorité absolue au Parlement.

Le 7 juin, son Parti de la justice et du développement (AKP) était arrivé en tête avec 40,6% des suffrages mais n'avait raflé que 258 sièges de députés sur 550, enterrant provisoirement son rêve de "superprésidence" aux prérogatives renforcées.

Les sondages créditent cette fois l'AKP de 40 à 43% des intentions de vote, un score toujours insuffisant pour gouverner seul.

Samedi, le Premier ministre sortant Ahmet Davutoglu, qui risque gros en cas de nouvel échec, a mobilisé une dernière fois ses troupes avec l'espoir de faire mentir les pronostics.

"La Turquie a besoin d'un gouvernement fort et malin en cette période critique", a-t-il lancé à Ankara. "Nous allons définitivement débarrasser la Turquie de la terreur, des affrontements, de la violence et de l'adversité", a-t-il promis.

Ces dernières semaines, la deuxième campagne électorale de l'année s'est déroulée dans une atmosphère âpre.

Depuis l'été, le conflit armé qui oppose depuis 1984 les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) aux forces de sécurité turques a repris dans le sud-est à majorité kurde du pays, et enterré le fragile processus de paix engagé il y a trois ans.

La guerre qui sévit depuis quatre ans en Syrie a également gagné la Turquie. Après celui de Suruç (sud) en juillet, un attentat suicide perpétré par deux militants du groupe jihadiste Etat islamique (EI) a fait 102 morts le 10 octobre à Ankara.

Cette montée des violences inquiète de plus en plus ouvertement les alliés occidentaux de la Turquie, à commencer par l'Union européenne soumise à un flux croissant de réfugiés, pour l'essentiel syriens, en provenance de son territoire.

- 'Un tournant pour le pays' -

Même s'il a renoncé à faire ouvertement campagne comme en juin, le président turc a continué à peser de tout son poids en se posant en seul garant de la sécurité et de l'unité du pays.

"Dimanche est un tournant pour notre pays", a averti M. Erdogan. "Si notre peuple se prononce pour le gouvernement d'un seul parti, alors la stabilité pourra continuer", a-t-il ajouté, "après ça j'espère que la +nouvelle Turquie+ ne revivra pas les difficultés qu'elle a connues au cours des cinq derniers mois".

Ses rivaux ont dénoncé en retour sa dérive autoritaire, illustrée cette semaine encore par un raid spectaculaire de la police sur deux chaînes de télévision proches de l'opposition.

"Il se voit comme le chef religieux d'un califat", a raillé le chef de file du Parti démocratique des peuples (HDP, prokurde), Selahattin Demirtas, devenu la principale cible du régime. "Certains veulent rétablir le sultanat dans ce pays, ne les y autorisez pas !", a exhorté sur le même mode le chef du Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate), Kemal Kiliçdaroglu.

Dans ce contexte de polarisation extrême, les analystes politiques doutent des résultats des nouvelles discussions de coalition qui s'annoncent et anticipent déjà, en cas d'échec, un nouveau scrutin dès le printemps prochain.

"Le scénario le plus probable reste le même: encore des turbulences", a résumé l'analyste Asli Aydintasbas, du Conseil européen sur les relations étrangères.

Près de 400.000 policiers et gendarmes ont été mobilisés pour assurer la sécurité du scrutin, notamment dans le sud-est à majorité kurde.

Dans ces régions, "la liberté de faire campagne a été considérablement entravée par les mauvaises conditions, en particulier dans les zones spéciales où des couvre-feux ont été décrétés", s'est alarmée la mission d'observation de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

Les états-majors des principaux partis ont annoncé la mobilisation de centaines de milliers de leurs militants pour éviter toute fraude.

Les premiers bureaux de vote ouvrent dimanche à partir de 07h00 locales (04h00 GMT) dans l'est du pays et les derniers ferment à 17h00 (14h00 GMT) dans l'ouest. Les résultats sont attendus dès le début de la soirée.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.