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La Turquie promet d'élargir son offensive en Syrie à d'autres zones kurdes


Lundi 19 mars 2018 à 19h41

Afrine (Syrie), 19 mars 2018 (AFP) — Le président turc Recep Tayyip Erdogan s'est engagé lundi à élargir dans le nord de la Syrie une offensive lancée contre une milice kurde, au lendemain de la prise de la ville d'Afrine, largement vidée de ses habitants et théâtre de scènes de pillage.

Ankara n'a jamais caché son hostilité face à l'autonomie de facto acquise par les Kurdes de Syrie dans de vastes territoires près de la frontière turque, à la faveur du conflit meurtrier et complexe qui ravage la Syrie depuis 2011.

Le régime syrien a condamné lundi "l'occupation turque" et réclamé "le retrait immédiat" des troupes d'Ankara.

En prenant le contrôle dimanche de la grande ville d'Afrine avec l'aide de supplétifs syriens alliés, "nous avons laissé derrière nous l'étape la plus importante de l'opération" lancée le 20 janvier dans le nord-ouest syrien, a déclaré lundi M. Erdogan.

"Maintenant, nous allons poursuivre ce processus jusqu'à la destruction totale de ce corridor constitué de Minbej, Aïn al-Arab (nom de Kobané en arabe), Tal Abyad, Ras al-Aïn et Qamichli", a-t-il ajouté.

L'offensive turque en Syrie vise la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), classée "terroriste" par Ankara mais allié précieux de Washington dans la lutte contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI).

M. Erdogan avait déjà menacé d'élargir cette opération militaire vers Minbej, à une centaine de km à l'est d'Afrine. Mais des troupes américaines, qui continuent de soutenir les combattants kurdes dans la lutte contre l'EI, y sont stationnées.

- 'Grande victoire' -

Quelque 250.000 civils ont fui les violences à Afrine, a souligné l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), selon lequel plus de 1.500 combattants kurdes ont été tués, ainsi que 400 rebelles syriens proturcs. Ankara a fait état de 46 soldats tués dans ses rangs.

Le président du Comité international de la Croix-Rouge, Peter Maurer, a demandé lundi un accès humanitaire à la ville d'Afrine ainsi qu'aux déplacés.

La conquête d'Afrine constitue un tournant pour Ankara, qui consolide son rôle dans une guerre complexe opposant sur plusieurs fronts des belligérants soutenus par des puissances étrangères.

"C'est une grande victoire pour Erdogan", estime l'analyste Fabrice Balanche, confirmant que la Turquie construit "une zone d'influence dans le nord" syrien.

"Le rêve d'autonomie des Kurdes s'effondre. Les YPG vont se faire écraser par la Turquie (...)", assure ce spécialiste de la Syrie.

Le régime de Damas a dénoncé à plusieurs reprises l'offensive turque en Syrie mais n'a jamais véritablement répondu à l'appel à l'aide des forces kurdes.

Il a condamné lundi "l'occupation turque à Afrine et ses crimes" et a réclamé "le retrait immédiat des forces d'invasion des territoires syriens qu'elles ont occupés".

Les Etats-Unis ont, eux, mis en garde leur allié à l'OTAN, exprimant leur "profonde préoccupation (...) à propos de la situation à Afrine".

De nouveaux pillages ont été menés lundi dans la ville par des combattants syriens pro-Ankara, selon un correspondant de l'AFP et l'OSDH. "C'est le chaos généralisé", a ajouté l'ONG qui dispose d'un vaste réseau de sources sur le terrain.

La veille, des correspondants de l'AFP avaient vu des magasins saccagés, des combattants chargeant pêle-mêle dans des pick-up cartons de nourriture, chèvres, couvertures et même des motos, avant de quitter la ville.

Il n'y a pas de place pour des "bandits de grands chemins" parmi les rebelles, a dénoncé Khaled Khoja, ancien chef de la Coalition nationale syrienne, principale formation de l'opposition en exil.

- Bombardements sur Douma -

Entré dans sa huitième année, le conflit syrien a tué plus de 350.000 personnes depuis 2011 et fait des millions de réfugiés et de déplacés.

Sur un autre front, dans la Ghouta orientale, le régime syrien a reconquis plus de 80% du dernier fief rebelle aux portes de Damas, à la faveur d'une offensive soutenue par son allié russe.

Un mois jour pour jour après le début de cette opération, le président Bachar al-Assad s'est rendu sur place, auprès de troupes du régime.

Sur les réseaux sociaux, la présidence syrienne a publié dimanche une série de vidéos le montrant en tenue décontractée, lunette de soleil et col de chemise ouvert, au volant de sa voiture pour se rendre dans la Ghouta.

Au lendemain de cette visite, le pilonnage du régime s'est poursuivi et au moins 20 civils ont été tués en 24h à Douma, la plus grande ville de la Ghouta orientale encore tenue par les rebelles, selon l'OSDH.

Un correspondant de l'AFP a vu dans la nuit deux secouristes chercher de possibles survivants ensevelis sous les décombres, à la lumière de petites lampes torches.

Depuis le 18 février, les bombardement ont tué plus de 1.400 civils, dont 281 enfants, d'après l'OSDH.

Pour échapper aux bombardements et à la mort, près de 70.000 personnes ont fui les territoires rebelles ces derniers jours.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.