ACTE D’ACCUSATION


Le Parquet de la Cour de Sûreté de l’Etat d’Ankara, dirigé par le procureur général Nusrat Demrial, a préparé un Acte d’accusation de 174 pages contre les 6 parlementaires kurdes. Cet acte, édité sous forme de livre et largement diffusé avant le début du procès a néanmoins été lu dans son intégralité lors des audiences des 3 et 4 août 1994 de la Cour de sûreté de l’Etat, en présence d’une quarantaine d’observateurs étrangers venus assister au procès.

L’extrait traduit ci-dessous est le Résumé de l’Acte de l’Accusation fait par le parquet lui-même et placé en introduction du livre publié par celui-ci. Sa traduction a posé de nombreux problèmes tant ce texte pullule de fautes d’orthographe, et de syntaxe et de logique, avec de nombreuses phrases incomplètes et sans verbe, des lapsus, de contre-sens. La médiocrité du turc utilisé par ces 8 procureurs, dont certains sont des militaires, témoigne de l’indigence de leur formation intellectuelle et de leur éducation. L’ensemble du texte est rédigé sur un mode obsessionnel: on y rencontre plusieurs centaines de fois l’expression «l’organisation de terreur, le PKK». Les expressions «diviser l’Etat turc» ou «vouloir créer un Etat kurde» sont également abondamment utilisées, parfois plusieurs fois dans une même phrase. Chaque fois que cela était possible les redondances fastidieuses ont été réduites pour rendre la traduction lisible, tout en conservant l’univers mental des procureurs tel qu’il se manifeste dans leur prose.

Un autre point, ne relevant pas de la traduction proprement dite cette fois-ci, mérite également d'être signalé: le délit attribué aux députés est de nature idéologique. Au fond, ceux-ci sont accusés de remettre en cause les principes de la Constitution de 1982, imposée par les généraux, qui érige le kémalisme et le nationalisme turc en doctrine officielle de l'Etat, de la nation et... de chaque citoyen. C'est le «fondateur de la République de Turquie, chef immortel, héros incomparable, Mustafa Kemal Atatürk et ses réformes et ses principes» qui sont le critère ultime de la distinction entre le délit et la conformité à la loi. Ce sont aussi ces principes qui déterminent les limites de «la démocratie libérale» dont parlent les procureurs.

Une telle conception de l'Etat de droit autorise naturellement tout amalgame, notamment celui que les procureurs font entre le PKK et les députés. La remise en cause de la doctrine officielle suffit, per se pour être accusé de poursuivre les mêmes objectifs que le PKK. Ainsi, Mahmut Alınak, qui est pourtant connu pour des positions qui le placent aux antipodes du PKK, peut être accusé par les procureurs, de faire partie de cette organisation : «lors de ses réunions électorales, le député Mahmut Alınak a repris, mot-à-mot, à son compte les revendications de l'organisation de terreur, le PKK: 'identité kurde, culture kurde, éducation en kurde'». Les trois couleurs qui sont acceptées par l'ensemble des Kurdes comme composant leur drapeau sont également définies comme le «drapeau du PKK", alors que, dans la bonne tradition «marxiste", cette organisation tient à garder son étoile d’or sur un fond rouge. Les lecteurs ne seront pas étonnés alors de constater que les députés sont accusés, en l'absence du moindre élément concret de preuve, uniquement par déduction, de faire partie de cette organisation.

L'introduction de l'Acte d'accusation ci-dessous ne concerne donc pas uniquement les députés du DEP. Il doit également être considéré comme un document montrant les principes fondateurs et le fonctionnement de la justice turque.


INTRODUCTION

Constatant des activités (des députés) visant

«à soustraire à son administration une partie des territoires de l’Etat», telles qu’elles sont définies dans le cadre de l’article 125 du Code pénal turc (CPT) (faisant partie du paragraphe intitule DÉLITS CONTRE LA PERSONNALITÉ DE l’Etat, alinéa intitule DÉLITS CONTRE LA PERSONNALITÉ INTERNATIONALE DE L’ETAT, visant à réprimer «les actes visant à séparer de l’administration de l’Etat une partie de ses territoires»;

à créer un Etat séparé sous le nom du Kurdistan sur des territoires du Sud et du Sud-Est qui sont sous la souveraineté de la République de Turquie, d’exhiber, sous forme de propagande orale, leurs activités en tant que branche politique de l’organisation de terreur, le PKK.

Les requêtes datées du 27.11.1991 (réf. 1991/5); du 25.05.1993 (réf.1)» du 18.08.1993 (réf. 6), du 15.07.1993 (réf.5), du 02.07.1993 (réf.4), du 16.12.1992 (réf.3), du 18.08.1993 (réf.7); envoyées, par la voie du ministère de la Justice à la présidence de la Grande Assemblée Nationale de Turquie, ont été discutées lors de 78ème et de 79ème séances (02-03.03.1994) de cette assemblée. La Direction Générale des Affaires pénales du Ministère de la Justice nous a fait parvenir, le 07.03.1994, la décision de la levée, conformément à l’article 83 de la Constitution, de l’immunité parlementaire des députés:

Leyla Zana (annexe n° C6393)

Mahmut Alınak (annexe n° G6394)

Orhan Dogan, Sirri Sakık, Mahmut Alınak, Hatip Dicle, Leyla Zana, Ahmet Türk (annexe n°6395)

Orhan Dogan, Sirri Sakık, Mahmut Alınak, Hatip Dicle, Ahmet Türk (annexe 6396)

Leyla Zana, Ahmet Türk (annexe 6397)

Ahmet Türk (annexe 6398)

Orhan Dogan (annexe 6399)

Les députés-accusés Hatip Dicle et Orhan Dogan ont été placés en à garde à vue le 02.03.1994; Leyla Zana, Ahmet Türk, Sirri Sakık, Mahmut Alınak, à leur tour, le 04.03.1994. A la suite des entretiens avec eux et des interrogatoires, après la consultation et la vérification des preuves et des accusations contre eux, les preuves constituant la base de requêtes, de nouvelles preuves qui les confirment, et celles obtenues lors des interrogatoires ont été communiquées le 17.03.1994 au membre suppléant de la Cour de la Sûreté de l’Etat d’Ankara. Elles sont les suivantes:

1° Les accuses ont affirmé, par leur déclaration de presse; faite a la Grande Assemblée Nationale de Turquie (GANT), lors de la cérémonie de serments, que «le texte du serment, précisé par l’article 81 de la Constitution est rédigé sur la base des idées racistes et chauvines, qu’ils n’adhérant pas au contenu du serment précisé par l’article 82 de la Constitution dont ils s’opposent à la totalité, et qu’ils sont obligés de le lire par nécessite constitutionnelle»;

2° Le 06.11.1991, ils ont porté à la GANT où il s’étaient venus prêter serment, des mouchoirs de poche et des couronnes comprenant les couleurs vert-jaune-rouge, identiques à celles du drapeau du PKK;

3° a- Le député-accusé Hatip Dicle a déclaré: «mes amis et moi-même, nous lisons ce serment parce que nous y sommes contraints par la Constitution»;

b° La députée-accusée Leyla Zana a dit, depuis la tribune de l’Assemblée: «je suis Kurde et je le resterai jusqu’au bout. Je lis ce texte de serment, sous contrainte et parce que je suis obligée. Je suis Kurde, je demeurerai Kurde»,

4° Dans leur déclaration intitulée «Déclaration à toutes les institutions et organisations internationales», les députés accusés Hatip Dicle, Sirri Sakık, Orhan Dogan, Ahmet Türk, Leyla Zana, ont invité les institutions et les organisations internationales d’intervenir auprès de la Turquie et de faire de la pression sur elle. Ils ont prétendu qu’il existe un peuple séparé nommé peuple kurde et ont présenté la lutte de l’Etat de la République de Turquie contre la bande du PKK comme une action visant à détruire le peuple kurde;

5° Au lendemain de l’opération que les forces de sécurité turques ont entreprise contre le PKK au nord de l’Irak, et qui a provoqué des pertes au sein de cette organisation de terreur, ils ont publié un tract intitule «A l’opinion publique de Turquie et du monde». Alors qu’ils n’y ont pas dénoncé les actions de l’organisation de terreur le PKK, ils ont critiqué les forces de l’ordre turques et fait de la propagande destinée à diviser l’Etat de la République de Turquie;

6° Lors du congrès extraordinaire du HEP, un tableau a été désigné sur l’Etat de la République de Turquie (?). Esma Öcalan, mère d’Abdullah Öcalan, a été présentée comme «la mère des mères».

Dans la salle du congrès ou il n’y avait aucune statuet ni portrait d’Atatürk, le drapeau du PKK a été hissé. A la place de l’hymne national, I’hymne de l’organisation de la terreur, le PKK a été chanté en kurde. Pour les cartons d’invitation, les couleurs jaune-rouge-vert ont été spécialement choisies. Les députés Hatip Dicle, Ahmet Türk et Mahmut Alınak ont fait l’éloge de cette situation dont ils se sont même présentés comme des architectes. Ils ont présenté l’organisation de terreur le PKK comme le représentant des Kurdes.

7° Dans ses interventions aux chaînes de télévision allemandes BAVIERA et SAT, la députée-accusée Leyla Zana a fait des déclarations contre l’intégrité de l’Etat de la République de Turquie. Elle a parlé de la GANT comme «le bâtiment ou les plans de massacrer mon peuple sont préparés». Sur un fond d’images du passage de Dövenciler à Antalya, et comme réponse a la question sur la bombe que l’organisation de terreur, le PKK y avait déposé, elle a dit: «chaque pfenick que les touristes apportent, se transforme en armes et en bombes contre mon peuple».

8°Lors de leur visite aux Etats-Unis, comme réponse aux journalistes dans l’Institut Carnegie Endowment, Leyla Zana a répondu: «j’ai honte d’être citoyenne turque. Chaque matin dans les écoles on fait du lavage des cerveaux avec des serments comme: «Je suis Turc, je suis honnête». Ahmet TÜRK, dans une réponse qui a suivi son long discours, a répondu: «nous n’avons jamais qualifié le PKK d’organisation de terreur».

9° Le député-accusé Orhan Dogan a, sur l’instruction d’une femme du nom de code Azimé, soigné, en le faisant passer pour son fils Ferhat Dogan, et aux frais de l’Etat, Abdulvahab KANDEMIR, responsable du PKK à Cizre. Il a obtenu une fausse identité, établi au nom d’ldayet SEÇKIN, pour lui permettre de regagner les rangs du PKK.

Lors du 1er Congres ordinaire du DEP, le député-accusé Mahmut Alınak a parlé, avec insistance, de la «liberté du peuple kurde».

Par ailleurs, les militants arrêtes de l’organisation de terreur le PKK qui mènent une lette armée dans les zones rurales et une lutte politiqué et militaire dans les villes ont, lors de leurs interrogatoires, explique que les députés accusés Leyla Zana, Hatip Dicle, Orhan Dogan, Sirri Sakık et Mahmut Alınak agissent dans le même but que l’organisation de terreur le PKK, et apportent leur aide a ses militants.

Dans la réunion organisée en mai 1993 dans la ville allemande Bonn, à laquelle ont participé de nombreux militants de l’organisation de terreur le PKK, le président du DEP Yasar Kaya a fait un discours. Il a été constaté que le député du DEP Hatip Dicle, ainsi que les militants de l’organisation de terreur le PKK y ont également pris la parole. Dans son discours, Hatip Dicle a parlé du Kurdistan. Il a par conséquent un lien organique avec l’organisation de terreur le PKK.

Lors du cessez-le-feu proclamé par le dirigeant de l’organisation de terreur le PKK, Abdullah Öcalan, les accusés l’ont rencontré. Ils se sont ainsi présentés comme les représentants de l’organisation de terreur le PKK à l’Assemblée.

Le député-accusé Hatip Dicle a défini, dans la page 135 de la revue intitulée The News World (1994) l’Est et le Sud-Est de les territoires de la République de Turquie comme Kurdistan et sa population comme kurde.

De même, sur la chaîne de télévision d’Amsterdam, le députe-accusé Hatip Dicle, a ouvertement donné des déclarations allant dans le sens des objectifs et des images de l’organisation de terreur le PKK, visant à créer un Etat kurde indépendant sur une base marxiste-léniniste.

De même, le député-accusé Hatip Dicle a parlé dans le même sens lors de son discours du 27 février 1993 dans le centre culturel de Seyhan.

Les accusés Hatip Dicle et Leyla Zana ont répété les mêmes idées lors de leur conférence de presse dans l’association des journalistes de l’Anatolie de l’Est.

Dans le même sens, le député-accusé Mahmut Alınak, dans son tract envoyé aux chefs de village de la province de Sirnak, a écrit: «J’ai toujours soutenu, je continuerai à soutenir la lutte de mon peuple pour la liberté et pour le pain. Je suis prêt à porter la voix de la population de Sirnak et de la région à la Turquie et au monde. J’existe pour mon peuple». Les 22 députes du HEP ont, dans un communiqué distribué avant la cérémonie de serment, souligné le même point».

Lors de ses réunions électorales, le député Mahmut Alınak a repris, mot-à-mot, à son compte les revendications de l’organisation de terreur, le PKK: «identité kurde, culture kurde, éducation en kurde».

Le député-accusé Mahmut Alınak a été jugé auparavant pour ses activités d’avant 12 septembre 1980 dans le cadre de l’Organisation de Libération nationale du Kurdistan.

Les députés-accusés Leyla Zana et Ahmet Türk ont, avant et après leur élection, fait des discours et des déclarations allant dans le sens des activités et des idées du PKK. La député Leyla Zana a ouvertement expliqué qu’elle a été élue par l’organisation de terreur, le PKK.

Sur les éléments de l’organisation de terreur le PKK, tués dans les combats, les numéros de téléphone et les adresses des députés ont été trouvés.

Les députés-accusés Orhan Dogan et Sirri Sakık ont également mené des activités visant à trouver une solution sur le plan politique à la lutte armée et à recruter des sympathisants sur le plan international à ses revendications. Ils ont donc mené des activités allant dans le sens que des activités et des idées de l’organisation de terreur le PKK et de sa lutte armée.

Les députés-accusés ont mené, avec insistance, leurs activités en tant que branche politique de l’organisation de terreur le PKK, pour lui permettre de parvenir à ses fins, ils ont partout défendu la thèse de la légitimité du PKK.

L’ex-president du DEP Yasar Kaya a, dans les journaux Özgür Gündem et Yeni Ülke, organes de l’organisation de terreur le PKK, qualifié les soldats et les policiers turcs comme des «ennemis».

L’un des frères de Sirri Sakık, Semdin Sakık (nom de code: Parmaksiz ZEKI) est un dirigeant du PKK. L’un de ses frères a été tué lors des affrontements avec les forces de l’ordre turques. Le députe Sirri Sakık lui-même a donné, sur le plan politique, des déclarations allant dans le sens des objectifs et des idées du PKK.

De même, les documents trouvés sur les militants de l’organisation de terreur le PKK tués dans des zones rurales, montrent les liens entre l’organisation de la terreur le PKK et le DEP.

Il a été constaté que les députés-accusés ont établi des liens téléphoniques avec des cellules du PKK en Syrie et dans certains pays européens. Les enquêtes ont permis de conclure que ces numéros étaient ceux des revues Serxwebûn et Berxwedan.

Par ailleurs, le député-accusé Sirri Sakık a retiré, de la succursale bancaire de la GANT, la somme de $ 103.000 , 45.000 DM, 100 million de livres turques.

Les députés-accusés se préparaient à quitter la Turquie après la levée de leur immunité parlementaire.

Sedap Edip BUCAK qui a déposé une déclaration assermentée à notre parquet, a expliqué que la députée-accusée Leyla Zana lui a demandé, au nom et en tant que représentante du PKK, de tolérer les activités militaires de l’organisation de la terreur.

La députee-accusée Leyla Zana s’entretient souvent avec Abdullah Öcalan, dirigeant de l’organisation de terreur, le PKK, et s’adresse à lui par les titres: «mon secrétaire», «mon président».

Sur les directives d’Abdullah Öcalan, dirigeant du PKK, les députés-accusés ont mené leurs activités dans le cadre du HEP, d’ÖZDEP et du DEP.

A la GANT et dans les plates-formes internationales, ils ont mené des activés visant a créer un Etat kurde indépendant sur une base marxiste-léniniste dans les régions Est et Sud-Est de l’Etat de la République de Turquie.

Ils ont fonctionné en tant que branche politique de l’organisation du PKK

Les comparaisons des preuves vocales ont permis de conclure qu’Abdullah Öcalan, chef de l’organisation de terreur le PKK a téléphone aux accusés et leur a communiqué ses directives.

* * *

Vue que l’ensemble de ces preuves et les faits confirmant les preuves constituent une violation de l’article 125 du Code pénal turc (CPT), les députés-accusés ont été incarcérés, à la suite de leurs interrogatoires, dans la Maison d’Arrêt d’Ankara.

REQUÊTES

REQUÊTE N° 1

Dans la requête du 27.11.1991, réf. 199115, nous avions demandé, conformément a l’article 83 de la Constitution, pour la violation de l’article 125 du CPT, la levée de l’immunité parlementaire des accusés Ahmet Türk, Leyla Zana, Orhan Dogan, Sirri Sakık, Hatip Dicle, Mahmut Alınak et 16 autres députés.

Dans cette requête nous disons, en substance:

NATURE DE LA RÉPUBLIQUE DE TURQUIE

Il est absolument sûr que, conformément aux principes du nationalisme du fondateur de la République de Turquie, chef immortel, héros incomparable, Mustafa Kemal Atatürk et ses réformes et ses principes, qu’aucune protection ne peut être apportée aux idées ou aux considérations contraires à l»’unité de l’éternelle de la patrie et de la nation turques», aux intérêts nationaux turcs, à l’indivisibilité de l’existence turque avec son Etat et sa nation, aux valeurs nationales et morales de la turquicité, au nationalisme, aux principes et aux réformes d’Atatürk, que, conformément au principe de la laïcité, les sentiments sacrés de religion ne peuvent être mêlés aux affaires de l’Etat ou à la politique.

La suprématie absolue de la volonté de la Nation appartient, sans condition aucune, à la nation turque. Personne, ni aucune institution habilitée a l’exercer au nom de la nation, n’est autorisée à le faire en dehors des cadres de la démocratie libérale et en dehors de l’ordre juridique déterminé par les principes de cette démocratie.

Nul citoyen turc n’est autorisé, dans la défense des droits et des libertés essentiels définis dans la Constitution, à prendre une voie en dehors de l’«unité de l’éternelle de la patrie et de la nation turques».

Il est connu de tout le monde que le principe de séparation des pouvoirs ne signifie pas la supériorité de l’un d’eux, qu’il y a une division et une unité, limitées et civilisées, des tâches et que la supériorité est détenue uniquement par la Constitution et par les lois.

De même, les droits et libertés fondamentaux ne peuvent être utilisés pour menacer le principe de l’unité indivisible de l’Etat et de la nation, voire, pour détruire les droits et les libertés fondamentaux ou pour introduire une distinction linguistique, raciale et religieuse. Les sanctions prévues par les contrevenants sont définies par les lois. Les structures d’Etat prévoient également l’introduction des mesures plus manifestes encore pour protéger l’indivisibilité de l’Etat avec sa patrie et sa nation si de telles activités n’étaient pas freinées par les lois.

l’Etat de Turquie et son pays constituent une entité indivisible. Le turc est sa langue. Proposer une autre langue constitue un acte visant à défaire l’unité de l’Etat, avec son pays et sa nation.

De même, le drapeau de l’Etat de la République de Turquie est «le drapeau rouge contenant un croissant et une étoile». On ne peut ni proposer ni discuter le changement de ce drapeau ou l’introduction d’un autre. Un tel acte doit nécessairement être interprété comme visant à défaire l’unité de l’Etat, son pays et sa nation.

DÉFINITION DES FAITS

Le 6 novembre 1991, les accusés, lors de leur conférence de presse, ont distribué une déclaration dans laquelle il était dit:

«Avis à l’opinion publique. Le texte du serment, précisé par l’article 81 de la Constitution, est rédigé sur la base des idées racistes et chauvines. Ce texte est basé sur la négation du peuple kurde. Il est contraire à la démocratie et aux droits de l’homme. Nous, les députés soussignés, n’adhérons pas au contenu du serment précisé par l’article 82». Ils ont agi par la suite de la même manière à la GANT.

De l’analyse des photographies en couleur et de la transcription des cassettes, il a été constaté que, le 06.11.1991, ils ont porté à la GANT où ils étaient venus prêter serment, des mouchoirs de poche et des couronnes comprenant les couleurs vert-jaune-rouge, composant le drapeau du PKK.

Le député-accusé Hatip Dicle a déclaré: «mes amis et moi-même, nous lisons ce serment parce que nous sommes contraints par la Constitution»,

La députee-accusée Leyla Zana, dans la tribune de la Haute Assemblée a crié des slogans dans une langue incompréhensible qu’elle a définie comme kurde, elle a répété le même acte après avoir lu deux fois le serment.

Cette situation et ces actions ont provoqué une grande réaction dans le pays. La grande nation turque les a dénonces dans les termes suivants: «ce sont des porte-parole de l’organisation de terreur, le PKK. Ils poignardent l’unité de l’Etat. Il faut en finir avec ce scandale. La nation maudit les séparatistes».

De même, les citoyens qui ont protesté contre ces actes et téléphoné aux journaux, ont exprimé leurs sentiments dans les termes suivants: «que l’Etat ne cherche pas le PKK dans les montagnes. Il est d’ores et déjà entré a l’Assemblée. Nous protestons contre ce scandale. Qu’ils aillent prêter leurs serments idéalistes au Kurdistan. C’est une grande insolence dans la Turquie d’Atatürk. Leyla Zana et ses amis sont des traîtres à la patrie. Qu’ils soient jetés hors de l’Assemblé».

Dans leurs appels téléphoniques et dans leurs courriers, nos citoyens ont exprimé leur appréciation et leur joie pour l’enquête que nous ouverte {contre les députés).

Le contenu de leur déclaration de presse montre que les accusés sont de mèche avec l’organisation de terreur, le PKK.

Par conséquent, il a été admis comme un fait établi que leur action qui continue et continuera, vise, dans sa totalité, «à soustraire une partie des territoires de l’Etat à son administration».

De même, les discours électoraux que les députés-accusés ont prononcé avant la cérémonie du serment, leurs actions postérieures ont également montré qu’ils visent à créer un Etat indépendant sur les territoires de l’Etat et qu’ils poursuivront ces buts comme une branche de l’organisation de terreur, le PKK.

QUALIFICATION JURIDIQUE DES FAITS

La considération de l’ensemble des actions des députés montrent qu’elles ne s’inscrivent plus dans le cadre des articles 7 et 8 des lois de lutte anti-terroriste numéro 3713, qu’elles font partie intégrante des actions du PKK, qu’elles sont des «actions visant à créer un Etat indépendant sur les territoires de l’Etat», s’inscrivant clairement dans le cadre de l’article 125 du CPT.

L’objectif des actions des accusés est de diviser l’Etat de la République de Turquie, de lui soustraire une partie de ses territoires, d’y créer un Etat kurde dont la carte serait tracée par le PKK. Personne n’a le moindre doute sur ce sujet.

Compte tenu du fait que chaque jour des fonctionnaires et des citoyens innocents tombent martyrs dans notre Anatolie de l’Est et du Sud-Est, à la suite des attaques de l’organisation de terreur le PKK à laquelle ils appartiennent, on peut postuler que les accuses continueront dans l’avenir, sous une couverture politique, à poursuivre les mêmes actions.

Le problème est plus sérieux que nous le pensons. Comme le dit un citoyen: «l’organisation de terreur le PKK est désormais à l’intérieur même de la Haute Assemblée». Ceci est un fait.

Ceux qui croient en la démocratie, n’acceptent pas les actions des accusés, dans le cas contraire, ils se rendraient coupables d’action visant à diviser l’Etat.

Le moyen d’améliorer les droits de l’homme en Turquie passe par la destruction de l’organisation de terreur le PKK, l’arrêt de ses attaques qui coûtent cher en vies humaines, par le désarmement des accusés membres du PKK, organisation de terreur.

Indépendamment des qualifications par lesquelles on peut les décrire, les actions des députés sont vues comme visant à défaire l’intégrité territoriale de République de Turquie. Ces actions, trouvant leur définition dans le cadre de l’article 125 du CPT, sont suffisantes pour que le délit soit considéré comme ayant eu lieu. L’article 14 de la Constitution de la République de Turquie prévoit que, concernant de telles actions, on peut admettre que le délit a eu lieu.

Le PKK est une organisation qui mène des actions pour créer un Etat du Kurdistan indépendant, sur la base de l’idéologie marxiste-léniniste, dans l’Est et le Sud-Est de l’Etat de la République de Turquie. Parallèlement à la branche armée de cette organisation de terreur, les députés ont constitué une branche politique, ils sont, en contournant les lois, entrés dans la Haute Assemblée comme un parti politique.

Si bien que les députés accusés exposent ouvertement leurs activités dans le but de séparer le territoire de l’Etat de la République de Turquie. Ils envoient, dans ce but, le message suivant aux éléments de l’organisation du PKK: «Comme vous, nous poursuivons, dans la Grande Assemblée Nationale de Turquie, l’obctif de créer un Etat indépendant kurde».

Par conséquent, les actions des accusés à l’intérieur ou à l’extérieur de la GANT contiennent la caractéristique suffisante pour parler du délit de trahison à la patrie, du crime contre le pays et la souveraineté de l’Etat, tel qu’il est défini dans l’article 125 du CPT.

Le crime précisé par l’article 125 du Code pénal turc est un crime de menace. Il n’est pas nécessaire que l’objectif envisagé soit atteint. Les préparatifs constituent un élément du crime, puisque il serait trop tard dans l’hypothèse de leur aboutissement.

L’élément constitutif de l’Etat de la République de Turquie est la nation turque. La protection de l’Etat turc nécessite la protection du nationalisme kémaliste dans le cadre de l’idée de l’Etat unitaire.

Dans notre système juridique, il est établi qu’il y a une seule nation, un seul peuple sur les territoires de la Turquie. La nation turque est l’expression souveraine de l’Etat turc.

Comme nous l’avons dit et redit avec insistance, l’objectif clairement déclare de l’organisation PKK est d’obtenir le soutien des ouvriers et de la masse de la population des régions de l’Anatolie de l’Est et du Sud-Est, de conscientiser une partie de la population de ces régions, de renverser, par insurrection armée, le régime actuel et y établir un Etat kurde ayant le marxisme-léninisme comme régime. ll ne fait aucun doute que cela constitue le crime défini par l’article 125 du Codé pénal turc comme viser «a séparer de l’Etat une partie des territoires qui sont sous son contrôle».

Tenant compte des conditions mondiales et internes, et surtout de la situation et de la gravité de l’action séparatiste, nous devons admettre que les actions des députés aboutissent à l’exécution du crime de menace défini par l’article 125 du code pénal turc.

Par leurs actions les accusés font partie intégrante de l’organisation de terreur, le PKK qui vise à créer, un Etat du Kurdistan dans l’Anatolie de l’Est et du Sud Est avec pour régime un régime marxiste léniniste.

LES AUTRES REQUÊTES

Les requêtes datées du 25.05.1993 (réf. 199311), du 18.08.1993 (réf. 1993f6), du 15.07.1993 (réf. 199315), du 02.07.1993 (ref. 1993164), du 16.12.1992 (réf. 1992/2), du 18.08.1003 (réf. 1993J7), ainsi que les procès-verbaux d’interrogatoires préparés pour chacun des accusés, établissant clairement leurs actions, comprenant leurs interrogatoires assermentés, montrent que:

Étant donné des conditions mondiales et internes, et surtout la situation et la gravité de l’action séparatiste, des actions des députés entrent dans le cadre du crime de menace défini par l’article 125 du code pénal turc.

Tous les discours des accusés montrent clairement, par leur contenu, qu’ils visent à «défaire l’unité de l’Etat et de soustraire à la souveraineté de l’Etat une partie des territoires qui sont sous son administration».

Le fait que certains accusés ont répondu par le terme «turc» sous la rubrique concernant les langues étrangères connues dans les formulaires destinés aux députés constitue une preuve supplémentaire de leur objectif.

Cet acte est contraire à l’article 3 de la Constitution qui précise que «la langue de l’Etat est le turc», car si une personne définit la langue du pays auquel il appartient comme une langue étrangère, cela signifie qu’il a rompu ce lien d’appartenance, et qu’il se propose de se séparer de cet Etat. Cet acte des accusés traduit clairement leur objectif.

Il n’est pas nécessaire, selon l’article 125 du Code pénal turc, que cet acte soit accompli par la violence, au contraire, l’article en question ne mentionne point la violence. Le délit est considéré comme ayant eu lieu dans le cas où des actions visant l’objectif cité par l’article en question ont été réalisées.

On ne peut attendre que le résultat soit atteint pour déterminer si le délit a eu lieu. En effet, atteindre le résultat signifie que l’Etat turc soit divisé et qu’un autre Etat soit créé sur ses territoires (souligné par le traductteur).

Dans une telle hypothèse, les accusés seraient les citoyens de l’Etat qui se créerait. Il n’y aurait alors matériellement pas de moyens d’appliquer cet article et de sanctionner les accusés.

Les accusés sont à tel point décidés d’arriver au but de leur action, qu’ils n’hésitent pas de cultiver le thème de l’indépéndance nationale en parlant, dans leurs discours prononcés devant les foules «des braves martyres kurdes qui livrent une lutte d’indépendance nationale et qui sacrifient volontiers leurs vies».

Cette action est le dessein de leur objectif qui vise à diviser l’Etat et à soustraire une partie des territoires qui sont sous sa souveraineté à son administration.

Cet acte n’est pas moins influent et moins dangereux que les délits de hold-up et de terribles assassinats commis, dans un but séparatiste, par les bandits du PKK.

L’acte commis par les accusés est un acte grave, susceptible de soustraire à l’Etat une partie des territoires qui sont sous sa souveraineté.

Les paroles des accusés: «je lis le texte de serment dans la Haute Assemblé, ceci terminé, nous descendrons de la tribune»* Posent la question de la validité du serment: «Est-ce un serment valable ?»

Les actions des accusés ont crée des conditions dans lesquelles ils ne pouvaient plus poursuivre leurs fonctions à la GANT, et ont créé la nécessite de lever, lors des 78ème et 79ème séances de cette assemblée, leur immunité parlementaire.

Par leurs actions, les accusés ont créé dans la société turque une atmosphère où on ne peut plus escamoter les faits par des phrases telles que «mais c’est le plus bel aspect de la démocratie».

Pour ces raisons, les actions répétées des accusés s’inscrivent dans le cadre de l’article 125 du Code pénal turc, faisant partie du chapitre intitulé «TRAHISON A LA PATRIE- DÉLITS CONTRE LE PAYS DE L’ETAT ET SA SOUVERAINETÉ».

Nous avons, par notre requête datée du 27.11.1991, souligné que, les accusés, profitant de chaque occasion, dans leurs circonscriptions électorales, en Turquie ou à l’étranger, ont commis le délit défini par l’article 125 du CPT. Depuis,

a) les accusés Ahmet Türk, Leyla Zana, Orhan Dogan, Sirri Sakık, Hatip Dicle, Mahmut Alınak et 11 autres députés ont, dans leur requête datée du 20.1.1993 a la CSCE, sans prendre la précaution de cacher leur objectif qui est de diviser l’Etat de la République de Turquie, ouvertement pris position contre l’Etat; ils ont préparé leur requête comme un acte de trahison et contrevenu, en prouvant que la division de l’Etat est leur principal objectif, aux articles 3, 4, 5, 13, 14, 27, 28, 66, 67 et 68 de la Constitution.

b) L’accusée Leyla Zana, dans son intervention à la télévision bavaroise et dans ses réponses à un journaliste a également réitéré ces propos.