Quatre ex-députés kurdes, rejugés à Ankara, appellent à plus de démocratie

ANKARA, 28 mars (AFP) - 16h17 - Quatre anciens députés kurdes, dont une femme, Leyla Zana, emprisonnés depuis neuf ans pour aide aux rebelles kurdes de Turquie, ont appelé vendredi, au premier jour d'un nouveau procès, à accélérer le processus de démocratisation dans le pays.

"D'importants progrès ont été réalisés au cours des dernières années en matière de démocratisation", a affirmé Mme Zana, pour qui la Turquie doit néanmoins faire davantage en matière de respect des droits de l'Homme.

Les quatre accusés resteront en prison d'ici à la prochaine audience, fixée au 25 avril, la Cour de sûreté ayant refusé vendredi une demande de mise en liberté dans l'attente de leur jugement.

"C'est décevant, la Turquie a perdu une occasion de faire preuve d'une attitude démocratique pragmatique", a commenté Luigi Vinci, député italien au parlement européen venu en observateur. Si les quatre prévenus ne sont pas libérés lors de la prochaine audience, ce sera un "scandale", a-t-il dit à l'AFP.

Mme Zana, dont le procès est suivi avec attention par la Commission européenne, a appelé l'Union européenne à encourager les réformes en ouvrant immédiatement des négociations d'adhésion avec la Turquie.

"Cela accélèrerait le processus de démocratisation de la Turquie", a estimé l'ex-députée, qui a reçu du parlement européen le prix Sakharov pour la liberté d'expression.

Les dirigeants européens ont prévu de se prononcer fin 2004 sur l'éventuelle ouverture de négociations d'adhésion avec Ankara, en fonction des réformes réalisées d'ici là par les autorités turques.

Mme Zana, âgée de 42 ans, et trois autres ex-députés --Hatip Dicle, Orhan Dogan et Selim Sadak-- avaient été condamnés en décembre 1994 à 15 ans de prison pour aide aux séparatistes armés du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK).

Ils doivent leur nouveau procès à une décision de la Cour européenne des droits de l'Homme, qui a jugé le premier procès inéquitable, et à une décision du parlement turc qui a autorisé de nouveaux procès pour les personnes dont les sentences ont été condamnées par la Cour, dont le siège se trouve à Strasbourg dans l'est de la France.

Il s'agit du premier procès de ce type depuis l'adoption des nouvelles mesures par le parlement en janvier.

Le procès s'est ouvert en présence de nombreux avocats, défenseurs des droits de l'Homme, diplomates, journalistes, ainsi que deux députés du parlement européen. Plus de 200 policiers avaient été mobilisés.

Mme Zana s'est défendue d'avoir incité les Kurdes de Turquie à la rébellion ouverte. "Nous n'avions qu'un seul objectif au parlement, c'était d'arrêter l'effusion de sang entre frères", a-t-elle ajouté.

Les quatre députés, qui, après leur élection en 1991, avaient provoqué un tollé en tentant de prêter serment en langue kurde au parlement, avaient vu leur immunité parlementaire levée afin qu'ils puissent être jugés pour liens avec le PKK.

"Nous sommes jugés pour nos opinions politiques", a affirmé M. Dicle.

La question kurde est particulièrement sensible en Turquie, pays qui compte plus de 10 millions de Kurdes, mais qui ne les reconnaît pas en tant que minorité nationale.

Le parlement a autorisé l'été dernier la diffusion d'émissions radio-télévisées en langue kurde, ainsi que l'enseignement, dans des écoles privées, de cette langue. La diffusion d'émissions n'a toutefois pas commencé.

Début mars, la justice turque a interdit un parti pro-kurde, le Hadep, et a appelé à l'interdiction d'un parti frère, le Dehap, estimant qu'ils portaient atteinte à l'unité du pays et appuyaient les activités clandestines du PKK (rebaptisé Kadek).

Le PKK a mené pendant 15 ans une lutte séparatiste dans le sud-est du pays, qui a fait officiellement 36.000 morts. Il a déposé les armes en 1999.