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Turquie: la ville emblématique de Cizre (sud-est) à nouveau sous couvre-feu


Dimanche 13 septembre 2015 à 20h12

Diyarbakir (Turquie), 13 sept 2015 (AFP) — Les autorités turques ont réintroduit dimanche le couvre-feu sur la ville de Cizre, dans le sud-est à majorité kurde du pays, devenue le symbole des violents combats qui opposent les forces de sécurité aux rebelles kurdes et ont encore tué trois policiers.

Trente-six heures à peine après avoir levé le blocus imposé sur Cizre, le gouverneur de la province de Sirnak a à nouveau interdit aux 120.000 habitants de la ville, proche des frontières irakienne et syrienne, de sortir dans les rues, où l'armée continue de traquer les combattants du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

"Afin d'assurer la sécurité de personnes et des biens pendant l'arrestation des membres de l'organisation terroriste séparatiste (le PKK, ndlr), un couvre-feu sera instauré à partir de 19h00 (16h00 GMT) et sera maintenu jusqu'à nouvel ordre", a indiqué le gouverneur dans un communiqué.

Les autorités turques avaient déjà imposé le 4 septembre une telle interdiction à Cizre, considérée comme un bastion des rebelles. Pendant plus d'une semaine, de violents combats y ont opposé l'armée et la police aux combattants rebelles.

Selon le gouvernement turc, plus de 30 de militants du PKK et un civil ont été tués pendant ces affrontements.

Le principal parti prokurde de Turquie, le Parti démocratique des peuples (HDP) a contesté ce bilan et affirmé qu'au moins 21 civils avaient péri à Cizre. Il a également dénoncé la situation humanitaire de sa population qui, barricadée chez elle, a été privée de nourriture, d'eau, d'électricité et de téléphone.

Le couvre-feu a finalement été levé samedi matin sur la ville, dont certains quartiers ont été sérieusement endommagés par les combats. De nombreux habitants ont accusé les forces de sécurité d'avoir délibérément ouvert le feu sur des civils.

Dimanche, des milliers de personnes ont défilé dans les rues de Cizre à l'occasion des funérailles de 16 personnes tuées pendant les combats, selon un photographe de l'AFP.

- Escalade -

Fin juillet, d'intenses combats ont repris entre l'armée et le PKK. Ces violences ont signifié de fait la fin des discussions de paix engagées fin 2012 entre le gouvernement islamo-conservateur d'Ankara et les rebelles kurdes pour mettre un terme à un conflit qui a déjà fait quelque 40.000 morts depuis 1984.

Depuis un mois et demi, les attentats du PKK et les opérations militaires de représailles se succèdent à un rythme quotidien et ont plongé le sud-est du pays en état de guerre.

Dimanche, une attaque à la voiture piégée a fait deux morts et cinq blessés parmi les policiers à Sirnak. L'armée a tué en riposte deux membres présumés du PKK, ont indiqué à l'AFP des sources des services de sécurité.

Un policier a également été tué et un autre blessé dans une attaque à la roquette dans le district de Silvan, près de Diyarbakir.

L'agence de presse progouvernementale Anatolie a affirmé dimanche que 118 policiers et soldats avaient été tués et 1.192 "terroristes" éliminés depuis fin juillet.

De plus en plus de villes sont soumises à des mesures de couvre-feu. Le gouverneur de Diyarbakir, la "capitale" kurde du sud-est, a annoncé dimanche une telle mesure pour le district central de Sur, où les forces de sécurité ont engagé une opération d'envergure.

Face à la dégradation continue de la situation, le chef de file du HDP Selahattin Demirtas a exhorté dimanche le gouvernement et le PKK à reprendre les discussions de paix.

"Nous appelons les deux parties à satisfaire les attentes de la population", a-t-il déclaré devant la presse. "A Cizre et à Diyarbakir, il y a un problème, c'est le problème kurde, le problème des Kurdes qui souhaitent vivre librement sur leur terre avec leur langue, leur culture et leur histoire", a lancé M. Demirtas.

La reprise des combats suscite de vives tensions dans le pays, où des manifestants ont pris pour cible le HDP, accusé par le président Recep Tayyip Erdogan et son gouvernement de soutenir le PKK.

Des élections législatives anticipées sont prévues le 1er novembre en Turquie.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.