Anders Fogh Rasmussen à la tête de l'OTAN après l'accord d'Ankara

mis à jour le Lundi 6 avril 2009 à 14h37

Lemonde.fr | 6 avril 2009

Enégociant avec succès son ralliement à la nomination du Danois Anders Fogh Rasmussen au poste de secrétaire général de l'Alliance atlantique, la diplomatie turque a fait mieux qu'obtenir d'importantes compensations : elle a renforcé la stature et l'influence de la Turquie au sein de l'Alliance atlantique, et peut-être aussi la crédibilité de sa candidature à l'Union européenne.

La stratégie adoptée par Ankara tout au long du 60e anniversaire de l'OTAN, qui s'est achevé, samedi 4 avril, à Strasbourg, était risquée. En maintenant son veto sur un candidat qui s'est attiré les foudres d'une partie du monde musulman en 2005, lors de l'affaire des caricatures de Mahomet, Ankara prenait en otage le succès de la réunion des vingt-huit chefs d'Etat de l'Alliance, par ailleurs très consensuelle. La Turquie, qui bloque depuis longtemps le renforcement des relations entre l'Union européenne et l'OTAN à cause de la question chypriote, renforçait ainsi son image d'allié difficile.

Les arguments d'Ankara étaient à certains égards légitimes, et l'on verra si, en passant outre, le président Barack Obama, qui s'est fait le garant du "compromis de Strasbourg", les a ou non sous-estimés. Au moment où l'Alliance atlantique reconnaît qu'elle n'a pas de plus grand défi à relever que la stabilisation de l'Afghanistan, et désormais aussi du Pakistan, et alors que la stratégie américaine est plus que jamais de "gagner les coeurs et les esprits" du peuple afghan, il n'est pas sûr que la personnalité de M. Rasmussen soit la plus idoine.

Le successeur du Néerlandais Jaap De Hoop Scheffer devra nécessairement devenir l'homme d'un dialogue avec une partie du monde musulman. Or Anders Fogh Rasmussen, ce libéral à tous crins, fut le compagnon de route le plus fidèle de George Bush, au point de soutenir la guerre en Irak en 2003 en y envoyant plusieurs centaines de soldats danois.

UN PROCHE DE M. BUSH

Ses convictions sont en partie illustrées par son alliance de gouvernement avec le Parti populaire danois (DF, extrême droite) aux thèses ouvertement xénophobes. Mais son attitude inflexible lors de l'affaire des caricatures ne lui a pas valu que des déboires : en Europe, plusieurs capitales ont loué à cette occasion son soutien à la liberté d'expression.

C'est même parce qu'il n'était pas question de laisser la Turquie s'arroger un droit de veto à propos de cette valeur cardinale de l'Union européenne, qu'Américains et Européens ont multiplié les efforts pour inciter le premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan et le président Abdullah Gül à composer. Ces derniers ont écouté, et laissé monter les enchères.

Au final, cette tactique a été récompensée : la Turquie devrait obtenir l'un des six postes de secrétaire général adjoint de l'OTAN, actuellement détenus par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne, la République tchèque et le Canada, ainsi que deux hauts postes civils, dont celui d'envoyé spécial de l'OTAN en Afghanistan. Ankara devrait rejoindre à terme le groupe des experts de l'Agence européenne de défense (AED), sous réserve de l'accord formel de celle-ci, ce qui est une ancienne revendication de la Turquie.

Les généraux turcs pourraient également obtenir deux ou trois postes supplémentaires au sein de la structure militaire intégrée de l'Alliance. M. Rasmussen se serait, d'autre part, engagé à obtenir la fermeture de la chaîne de télévision kurde Roj TV qui émet au Danemark, ce que réclamait avec insistance Ankara. Enfin, pour tenter de faire changer d'avis M. Erdogan, qui avait "douté de ses capacités à contribuer à la paix mondiale", M. Rasmussen devait s'exprimer, lundi à Istanbul, afin de "tendre la main au monde musulman".