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De Syrie à la France, quel parcours pour les "revenants" français ?


Mardi 5 février 2019 à 14h16

Paris, 5 fév 2019 (AFP) — Les derniers développements sur le théâtre des opérations syrien a relancé l'épineuse question du retour des jihadistes français détenus sur place. Comment les autorités se préparent-elles face à leur arrivée en France ?

Quelle est la position de la France sur ces "revenants"?

Jusqu'à récemment, Paris était opposé au retour des jihadistes français en zone irako-syrienne. Mais la perspective du retrait américain de Syrie fait craindre la fuite d'un millier de combattants, notamment vers l'Europe, et pousse le gouvernement à envisager le retour de ceux qui sont détenus au Rojava contrôlé par des Kurdes syriens. "Le risque majeur là, c'est la dispersion", a souligné lundi le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian sur France Inter.

Toutefois, depuis quelques jours, les autorités gardent le flou sur les modalités de ces retours alors que Paris n'entretient aucune relation diplomatique avec Damas et que le Kurdistan syrien (nord-est) n'est pas reconnu par la communauté internationale. De fait, "on ne peut pas être dans le cas d'une extradition", explique à l'AFP Patrick Baudouin, avocat et président d'honneur de la Fédération internationales des ligues des droits de l'homme (FIDH).

Combien de personnes sont concernées?

Aucun chiffre exact n'a circulé publiquement sur le nombre de Français de Syrie concernés. Mais des sources concordantes évoquent le cas de 130 personnes, - une cinquantaine d'hommes et femmes et des dizaines d'enfants - actuellement dans les mains de la coalition arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS). Un "peu plus d'une centaine de personnes sont dans des camps" a déclaré lundi Jean-Yves Le Drian sans plus de précision.

Quel devenir à leur arrivée en France?

Le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner a répété ces derniers jours que "ceux qui reviendront (...) seront mis en prison". "Au regard de l'enjeu sécuritaire que posent ces situations individuelles, et aussi de leur enjeu médiatique, il est à prévoir que tous les Français rapatriés dans les semaines à venir seront placés en détention provisoire", déclare à l'AFP Martin Pradel, avocat de plusieurs détenus en zone irako-syrienne.

A leur descente d'avion, ces personnes seront donc interpellées, puis soit placées en garde à vue avant d'être mises en examen, soit présentées directement à un juge d'instruction pour être mises en examen si elles faisaient l'objet d'un mandat d'arrêt, puis écrouées.

Le parquet général près la cour d'appel de Paris qui chapeaute la lutte antiterroriste considère que les majeurs partis sur le théâtre irako-syrien après les attentats de Charlie Hebdo et l'Hypercacher en janvier 2015 "ne pouvaient ignorer qu'ils rejoignaient une organisation terroriste" et seront donc poursuivis pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle". Depuis la loi de 2016, ce chef d'accusation est passible de 30 ans de réclusion (contre 20 ans auparavant).

"Il est exclu qu'un Français s'étant rendu sur zone ne soit pas judiciarisé à son retour. Dans de très rares cas, certaines femmes mises en examen n'ont pas été placées en détention provisoire", ajoute Me Pradel.

Les majeurs seront donc essentiellement jugés par une cour d'assises. S'ils sont condamnés, ils seront suivis au titre de la radicalisation en prison et pourront faire l'objet d'une surveillance des services de renseignement à leur sortie et éventuellement de mesures administratives telles que l'assignation à résidence.

- Quel sort réservé aux enfants et à leurs mères ?

Les enfants de "revenants" nés sur place ou partis de France avec leur famille seraient "à 75%" âgés de moins de 7 ans, selon la ministre de la Justice Nicole Belloubet. A leur arrivée, ces mineurs seront pris en charge par le juge des enfants et feront l'objet d'examens médicaux. Ils seront ensuite placés dans une famille d'accueil, voire dans un deuxième temps confiés à des proches restés en France.

En février 2018, la Chancellerie comptait 66 mineurs revenus en France, dont 46 avaient été pris en charge par le tribunal de Bobigny, juridiction à laquelle est rattachée Roissy, aéroport par lequel se font la majorité des retours.

Dans le cas où certains adolescents auraient combattu, seuls ceux ayant plus de 13 ans pourront éventuellement être placés dans un centre éducatif fermé, voire emprisonnés s'ils ont plus de 16 ans.

Comme les hommes, les mères seront mises en examen à leur arrivée en France. Mais entre celles qui ont prêté activement leur concours au groupe Etat islamique et celles qui ont essentiellement suivi leur compagnon, les profils sont contrastés et leur situation judiciaire sera appréciée au cas par cas. Elles pourront être placées en détention provisoire ou dans certains cas remises en liberté sous contrôle judiciaire.

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Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.