Conferences : Democratisation of the Middle East : Aso Agace fr
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Aso Agace (EN- DE- FR- KU)
M. Ali Aslan (EN- TR)
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Lili Charoeva (Français)
Mirella Galletti
Section INTERVENANTS
Lotta Hedström
Keya Izol
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Nina Larsson
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Khaled Salih
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Harry Schute (كوردي)
Ephrem Isa Yousef (Français)
Eva Weil (Français)
Section PRESSE
Nina Larsson tillbaka från Irak
Lotta Hedström
Nina Larsson är på väg till Kurdistan


Chroniques de Marc Kravetz
France-Culture
Croniques de Marc Kravetz 21 nov. | Croniques de Marc Kravetz 22 nov. | Croniques de Marc Kravetz 23 nov.

Hewlerglobe.net
Hewler Globe 29 Nov.

I  N  T  E  R  N  A  T  I  O  N  A L    C  O   N  F  E  R  E  N  C  E
Democratisation of the Middle East
Problems & Perspectives

19-20 November 2005
Organized by : Kurdish Institute of Paris in partnership with Kurdistan Minister of Culture
Iraqi Kurdistan Regional Government, Erbil - Kurdistan

sponsored by the French Ministry of Foreign Afffairs



Quel rôle peuvent jouer les femmes kurdes dans le processus de démocratisation au Moyen-Orient ?

Par Aso Agace (*)

J’aimerais donner à cette question une réponse au ton provocateur.

Un processus de démocratisation sans la participation des femmes est impossible. Non seulement parce que les femmes constituent plus de la moitié de la population. Mais aussi parce que leur voix ne sont que trop rarement écoutées, parce que leur présence dans les différents milieux de la société, y compris en politique, ne sont pas une évidence, et parce que les femmes dans les sociétés des pays du Moyen-Orient sont encore très loin d’une vie qui leur concède les mêmes droits qu’aux hommes. La démocratisation doit être plus qu’une question d’égalité des droits et d’institutions démocratiques. Elle doit être comprise comme un processus vivant de transformation démocratique de la société… Si la démocratisation doit être comprise ainsi, elle est alors impossible sans la participation active des femmes.

Je parle d’une participation délibérée des femmes kurdes, non d’une intégration formelle. Je ne parle pas de cette fausse bonté avec laquelle les hommes permettent aux femmes de s’asseoir à leur table et où elles attendent ensuite que la parole leur soit donnée.

Mais je parle d’une participation active des femmes, qui délibérément et consciemment, puissent exprimer et défendre les intérêts des femmes kurdes, être écoutées et prises au sérieux et compter dans l’agenda politique. Car il s’agit des intérêts de la majorité, ou du moins de la moitié de la société.

Sans cette participation active des femmes kurdes, le processus de démocratisation au Kurdistan sera très vite bloqué. Si la moitié de la société reste exclue du pouvoir de participation à la vie politique, économique, scientifique et culturelle…où est la démocratie ?

Pour la première fois dans son histoire, le Kurdistan a la chance de devenir une « île de démocratie », une île entourée de pays non démocratiques et autocratiques, dans lesquels la démocratie, l’Etat de droit et les droits de l’homme n’ont peu ou pas de valeur. En tant qu’îlot démocratique au Moyen-Orient, le Kurdistan revêt une importance particulière pour les démocraties, les gouvernements et peuples occidentaux. Ainsi le Kurdistan pourrait être perçu par le monde occidental bien plus que comme un simple objet aux intérêts économiques et stratégiques.

Hînbûn, centre international pour les femmes et leurs familles, est à des milliers de kilomètres du Kurdistan. Nous travaillons à Berlin avec des femmes kurdes. Elles sont réfugiées politiques, migrantes ou jeunes femmes nées à Berlin. Hînbûn accompagne ces femmes sur le pénible chemin de leur entrée dans la société allemande.

Sur ce chemin, elles doivent surmonter trois grands obstacles :

  1. le désintérêt, et souvent aussi le refus de la société et de la bureaucratie allemandes à les accueillir véritablement comme leurs égales,
  2. les liens étouffants des traditions familiales kurdes et du patriarcat, ainsi que le mépris,
  3. et enfin, l’image négative qu’elles ont d’elles-mêmes et qui reflète dans leur for intérieur le mépris extérieur.


Grâce au soutien financier du gouvernement allemand, Hînbûn mène depuis 24 ans une diversité de séminaires et de projets pour permettre aux femmes kurdes en particulier de surmonter toujours mieux ces obstacles. Il s’agit naturellement de leur permettre par ces projets d’apprendre à connaître le système démocratique allemand. Il s’agit également de les initier à la langue allemande, de leur permettre de se familiariser avec les coutumes et traditions allemandes et de se faire comprendre par les professeurs, les médecins et les autorités afin que les femmes puissent mieux saisir les opportunités offertes par un pays riche et démocratique. Nous organisons des séminaires et des projets pour l’intégration des femmes dans la société allemande, afin que celles-ci apprennent à connaître leurs voisins allemands, et aussi des projets grâce auxquels les autorités allemandes apprennent à connaître les kurdes et leurs pays d’origine et à comprendre les raisons de la fuite. Nous avons également agi à plusieurs reprises sur la scène européenne. Tous ces projets étaient et sont importants.

Mais le plus important était, et est, que l’image de soi, le rôle propre de chaque femme évolue petit à petit. Les femmes kurdes apprennent dans nos séminaires que dans les société kurdes d’autrefois, les femmes étaient plus libres et avaient plus de droits que dans les sociétés voisines. Celles-ci étaient également respectées dans les comités de décisions. A l’inverse, dans les sociétés kurdes d’aujourd’hui, la situation des femmes s’est empirée : celles-ci ont généralement besoin de l’approbation des hommes – du père ou du mari – pour participer à la vie sociale hors de la famille. Cela est également encore vrai pour les femmes kurdes en Allemagne. C’est pourquoi la participation des femmes aux projets d’Hînbûn signifiait souvent sortir du cadre étroit de la famille. Ceci ne s’est généralement pas produit sans un long processus de disputes avec les maris, les pères et les frères. Ces disputes n’ont pas seulement changé les femmes, mais aussi les hommes. Et c’est ainsi que cela doit se passer.

Afin que ces transformations se produisent, Hînbûn n’a pas seulement travaillé avec les femmes, mais avec les familles entières, en intégrant depuis le début les hommes.

Si notre Kurdistan doit être un îlot de démocratie, et c’est ce que je nous souhaite de tout cœur, et si nous ne voulons pas attendre cent ans pour cela, nous devons alors dorénavant nous atteler à la tâche, à chaque endroit, dans la famille, à l’école, l’université, au travail, dans les médias et en politique, avec nos mots et nos actes. Nous aurons d’autant plus de succès si nous, les femmes kurdes, n’avons pas besoin de nous battre contre un monde d’hommes. Hînbûn a déjà organisé pour la première fois un groupe kurde d’hommes et parallèlement à cela, un groupe de femmes germano-kurde. Nous souhaitons qu’au sein de ces groupes, la question politique de la démocratie soit également considérée dans la perspective individuelle : que signifie la démocratie active et vivante pour le comportement individuel de chacun ? Comment chaque individu peut-il surmonter les frontières construites par les traditions dans son rapport avec les autres ?

Cette mission se pose également au niveau collectif. Les politiques peuvent encourager activement ou freiner ce processus démocratique. La participation des femmes aux affaires du monde ne se laissera pourtant pas indéfiniment bloquer.

L’année prochaine, Hînbûn fêtera son vingt-cinquième anniversaire, que nous célébrerons entre autres par un congrès sur le thème « Les femmes kurdes et leur familles, ici et là-bas ». Pour cette conférence, nous souhaitons accueillir des invités internationaux, et particulièrement des participant(e)s et intervenant(e)s de toutes les parties du Kurdistan. Je serais ravie de pouvoir rentrer à Berlin avec une liste de personnes intéressées.

(*) Hînbûn, Berlin