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D'Alep à Epinal, la nouvelle vie d'une famille kurde après la guerre


Jeudi 2 août 2018 à 09h41

Épinal, 2 août 2018 (AFP) — Mohammad et Zalloukh Aalo, des Kurdes chassés de Syrie par la guerre, ont commencé depuis quelques mois une nouvelle vie à Epinal avec leurs trois filles, âgées de 9 à 13 ans, après plusieurs années dans un camp au Liban.

"La Syrie, c'est mon pays, j'ai envie d'y retourner. Mais quand je vois ce qu'il s'y passe, je suis bien mieux ici", dit Fairouz, une souriante brune de 13 ans dont les propos sont traduits par une interprète.

Avec ses soeurs, Alya, 9 ans, et Khadija, 11 ans, et ses parents, elle découvre Epinal, où la famille est arrivée le 12 avril.

"Ici, je vis en sécurité. Il y a tout et on a besoin de tout !", dit Fairouz, ses cheveux noirs attachés en chignon et vêtue d'un gilet rose sur un jean avec des brillants.

Les Aalo ont été sélectionnés dans un camp au Liban pour bénéficier du programme de réinstallation souhaité par le Haut-commissariat aux réfugiés.

La famille s'est installée, un peu désorientée, dans un logement loué par Adoma, organisme chargé de l'habitat social.

"Je n'arrêtais pas de pleurer, c'était pénible. Une dame essayait de m'expliquer, de me faire signer des papiers pour l'appartement... Je ne savais pas ce qu'il fallait faire", se souvient la mère, Zalloukh, 33 ans.

"Notre situation s'est énormément améliorée" et les mois prochains devraient être "toujours mieux", positive Mohammad, 38 ans.

Le programme de réinstallation prévoit une autorisation de séjour d'un an renouvelable, pouvant aboutir à une naturalisation. Les droits aux minimas sociaux permettent aux bénéficiaires de payer le loyer de leur habitation. Neuf familles, soit une quarantaine de personnes, ont bénéficié de ce dispositif à Epinal en mars et avril.

Slim Hardial, directeur adjoint à Adoma à Epinal, souligne "la démarche résiliente" des Aalo et "l'énergie des enfants". "Les personnes qui arrivent sont comme des morts-vivants. Eux sont vifs, avec l'idée de se reconstruire", constate-t-il.

L'appartement, au quatrième étage d'un petit immeuble, a été sommairement meublé et équipé par Adoma. Dans leur chambre, les trois filles ont dessiné sur un abat-jour des étoiles et des planètes. Deux photographies décorent le salon: une image du couple et un cliché d'écoliers au camp de réfugiés.

- "La France aide les pauvres" -

"Fairouz nous traduit tout (de l'anglais au kurde)", souffle le père. Il se dit stupéfait par "la capacité d'adaptation" de ses filles, "très épanouies, très heureuses et ravies d'aller à l'école".

Avant la guerre, il était couturier ou travaillait dans le bâtiment. "On était heureux. On était pauvres, mais on était chez nous", résume-t-il.

Les yeux noirs de son épouse se voilent de tristesse: "On a été contraint à l'exil. Les obus pleuvaient de partout. Autour de nous, il y avait des dégâts, des morts et des blessés", se rappelle-t-elle.

La famille a quitté Alep avec uniquement "les couvertures des petites", pour rejoindre Afrin, se souvient Mohammad qui "(cachait ses) fillettes sous (ses) habits, pour les protéger".

En Syrie, le couple n'a plus rien ni personne. "Les uns sont morts, les autres sont éparpillés entre la Turquie et les pays européens", précise le père.

"Je veux m'installer ici et vivre tranquillement", souligne-t-il, confiant avoir hâte de travailler. Avec Zalloukh, il suit des cours de français une fois par semaine.

La famille réapprend à vivre et apprécie "le calme, la sécurité" d'Epinal, qualifiée de "très belle ville". Des Vosges, ils n'ont vu que la rivière et le château, perché sur les hauteurs de la commune.

Dans la cuisine, Zalloukh, préparant feuilles de vignes et houmous, s'ébahit devant une laitue enveloppée de film plastique et des steaks hachés en barquette.

Au déjeuner, la cadette, Khadija, cheveux tressés sur le côté, s'enthousiasme de fréquenter le même collège que son aînée à la rentrée. La benjamine, Alyia, prononce quelques mots en français.

Un voisin, parlant quelques rudiments de kurde, accompagne les Aalo au quotidien. "Il fait tout pour nous faciliter la vie", raconte Mohammad.

Le père s'est penché sur l'histoire de France et en a conclu que "les Français se mettent toujours du côté du pauvre pour l'aider". Il ne peut s'empêcher de penser aux siens, restés dans des camps de réfugiés.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.