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Intervenants
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Gerard CHALIAND
Fuad HUSSEIN
Najmaldin O. KARIM
Pierre Jean LUIZARD
Danielle Mitterrand
Adnan MUFTI
Kendal Nezan
Siyamend OTHMAN
PRESSE
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Associated Press
I Herald Tribune
Jeudi 28 novembre 2002
Mouna Naim
Mouna Naim 2
Marc SEMO
IMAGES

VIDÉO
Vidéo

C O N F E R E N C E   I N T E R N A T I O N A L E
Quel avenir pour les Kurdes en Irak ?

Le vendredi 29 novembre 2002
Organisée par : l`Institut kurde de Paris


Les Kurdes d'Irak dans l'obligation d'une solution irakienne

Par Pierre-Jean LUIZARD (*)



Si l’on remonte à 1925, année du rattachement du vilayet de Mossoul au royaume hachémite d’Irak, on constate que tous les gouvernements irakiens ont sans exception fait la guerre aux Kurdes et que cette guerre n’a directement provoqué la chute d’aucun d’entre eux. Ces gouvernements sont tombés pour d’autres raisons que le problème kurde, comme si le pouvoir central à Baghdad pouvait vivre avec une rebellion kurde endémique. Les Kurdes d’Irak ne peuvent peser dans une solution à la « question irakienne » comme, par exemple, a pu le faire de façon conjoncturelle l’Alliance du Nord en Afghanistan. C’est dans la partie arabe de l’Irak que se joue l’avenir du pays. C’est probablement cette constatation qui a jusqu’ici pouss les Kurdes d’Irak à privilégier les soutiens extérieurs afin de forcer Baghdad à leur reconnaître leurs droits. Ce fut hier le soutien de l’Iran du chah, puis de la République islamique, qui se sont terminés par des tragédies répétées (l’effondrement de la résistance kurde à la suite des accords d’Alger, puis Halabja et la campagne Al-Anfal). Le quasi-protectorat américain actuel peut-il s’avérer plus payant ?

Les Kurdes vivent depuis 1991 une situation dont ils aimeraient croire qu’elle n’est pas uns simple parenthèse. Pourtant, rien n’indique que le soutien américain débouchera sur une issue différente des soutiens extérieurs précédents. La guerre annoncée modifiera la donne en Irak avec, probablement, la fin des sanctions et de l’embargo. Il y a tout à parier que Washington donnera la préférence à un nouveau pouvoir central à Baghdad plutôt qu’à la poursuite d’une politique kurde dont la plupart des acteurs aux Etats-Unis reconnaissent qu’elle n’est pas liée à des intérêts américains précis. Entre le Kurdistan autonome et un nouveau régime à Baghdad, ami des occidentaux, le choix risque d’être vite fait et les Kurdes de se retrouver une fois de plus « trahis ». La prospérité « relative » du Kurdistan est artificielle, liée non pas à une économie basée sur une production locale, mais à une situation d’exception, dont l’embargo et les sanctions sont les principaux éléments. La fin des sanctions risque de ruiner la zone autonome.

La seule voie envisageable pour les Kurdes d’Irak est d’inscrire leur politique dans le cadre irakien de façon effective. Cela signifie qu’ils doivent considérer que le pouvoir à Baghdad est la seule clé possible du respect de leurs droits. C’est avec les forces de l’opposition arabe qu’ils devraient négocier ceux-ci, sachant qu’une majorité d’Arabes irakiens demeure hostile à l’idée du fédéralisme (seuls les communistes ont pris position en faveur de l’Etat fédéral). Il est vrai que, jusqu’à maintenant, le côté arabe n’a pas été suffisamment encourageant pour persuader les Kurdes d’abandonner leur recours « traditionnel » à des acteurs non-irakiens. Mais l’Irak n’est pas un pays de guerre ethnique au niveau de la « rue ». Il n’existe pas d’exemple de pogroms anti-kurdes à Baghdad ou ailleurs de la part de la population arabe. Les exactions sont toujours venues de l’Etat. Il n’existe pas d’hostilité envers les Kurdes parmi les Arabes. Le seul blocage provient du fait que l’idée du fédéralisme remet en cause l’identité « arabe » et unitaire de l’Etat irakien et, de ce fait, la place que les Arabes y occupent. Les Kurdes peuvent aider à trouver une solution à la « question irakienne », mais ils ne sont pas en mesure d’imposer durablement leur vision par la force d’un acteur non-irakien. La négociation avec les forces de l’opposition arabe d’Irak n’implique pas obligatoirement de renoncer aux soutiens extérieurs à l’Irak pour préserver les droits des Kurdes. Mais elle ne peut aboutir que si tous les acteurs irakiens ont le sentiment que c’est bien le cadre irakien qui est privilégié par tous les protagonistes. La remise à plat et la refondation des institutions étatiques irakiennes, seule issue à la question kurde d’Irak, ne sera possible qu’à ce prix.

(*) Spécialiste de l’Irak