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La Turquie intensifie sa "guerre contre le terrorisme" à l'approche des législatives


Mardi 27 octobre 2015 à 10h11

Ankara, 27 oct 2015 (AFP) — Le gouvernement turc a intensifié sa "guerre contre le terrorisme" à cinq jours d'élections législatives cruciales pour son avenir, en multipliant les opérations contre les militants du groupe Etat islamique (EI) sur son sol et en frappant les combattants kurdes en Syrie.

Mardi à l'aube, la police antiterroriste turque a mené un vaste coup de filet dans plusieurs districts de la ville conservatrice de Konya (centre) et interpellé une trentaine de jihadistes présumés, ont rapporté les médias turcs.

Quatorze suspects ont été interpellés lors d'un raid similaire à Kocaeli (nord-ouest), selon l'agence de presse progouvernementale Anatolie.

Lundi, deux policiers et neuf membres présumés de l'EI ont été tués lors d'une spectaculaire fusillade à Diyarbakir, la principale ville du sud-est à majorité kurde de Turquie, l'accrochage le plus sérieux survenu en Turquie depuis qu'Ankara a rejoint la coalition antijihadiste l'été dernier.

Depuis quelques jours, la police turque a intensifié ses opérations contre la mouvance jihadiste à l'approche des législatives qui auront lieu dimanche sous haute tension, après l'attentat suicide attribué aux jihadistes qui a fait 102 morts le 10 octobre à Ankara et sur fond de reprise des combats entre les forces de sécurité turques et les rebelles kurdes.

Le président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan et le Premier ministre sortant Ahmet Davutoglu font campagne pour le scrutin du 1er novembre en jouant la carte de la sécurité et de l'unité du pays sur le mode "nous ou le chaos".

Lundi encore, le chef de l'Etat a promis de continuer la lutte contre "toutes les organisations terroristes" qui menacent la Turquie, aussi bien l'EI que les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ou l'extrême gauche.

Le chef du gouvernement a ainsi confirmé lundi soir que l'armée turque avait frappé "à deux reprises" récemment les positions des combattants kurdes de Syrie.

"Nous avions prévenu que le PYD (Parti de l'union démocratique, Kurdes de Syrie) ne devait pas franchir (une limite) au-delà de l'ouest de l'Euphrate et nous avons frappé à deux reprises", a déclaré M. Davutoglu.

- 'Menace kurde' -

Les Unités de protection du peuple (YPG), la milice du PYD, avaient dès lundi accusé Ankara d'avoir visé leurs positions pendant le week-end.

Le gouvernement turc s'inquiète depuis des mois de la progression dans le nord de la Syrie des forces kurdes, proches du PKK qui mène la rébellion depuis 1984 en Turquie. Il redoute notamment qu'elles ne profitent de la guerre civile en cours pour y proclamer une région autonome le long de sa frontière sud.

M. Erdogan a mis en garde à plusieurs reprises les forces kurdes de Syrie. "Tout ce qu'ils souhaitent, c'est s'emparer entièrement du nord de la Syrie (...) c'est une menace pour nous", a déclaré samedi l'homme fort de Turquie.

Soutenues par les Etats-Unis, les milices kurdes syriennes constituent le fer de lance des forces terrestres engagées contre l'EI en Syrie.

Après la ville emblématique de Kobané en janvier, elles ont pris en juin le contrôle de celle de Tall Abyad, qui a rejoint depuis "l'administration autonome" qu'elles ont établi dans le nord de la Syrie.

"Avant les élections, le pouvoir turc veut démontrer qu'il ne baisse pas les bras contre les terroristes, c'est avant tout une démonstration de force", a commenté à l'AFP Serkan Demirtas, le chef de bureau du journal Hürriyet Daily News à Ankara.

M. Erdogan et son Parti de la justice et du développement (AKP) espèrent reconquérir dimanche la majorité absolue perdue lors des législatives de juin dernier, après treize ans de domination politique sans partage sur le pays.

Depuis l'attentat d'Ankara, son camp fait l'objet des vives critiques de l'opposition, qui l'accuse de "protéger" les mouvements jihadistes qui luttent contre le régime de Damas.

Selon la plupart des sondages, l'AKP devrait rafler entre 41 et 43% des voix dimanche, un score insuffisant pour reprendre le contrôle absolu du Parlement. Un tel scénario ouvrirait la voie à de nouvelles et difficiles tractations pour la formation d'un cabinet de coalition ou à de nouvelles élections.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.