Quatre ex-députés kurdes rejugés en Turquie
samedi 29 mars 2003

Ils avaient écopé de quinze ans de prison pour aide au PKK

uatre anciens députés kurdes, dont Leyla Zana, emprisonnés depuis neuf ans, ont appelé vendredi, au premier jour d'un nouveau procès, à accélérer le processus de démocratisation en Turquie. «D'importants progrès ont été réalisés au cours des dernières années en matière de démocratisation», a affirmé Leyla Zana, pour qui Ankara doit néanmoins faire davantage en matière de respect des droits de l'homme. Elle a par ailleurs appelé l'Union européenne à encourager les réformes en ouvrant immédiatement des négociations d'adhésion avec la Turquie.


«Nous n'avons jamais prôné la violence, mais nous avons été la cible de la violence.» Leila Zana, ex-députée kurde

Procès inéquitable. Leyla Zana, qui avait reçu le prix Sakharov du Parlement européen, est rejugée en même temps que trois autres ex-députés – Hatip Dicle, Orhan Dogan et Selim Sadak – après avoir été condamnés, en 1994, à quinze ans de prison pour aide aux séparatistes armés du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). La Cour européenne des droits de l'homme, a estimé le premier procès inéquitable. Le Parlement turc a donc autorisé de nouveaux procès pour les personnes dont les sentences ont été condamnées par la Cour de Strasbourg. Les dirigeants européens ont prévu de se prononcer, fin 2004, sur l'éventuelle ouverture de négociations d'adhésion avec Ankara, en fonction des réformes réalisées d'ici là par les autorités turques.

Le procès s'est ouvert vendredi matin devant une Cour de sûreté d'Ankara en présence de nombreux avocats, défenseurs de droits de l'homme, diplomates, journalistes, ainsi que deux députés du Parlement européen venus en observateurs. «En 1994 les droits de la défense avaient été violés», a affirmé à la presse Luigi Vinci, eurodéputé italien. Plus de deux cents policiers, dont des unités antiémeutes, avaient alors été mobilisés.

Leyla Zana s'est défendue d'avoir incité les Kurdes de Turquie à la rébellion ouverte. «Nous n'avons jamais prôné la violence, mais nous avons été la cible de la violence», a déclaré l'ex-député affirmant n'avoir à l'époque «qu'un seul objectif au Parlement, arrêter l'effusion de sang entre frères». La rébellion kurde faisait alors rage, avec des morts quotidiennement dans les combats entre soldats et PKK. En quinze ans, cette «sale guerre» a fait plus de 30 000 morts et 3 millions de personnes déplacées. Les quatre députés, qui, en 1991, avaient provoqué un tollé en tentant de prêter serment en langue kurde au Parlement, avaient vu leur immunité parlementaire levée à l'issue d'une procédure pour liens avec le PKK. La question kurde est sensible en Turquie, où vivent au moins 12 millions de Kurdes, mais qui ne les reconnaît pas en tant que minorité nationale.

Partis interdits. Le Parlement turc a autorisé l'été dernier la diffusion d'émissions radiotélévisées en langue kurde, ainsi que l'enseignement, dans des écoles privées, de cette langue. Début mars, la justice turque a interdit un parti kurde, le Hadep, et a appelé à l'interdiction d'un parti frère, le Dehap, estimant qu'ils portaient atteinte à l'unité du pays et appuyaient les activités clandestines du PKK (rebaptisé Kadek). A la fin de la première audience les juges ont refusé de remettre en liberté les quatre accusés dans l'attente du nouveau verdict.