Après 10 ans d'emprisonnement, Leyla Zana est de retour à Diyarbakir

DIYARBAKIR (Turquie), 13 juin (AFP) - 17h56 - Plusieurs dizaines de milliers de sympathisants ont accueilli dimanche Leyla Zana, figure emblématique de la lutte pacifique pour les droits des Kurdes, qui vient de passer 10 ans en prison, dans la ville à forte population kurde de Diyarbakir (sud-est).

Mme Zana et ses trois compagnons d'emprisonnement, Hatip Dicle, Orhan Dogan et Selim Sadak, ont été salués par des milliers de manifestants qui scandaient "fin à la politique de violence et d'anéantissement", selon un correspondant de l'AFP sur place.

Condamnés en 1994 à 15 ans d'emprisonnement pour des liens avec l'organisation sécessionniste armée du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), les quatre anciens députés du Parti de la Démocratie (DEP, kurde, dissous en 1994) ont été libérés mercredi dans l'attente d'une révision de leur procès.

Après avoir été reçus par les représentants locaux du Parti démocratique du peuple (Dehap, kurde), dont le maire de Diyarbakir, Osman Baydemir, les quatre ex-parlementaires ont été hissés sur la terrasse d'un bus chargé de les acheminer jusqu'au centre de la ville.

Le véhicule a mis près d'une heure et demie pour accomplir un trajet de 3 km à travers une foule dense, qui arborait des drapeaux vert, rouge et jaune -les couleurs des mouvements kurdes-, et sous une pluie de fleurs jetées depuis les balcons et les fenêtres.

Arrivés sur la Place de la Gare, où les attendaient des dizaines de milliers de supporteurs, les anciens détenus ont adressé à la foule, en kurde et en turc, des messages de paix et de réconciliation.

"Nous avons montré notre patience pendant des siècles. Si nous devons une fois encore faire preuve de patience et d'abnégation, nous le ferons, (car ces qualités) sont la marque des grands peuples", a déclaré Leyla Zana qui a demandé aux Etats-Unis et à l'Europe d'aider la Turquie à ne pas devenir "une autre Palestine, un autre Liban".

Mme Zana a également lancé un message au Kongra-Gel -le nouveau nom du PKK-, l'invitant à "ne pas rompre le cessez-le-feu pendant au moins six mois".

Le PKK a mené entre 1984 et 1999 une guerre sans merci avec les forces de sécurité turques pour obtenir l'indépendance du sud-est anatolien. Près de 37.000 personnes ont péri au cours de ces afrontements.

L'organisation armée a déclaré une trève unilatérale après la capture de son chef, Abdullah Ocalan, en 1999, mais a annoncé la reprise des hostilités fin mai.

Les accrochages entre forces de sécurité turques et le PKK se sont multipliés dans le sud-est de la Turquie depuis cette annonce.

Le président du Dehap, Tuncer Bakirhan, a lui aussi renouvelé l'appel à la prolongation du cessez-le-feu qu'il avait rendu public la veille.

Hatip Dicle s'est pour sa part adressé au gouvernement, lui recommandant de poursuivre ses efforts en vue d'une résolution pacifique de la question kurde et lui demandant de faire un geste en direction des 5.000 prisonniers politiques encore emprisonnés.

Dans les rangs des sympathisants, des slogans tels que "Leyla est sortie, c'est au tour d'Apo" (surnom d'Abdullah Ocalan), "longue vie à notre chef Apo" ou "nous sommes tous du PKK" se sont fait entendre à la fin de l'allocution.

Mehmet et Fatma Ocalan, frère et soeur du chef du PKK, ont assisté au meeting, a pu constater le correspondant de l'AFP.

Leyla Zana doit effectuer avec ses trois compagnons une tournée dans 12 villes de Turquie qui s'achèvera le 17 juin.

D'autres manifestations pour "la paix et le dialogue" ont eu lieu dans plusieurs villes turques à l'instigation du Dehap. A Istanbul, plusieurs milliers de manifestants ont répondu à l'appel de ce parti.