Fin du procès de Leyla Zana, verdict fin avril

ANKARA, 2 avr (AFP) - 19h08 - La justice turque a reporté au 21 avril le verdict dans le nouveau procès de l'ex-députée Leyla Zana et de trois de ses collègues, condamnés en 1994 à 15 ans de prison pour soutien à la rébellion kurde.

Ce procès, voulu par la Cour européenne des droits de l'Homme qui avait jugé le premier procès inéquitable, s'est achevé vendredi par la présentation des derniers arguments de la défense.

L'un des juges qui président la Cour de sûreté de l'Etat d'Ankara, Orhan Karadeniz, a affirmé qu'ils avaient besoin de plus de temps pour se prononcer, au terme d'un procès qui a duré treize mois, à raison d'une audience par mois.

Les trois juges de la Cour doivent se prononcer sur la culpabilité de Leyla Zana, Hatip Dicle, Orhan Dogan et Selim Sadak, anciens députés du parti pro-kurde de la Démocratie (DEP). Ils ont été rejugés dans le cadre de nouvelles procédures judiciaires mises en oeuvre par la Turquie pour entrer dans l'Union européenne.

La condamnation des ex-députés en 1994 avait été vivement condamnée en Europe. Leyla Zana, 43 ans, est devenue un symbole pour l'UE qui juge la volonté de la Turquie de se démocratiser notamment à l'aune de son respect des droits de la minorité kurde. Le parlement européen a décerné le prix Sakharov des droits de l'Homme à Leyla Zana en 1995.

En 2001, la Cour européenne des droits de l'Homme avait critiqué le fait que, lors de leur procès, les accusés n'avaient pas pu faire comparaître tous leurs témoins et que l'accusation avait tardé à notifier de nouvelles inculpations.

Le parlement turc a depuis autorisé de nouveaux procès pour les prévenus dont les sentences ont été condamnées par la Cour européenne des droits de l'homme.

Les avocats de Leyla Zana ont critiqué le déroulement du nouveau procès à plusieurs reprises, estimant qu'il n'était pas équitable.

Un avocat de la défense, Yusuf Alatas, a affirmé vendredi à l'AFP qu'il s'attendait à une confirmation des condamnations prononcées il y a dix ans. "Je pense que le tribunal va confirmer les sentences prononcées en 1994. Nous ferons alors appel et, si besoin, irons devant le Cour européenne des droits de l'Homme", a-t-il affirmé.

"Nous ne pouvons pas dire que ce procès a été équitable", avait affirmé l'avocat en s'adressant à la Cour vendredi matin.

"Ce procès a manqué d'apporter sa contribution aux efforts de démocratisation de la Turquie et à sa volonté d'adhérer à l'Union Européenne", a estimé un autre défenseur, Mustafa Ozer, dans son adresse à la Cour.

Les juges, selon lui, ont fait preuve de parti pris en favorisant le procureur et en conduisant le procès de la même façon qu'en 1994.

Dans une lettre ouverte au Prix Nobel de la Paix 2003, l'Iranienne Shirin Ebadi, et à Danielle Mitterrand, veuve de l'ancien président français, Mme Zana s'est montrée pessimiste.

"L'ancien verdict aura peut être été confirmé lorsque vous recevrez cette lettre. Nous savions et nous attendions à un tel résultat", a affirmé Mme Zana, 43 ans, dans cette lettre datée du 30 mars, écrite de prison et dont copie a été obtenue par l'AFP.

"Sous prétexte d'un nouveau procès, c'est l'ancien qui s'est à nouveau déroulé", selon Mme Zana pour qui "le gouvernement n'a voulu ce procès que comme faire-valoir en matière de politique étrangère".

Plusieurs observateurs, dont des représentants du parlement européen, étaient présents vendredi.

"Je suis d'accord avec la défense pour dire que ce procès n'est pas équitable", a commenté Joost Lagendijk, député européen membre de la Commission parlementaire conjointe, s'adressant aux journalistes à l'issue de l'audience.

Les accusés, dont le parti a été dissous en juin 1994, pour "séparatisme", avaient été condamnés pour "création et appartenance à une bande illégale", en l'occurrence, le Parti clandestin des Travailleurs du Kurdistan (PKK), aujourd'hui rebaptisé Kongra-Gel.

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