Romano Prodi salue les réformes d'Ankara,
évoque Droits de l'Homme et Chypre

ANKARA, 15 jan (AFP) - 19h53 - Le président de la Commission européenne, Romano Prodi, a salué jeudi lors d'une visite historique à Ankara les réformes pro-européennes de la Turquie, appelant à les appliquer pleinement notamment en ce qui concerne les Kurdes.

"Nous apprécions profondément les efforts de la Turquie qui a réalisé des progrès impressionnants", a-t-il souligné lors d'une conférence de presse conjointe avec le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan.

"Mon message à la Turquie c'est de continuer dans la voie des reformes", a insisté M. Prodi, premier président de la Commission européenne depuis 1963 à visiter la Turquie, signant alors l'accord d'association entre Ankara et ce qui était encore la Communauté économique européenne (CEE).

Pour M. Prodi, qui était accompagné du commissaire à l'Elargissement, Guenter Verheugen, "la Turquie est maintenant plus proche de l'Union européenne", mais il est impératif d'appliquer d'une manière "effective" les réformes engagées pour respecter les critères de Copenhague dans les domaines des droits de l'Homme et de la démocratie.

Lors de son adresse au Parlement, le Président de la Commission a notamment souligné "l'intérêt particulier" avec lequel "le Parlement européen et l'opinion européenne allaient suivre le nouveau jugement de (la députée kurde) Leyla Zana" et de trois autres députés, a-t-il déclaré.

Destitués de leur fonction et condamnés à 15 ans de prison fin 1994 pour assistance à la rébellion, les quatre députés - dont Leyla Zana, prix Sakharov de la Liberté en 1995 - sont toujours emprisonnés mais actuellement rejugés après que leur procès eut été jugé "inéquitable" par le Parlement européen.

Une audience de ce procès a lieu vendredi à Ankara.

La Commission européenne a souvent déclaré qu'il ne suffisait pas pour la Turquie d'adopter des réformes. Encore fallait-il qu'elles soient réellement mises en oeuvre, notamment en ce qui concerne la communauté kurde dans le sud-est du pays et une véritable indépendance de la justice.

Risquant de déplaire à Ankara, M. Prodi a également souligné le fait que l'opinion publique européenne était divisée quant à la candidature de la Turquie, contrastant avec la large adhésion de la société turque à cette perspective.

"Il y a ceux qui s'inquiètent de la dimension religieuse (de la Turquie). D'autres soulignent l'aspect de la capacité de l'UE à intégrer un pays de la taille (démographique) et de l'importance géographique de la Turquie, de son niveau de développement économique et de sa position géostratégique".

"Nous devons répondre à ces préoccupations", a-t-il dit.

Interrogé au sujet de Chypre, M. Prodi a réitéré qu'une solution à la division de l'île, divisée depuis 1974 en secteurs grec au sud et turc au nord, "contribuerait grandement aux aspirations européennes de la Turquie", candidate à l'UE depuis 1999 mais qui n'a pas encore entamé des discussions d'adhésion.

Le Premier ministre a affirmé vouloir faire tout son possible pour aider les partis chypriotes grec et turc à réunifier l'île d'ici l'adhésion de la République de Chypre (partie grecque, internationalement reconnue) à l'UE au 1er mai.

"Sans le moindre doute, nous souhaitons que ce problème soit résolu une fois pour toute", a affirmé M. Erdogan, mais il a également souligné qu'il ne s'agissait pas pour son gouvernement d'une "condition politique" à l'ouverture de négociations d'adhésion avec l'UE.

M. Prodi a admis cet état de choses, mais a estimé qu'un règlement de l'épineux problème "rapprocherait" la Turquie de l'Union.

La Commission européenne doit recommander en octobre aux Etats membres de l'Union d'ouvrir ou non des négociations d'adhésion avec la Turquie, en fonction des progrès réalisés par Ankara et leur application.

Il appartiendra alors aux dirigeants de l'UE de décider en décembre, d'ouvrir ou non ces négociations.