Ankara mise sur la diplomatie avec les rebelles Kurdes


23 octobre 2007 | Istanbul | LAURE MARCHAND

Le gouvernement Erdogan est embarrassé par la disparition de huit militaires qui pourraient avoir été capturés par le groupe séparatiste PKK.


Démonstration de force en juin dernier de militants armés du PKK qui ont trouvé refuge dans le nord de l'Irak.
AFP

L'ARMÉE est sortie de son mutisme en reconnaissant hier la disparition de « huit hommes » au cours de l'embuscade tendue par les rebelles kurdes qui a coûté la vie à douze soldats, dimanche, dans la province d'Hakkari, limitrophe de l'Irak. Ce qui accrédite la prise d'otages revendiquée par le PKK : via l'agence de presse kurde Firat, le groupe séparatiste avait affirmé avoir capturé huit soldats. Cet enlèvement constituerait un coup dur pour le gouvernement qui tente encore d'éviter une opération militaire d'envergure dans le nord irakien, malgré la pression de l'opposition politique et de l'opinion publique. Soufflant le chaud et le froid, le PKK a également proposé une trêve conditionnelle hier soir mais cette avance ne contribuera pas à faire baisser la tension en Turquie.

Dimanche soir, les responsables militaires et politiques ont tenu une réunion de crise pour mettre au point la riposte contre les attaques du PKK. Le communiqué rendu public réaffirmait la détermination d'Ankara : « La Turquie n'hésitera pas à payer le prix, quel qu'il soit, pour protéger son droit, son unité indivisible et ses citoyens. » Mais le premier ministre Recep Tayyip Erdogan espère toujours une intervention de Washington : « Nous attendons des États-Unis qu'ils prennent des mesures rapides compte tenu de notre partenariat stratégique. » Ce week-end, le secrétaire d'État américain, Mme Condoleezza Rice, a demandé au chef du gouvernement d'attendre quelques jours avant de donner le feu vert à l'armée pour entrer en Irak.

Les efforts diplomatiques pour convaincre les gouvernements irakien et kurde de coopérer se poursuivent : le ministre des Affaires étrangères Ali Babacan pourrait se rendre dès aujourd'hui dans la capitale irakienne. « Le gouvernement ne veut pas faire cavalier seul, décrypte Beril Dedeoglu, professeur de relations internationales de l'université de Galatasaray. Il essaye de relancer les alliances classiques avec les États-Unis et l'Irak pour agir dans un cadre international. »

L'opinion publique pousse à une intervention

Cette option diplomatique est de plus en plus malaisée à défendre sur la scène turque. Les appels de nombreux observateurs à ne pas tomber dans le piège du PKK, qui cherche à attirer la Turquie dans le bourbier irakien, ne trouvent aucun écho auprès d'une grande partie de la population. À l'image des autres titres de la presse turque, le quotidien populaire Vatan réclamait vengeance hier à la une de son édition : « Douze martyrs : leur mort ne peut pas rester impunie. » Et comme la veille, de nouveaux rassemblements conjurant l'armée d'entrer dans la région du Kurdistan autonome se sont déroulés.

À Istanbul, quelques milliers de manifestants se sont rassemblés à l'appel du Parti républicain du peuple (CHP), la principale force d'opposition. La foule, gonflée de colère, a conspué le gouvernement, accusé de faire preuve de lâcheté face au PKK, en scandant « Tayyip (Erdogan, NDLR), envoie ton fils à l'armée ! ». Les plus belliqueux, tel Ertugrul Ozkok, rédacteur en chef du quotidien Hürriyet, menacent de « transformer le rêve du Kurdistan en cauchemar », si Massoud Barzani, le président de la région autonome kurde, ne cesse pas de protéger le PKK, comme l'accuse Ankara.