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Au moins 86 morts à Ankara dans l'attentat le plus meurtrier de l'histoire turque


Samedi 10 octobre 2015 à 21h58

Ankara, 10 oct 2015 (AFP) — Au moins 86 personnes ont été tuées samedi à Ankara dans l'attentat suicide le plus meurtrier jamais commis en Turquie, qui a visé une manifestation pour la paix organisée par l'opposition prokurde à trois semaines des élections législatives anticipées.

L'attentat n'a pas été immédiatement revendiqué, mais le Premier ministre turc Ahmet Davutoglu a pointé du doigt trois mouvements susceptibles, selon lui, d'en être l'auteur: le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), le groupe Etat islamique (EI) et le Parti/Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C) d'extrême gauche.

A 10h04 locales (07h04 GMT), deux fortes explosions ont secoué les alentours de la gare centrale d'Ankara, où des milliers de militants venus de toute la Turquie à l'appel de plusieurs syndicats, d'ONG et partis de gauche se rassemblaient pour dénoncer la reprise du conflit entre Ankara et les rebelles kurdes.

Cette double déflagration a transformé l'esplanade en scène de guerre, de nombreux corps sans vie jonchant le sol au milieu de bannières "Travail, paix et démocratie", et provoqué la panique dans la foule.

Selon le ministre de la Santé Mehmet Müezzinoglu, 62 personnes sont mortes sur place et 24 ont succombé à leurs blessures à l'hôpital. Au moins 186 autres ont été blessées, certaines très grièvement.

Le président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan a dénoncé une "attaque haineuse contre notre unité et la paix de notre pays" et promis "la réponse la plus forte" contre ses auteurs.

M. Davutoglu a lui affirmé détenir de "fortes preuves" que l'attentat avait été commis par deux kamikazes qui se sont fait exploser au milieu de la foule.

Il a annoncé trois jours de deuil national.

- 'Massacre' -

Cet attentat intervient à trois semaines des élections législatives anticipées du 1er novembre, dans un climat de forte tension nourri par les affrontements meurtriers entre les forces de sécurité turques et le PKK dans le sud-est à majorité kurde du pays.

"On a entendu une grosse et une petite explosion et il y a eu un gros mouvement de panique, ensuite nous avons vu des corps qui jonchaient l'esplanade de la gare", a raconté à l'AFP Ahmet Onen, un retraité de 52 ans qui quittait les lieux avec sa femme.

"Une manifestation destinée à promouvoir la paix a été transformée en massacre, je ne comprends pas", a-t-il ajouté.

La police a ensuite été contrainte de tirer des coups de feu en l'air pour disperser des manifestants en colère qui dénonçaient l'absence de mesures de sécurité autour de leur rassemblement, aux cris de "policiers assassins".

La Maison Blanche a dénoncé un attentat "horrible" et promis le soutien des Etats-Unis contre le "fléau du terrorisme". Le président français François Hollande a condamné un acte "odieux" et la chancelière allemande Angela Merkel une attaque contre "les droits civiques, la démocratie et la paix".

La chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini a appelé la Turquie à "rester unie" contre les "terroristes".

Le principal parti prokurde de Turquie, qui appelait à la manifestation, a mis en cause le gouvernement. "Nous sommes confrontés à un Etat meurtrier qui s'est transformé en mafia", a réagi le chef de file du Parti démocratique des peuples (HDP), Selahattin Demirtas.

- Trêve du PKK -

A Istanbul et dans plusieurs villes du sud-est du pays, des milliers de personnes ont conspué le gouvernement aux cris de "Erdogan meurtrier" et "la paix l'emportera".

Des manifestations prokurdes similaires se sont déroulées en Europe, notamment en France, en Allemagne ou en Suisse.

Le HDP a pointé du doigt la similitude entre l'attentat d'Ankara et celui du 20 juillet à Suruç, près de la frontière syrienne, attribué à l'EI et où 33 militants de la cause prokurde ont été tués.

Dans la foulée de cette attaque, les affrontements ont repris entre l'armée et la police turques et les rebelles du PKK, qui ont fait voler en éclat un fragile cessez-le-feu qui tenait depuis mars 2013.

Plus de 150 policiers ou soldats ont été tués depuis dans des attentats attribués aux rebelles kurdes, alors que les autorités turques affirment avoir "éliminé" plus de 2.000 membres du PKK lors de leurs opérations de représailles.

Les rebelles kurdes ont annoncé samedi quelques heures après l'attentat la suspension de leurs activités avant les élections.

"Notre mouvement a décrété une période d'inactivité pour nos forces de guérilla, sauf si nos militants et nos forces de guérilla étaient attaqués", a déclaré l'Union des communautés du Kurdistan (KCK), qui chapeaute la rébellion. "Nous ne ferons rien qui puisse empêcher une élection équitable".

Le quotidien progouvernemental Sabah a suggéré que le PKK pourrait être à l'origine de l'attentat d'Ankara. Mais les rebelles ont riposté en affirmant, dans une déclaration reçue par l'AFP, que "ce massacre doit être compris comme une conspiration du gouvernement AKP pour rester au pouvoir".

Lors du scrutin législatif du 7 juin, l'AKP a perdu la majorité absolue qu'il détenait depuis treize ans au Parlement, notamment en raison du bon score réalisé par le HDP.

Après l'échec des négociations pour la formation d'un gouvernement de coalition, M. Erdogan a convoqué des élections anticipées pour le 1er novembre.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.