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Bulletin N° 468 | Mars 2024

 

TURQUIE : LA DÉBÂCLE ÉLECTORALE D’ERDOGAN

La campagne pour les élections municipales du 31 mars s’est déroulée sans incidents majeurs dans la plupart des provinces du pays sauf au Kurdistan où la police a arrêté avant les célébrations de Newroz plusieurs centaines de militants kurdes.

Organisée en plein jeûne de Ramadan, cette campagne n’a guère mobilisé des foules. Fatiguée par des scrutins qui se succèdent depuis 2011 sans apporter la moindre amélioration à son sort, la population a boudé les meetings et autres rassemblements politiques. Bien qu’il s’agissait d’une élection locale, le président turc Erdogan s’est investi sans compter dans la campagne comme chef de l’AKP et il a mobilisé les media et toutes les ressources de l’État en faveur des candidats de son parti. Infatigable malgré ses 70 ans, il a tenu meeting dans 52 des 81 villes du pays, promettant monts et merveilles pour un futur proche où le fléau de l’inflation sera enfin maîtrisé et descendra à un chiffre alors qu’il est officiellement à 67% par an, voire selon les économistes turcs indépendants à plus de 120%, et les taux de crédit à plus de 50%.

La couverture de la campagne électorale dans les media, contrôlés à plus de 90% par le pouvoir, a été particulièrement inique. Le président Erdogan disposait d’un temps illimité sur les antennes des chaînes de télévision qui ont aussi accordé la part de lion aux candidats de son parti et à ceux de son allié de coalition le parti de l’Action nationaliste (MHP), d’extrême droite. Le Parti républicain du peuple (CHP) principale formation de l’opposition qui possède sa propre chaîne de télévision HALK TV (TV Peuple) a pu néanmoins bénéficier d’un minimum de couverture dans les media proches du pouvoir. En revanche, le parti pro-kurde DEM, deuxième formation de l’opposition au Parlement, a été complètement ignoré par les chaînes de télévisions turques tant publiques que privées. Il a souffert aussi de ses arrestations massives des militants. Plusieurs milliers de ses cadres, dont ses ex-co-présidents, 8 anciens députés et 25 maires élus en 2014 et 2019 sont toujours en prison.

Dans cette compétition électorale pour le moins inégale, le Parti de la Justice et du Développement (AKP) du président Erdogan a essuyé la plus lourde défaite de son histoire. Avec 35,8% des suffrages exprimés, il enregistre son pire score dans des élections municipales depuis plus de 20 ans et devient le deuxième parti derrière son rival, le Parti républicain du peuple (CHP), kémaliste et nationaliste qui, avec 37,8% des voix devient, pour la première fois depuis 1977, le premier parti du pays. Le CHP a remporté haut la main 35 des 81 villes du pays contre 21 villes en 2019, dont 6 des 10 métropoles. Parmi elles Istanbul, Ankara, Izmir, Bursa, Antalya. Dans la grande mégapole d’Istanbul, particulièrement convoitée par le président Erdogan, le maire sortant Ekrem Imamoglu a battu son concurrent d’AKP avec une marge sans appel de 11,5%, soit plus d’un million de voix d’écart. Le maire CHP sortant d’Ankara Mansur Yavas a fait encore mieux en surclassant son rival d’AKP de 28,19%.

En net recul, l’AKP a gagné dans 24 villes, pour la plupart de taille moyenne d’Anatolie et du littoral de la Mer Noirei représentant environ 23% de la population du pays. Les villes dirigées par le CHP représentent 64% de la population et plus de 80% de l’économie du pays.

De son côté, en dépit de tous les obstacles dressés sur son chemin, le parti pro-kurde DEM a gagné dans 10 villes dont, bien sûr à Diyarbakir, capitale politico-culturelle du Kurdistan, ainsi qu’à Batman, Mardin, Siirt, Agri, Mus, Igdir, Hakkari et à Dersim, ville natale de Kemal Kiliçdaroglu, ex-leader du CHP, et à Van. Dans cette grande ville le candidat DEM, l’ex-député Hadep Ahmet Zeydan, sorti de prison pour délit d’opinion il y a à peine un an, a obtenu plus de 55% des suffrages et le DEM a réalisé un grand schlem en remportant les mairies de toutes les sous-préfectures (ilçe) et de tous les districts de cette province. Au total, le DEM a conquis les 10 villes mentionnées et plus d’une soixantaine de sous-préfectures des provinces kurdes. Trois villes, Bitlis, Sirnak et Kars lui ont échappé de peu grâce à des manipulations des forces de sécurité turques qui ont, sous prétexte de protection des bureaux de vote, fait venir près de 50.000 soldats et policiers turcs, souvent dépêchés des lointaines provinces du littoral de la Mer Noire et favorables à l’AKP, qui ont été autorisés à voter dans ces villes kurdes peu peuplées où ils ont pu changer l’issue du scrutin. Cette « ingéniérie électorale » que l’armée turque considère comme légale a outré la population locale qui l’a dénoncée sur les réseaux sociaux et qui compte, sans illusion, saisir le Haut Conseil électoral turc pour que des élections soient réorganisées dans ces trois villes dans le respect des droits de leurs habitants à élire leurs élus locaux sans manipulation ni ingérence.

Les municipalités dirigées par le parti DEM représentent 7% de la population totale de la Turquie.

Si, avec des manœuvres frauduleuses, l’AKP a pu gagner dans 4 provinces kurdes (Bingol, Bitlis, Sirnak, Kars) peu peuplées, ses scores électoraux sont en très net recul par rapport aux élections de 2023 et de 2019. Le parti islamique kurde Huda Par, soutenu et encouragé par le pouvoir, au lieu de réduire l’influence du parti pro-kurde laïc DEM, a capté une partie des électeurs kurdes conservateurs de l’AKP réalisant à Batman un score exceptionnel de 15,6% mais partout ailleurs des résultats plus modestes de 3% à 5%. Une autre formation, le nouveau Parti de la Prospérité, se réclamant de l’héritage du leader historique de l’islam politique turc Necmettin Erbakan et dirigé par son fils Fatih Erbakan a su rassembler une partie des déçus de l’AKP. Faisant campagne contre la paupérisation croissante des couches populaires, réclamant une revalorisation substantielle des salaires et des pensions de retraite pour rattraper l’inflation, exigeant la rupture des relations diplomatiques avec « le régime sioniste génocidaire » et l’interdiction des associations LGBT, ce nouveau parti a séduit la frange la plus islamiste de l’électorat musulman conservateur, il a conquis deux villes dont celle d’Urfa (Edesse) considéré jusque-là comme un fief d’AKP et plusieurs petites villes d’Anatolie avec des candidats entrés récemment en dissidence avec l’AKP. Il dépasse assez largement en voix le MHP partenaire de la coalition de l’AKP.

Les résultats des élections municipales turques donnent lieu à des analyses variées. Pour le président Erdogan lui-même, qui est intervenu le soir des élections sur les chaînes de télévision, il s’agit d’un tournant dont il conviendrait de tirer au plus vite les enseignements. Sans féliciter les maires élus, il a promis de « respecter la décision de la nation » et invité son camp à l’auto-critique, reconnaissant que « malheureusement nous n’avons pas obtenu les résultats que nous souhaitions ». De son côté, le nouveau chef du parti vainqueur CHP, Ozgur Ozel, dans sa déclaration s’est félicité de la victoire de son parti tout en reconnaissant qu’elle ne reflétait pas l’influence du parti dans le pays car beaucoup de démocrates kurdes et des déçus de l’AKP ont voté en faveur des candidats du CHP pour faire battre ceux de l’AKP. L’apport du vote kurde aux candidats du CHP a été décisif dans certaines métropoles comme Istanbul. Par contre ce parti n’a réalisé que des scores marginaux dans les provinces kurdes.

Les analystes relèvent que l’abstention relativement élevée (26% contre 13% en 2023) a aussi contribué à la débâcle de l’AKP. Environ 14 millions des 61,4 millions d’électeurs ne se sont pas rendus aux urnes. Plus de la moitié d’entre eux seraient d’anciens électeurs de l’AKP, déçus par les piètres performances économiques du gouvernement mais ne souhaitant pas non plus aller voter pour un parti de l’opposition, sont restés chez eux pour envoyer un message de mécontentement aux gouvernants. D’autres observateurs remarquent que, ayant fait le vide autour de lui, le président Erdogan n’a pas pu présenter aux électeurs, y compris dans ville natale d’Istanbul, que des candidats sans envergure ni charisme, inaptes à s’attirer l’adhésion populaire.

Un mot enfin sur la place des femmes dans ces élections. Au total 11 femmes ont été élues maires dont 6 du CHP, 4 de DEM et 1 seule de l’AKP à Gaziantep. Au Kurdistan, Mme Serra Bucak a été élue avec 64% des voix maire de Diyarbakir, Mme Gulistan Sönük élue avec 64,5% des voix maire de Batman, Mme Sofya Alagas, élue maire de Siirt, ville natale de la Première Dame turque Emine Erdogan, et Mme Hazal Aras élue avec 50,07% des suffrages maire d’Agri, province du nord à la frontière de l’Arménie où est situé le Mont Ararat.

Dans toutes les autres villes kurdes moyennes et petites dirigées par le parti DEM il y a toujours un tandem de co-maires, 1 homme et 1 femme. Si les Kurdes sont proches de la parité homme-femme, au CHP le taux est de 6/35 et à l’AKP 1/24.

Sauf convocation d’élections anticipées, il n’y aura plus d’élections en Turquie jusqu’aux élections présidentielles et parlementaires de 2028 et légalement le président Erdogan au pouvoir depuis 20 ans n’a plus le droit de se présenter.

 

IRAK : INCERTITUDES SUR LES ÉLECTIONS PARLEMENTAIRES AU KURDISTAN

La tenue des élections pour le Parlement du Kurdistan, fixées en principe au 10 juin, devient de plus en plus incertaine. Après les partis chrétiens et turkmènes protestant contre la suppression d’un quota de 11 sièges qui, depuis 1992 leur étaient réservées et qu’un récent arrêt de la Cour suprême irakienne remet en cause, c’est le Parti démocratique du Kurdistan, principale formation politique de la Région qui menace de boycotter ces élections. Dans un communiqué rendu public le 18 mars, le Bureau politique du PDK déclare : « Nous estimons qu’il est dans l’intérêt de notre peuple que notre parti ne se conforme pas à une décision inconstitutionnelle et à un système imposé de l’extérieur ». Le PDK affirme qu’il ne participerait pas à un vote imposé par la Cour qui « viole la loi et la Constitution ».

L’arrêt de la Cour suprême est, de toute évidence, contraire à la Constitution irakienne dont l’article 141 qui stipule que « La législation adoptée au Kurdistan depuis 1992 reste en vigueur et les décisions prises par le gouvernement de la région du Kurdistan, y compris les décisions judiciaires et les contrats, sont considérées comme alides, sauf si elles sont modifiées ou abrogées conformément aux lois de la région du Kurdistan, par l’organe compétent de la région du Kurdistan, à condition qu’elles ne soient pas contraires à la Constitution.

Or la loi électorale du Kurdistan fait partie de la législation adoptée au Kurdistan depuis 1992 qui prévoit un contingent de 11 sièges pour les chrétiens et les Turkmènes du Kurdistan afin qu’ils puissent être représentés dignement au parlement et dans les autres instances du Gouvernement du Kurdistan. C’est dans le cade de cette législation que des élections pluralistes ont été organisées depuis 1992, c’est-à-dire avant la chute de la dictature de Saddam Hussein en 2003 ainsi qu’après sa chute et après l’adoption par referendum de l’actuelle Constitution en 2005 sans aucune observation ou réserve de la part de cette Cour suprême. Celle-ci a été instituée en 2005 à titre transitoire pour la période précédant l’adoption définitive de la Constitution. L’article 92 de la Constitution prévoit la création d’une Cour suprême fédérale dont la composition, le fonctionnement et les prérogatives doivent être déterminés par une loi adoptée à la majorité des deux-tiers des membres de la Chambre des députés. Or, une telle loi, malgré les multiples relances des autorités kurdes ainsi que des dirigeants sunnites, n’a pas encore été élaborée. A la place le Parlement irakien a adopté en 2021 à la majorité simple de 204 députés une loi « validant » l’existence juridique de cette Cour suprême mise en place en 2005 à titre provisoire. Cette loi adoptée par la majorité chiite est totalement inconstitutionnelle car son adoption, d’après l’article 92 de la Constitution, nécessite une majorité de deux-tiers.

Ainsi rafistolée, la Constitution est devenue une machine de guerre utilisée sans retenue pour détricoter le statut d’autonomie du Kurdistan et mettre au pas les dirigeants sunnites considérés comme insuffisamment dociles comme le président sunnite du Parlement irakien, al-Habousi, qui sans procès ni débat parlementaire a été destitué de son poste et de son mandat de député. Depuis, le poste du président du Parlement est resté vacant, une vacance qui aggrave encore le chaos politique ambiant à Bagdad.

La Cour suprême fédérale, mise en place à titre transitoire, était composée de 9 membres dont 5 chiites, 2 Kurdes et 2 sunnites. La loi inconstitutionnelle de 2021 a supprimé le droit de la Région du Kurdistan de nommer deux membres de cette Cour en coordination avec le Conseil judiciaire de la Région du Kurdistan. Elle a, depuis sa revigoration en 2021, rendu une dizaine d’arrêts violant les pouvoirs et prérogatives constitutionnels de la Région du Kurdistan. Les Kurdes, qui après une douzaine d’années de quasi indépendance, avaient en 2003 consenti à réintégrer le cadre irakien sur l’insistance des Etats-Unis et l’engagement que leur pleine autonomie serait respectée et garantie par la nouvelle Constitution irakienne, se retrouvent à nouveau démunis. La Constitution garantit leurs droits et leur autonomie mais n’est pas en mesure de garantir la pleine application de cette Constitution et de s’opposer à la dérive centralisatrice et autoritaire d’un gouvernement fédéral sous l’emprise de Téhéran qui ne respecte pas ses engagements ni en matière économique et financière ni sur le plan politique.

Evoquant cette crise insurmontable, un dirigeant kurde stigmatisait la dictature des juges fédéraux en ces termes : En Iran il y a un Guide suprême dont les fetwas sont sans appel ; en Irak on a une Cour suprême qui décide de tout, se substitue souvent au pouvoir législatif dont les arrêts sont sans appel. S’y soumettre c’est accepter que les droits acquis de haute lutte par le peuple kurde soient bafoués les uns après les autres à l’instigation de Bagdad et de Téhéran, s’y opposer et provoquer une crise qui sera d’autant plus dévastatrice que depuis l’arrêt de ses exportations pétrolières en mars 2023 le Kurdistan subit une asphyxie financière.

Le 5 mars, l’un des deux juges kurdes de la Cour suprême, Abdulrahman Sulaiman a démissionné en estimant qu’après la série de jugements défavorables au Kurdistan il en était arrivé à la conclusion selon laquelle il existe « une volonté évidente dans ces décisions consécutives de la Cour de revenir à l’autorité centrale et de s’éloigner des principes fédéraux ». Impuissant face à une majorité chiite politiquement motivée et sans doute en service commandé, il a choisi de démissionner pour ne pas apparaître complice par silence de cette dérive centralisatrice et anticonstitutionnelle.

La décision du PDK de boycotter les élections a suscité de nombreuses réactions. Ce parti historique, qui lutte depuis 1946 pour l’autonomie du Kurdistan, qui détient 45 sièges sur 111 au Parlement du Kurdistan, est un acteur essentiel de la vie politique kurde locale. Le Président de la Région, le Premier ministre et la plupart des ministres sont issus de ses rangs. Sans sa participation les élections ne pourraient se tenir et au cas où elles seraient organisées comme le souhaite l’Union patriotique du Kurdistan (UPK) qui ne compte que 21 sièges au Parlement du Kurdistan, elles seraient dépourvues de sens et de légitimité. Alertée, l’ambassadrice des Etats-Unis à Bagdad, Mme Alina Romanowski, a exprimé « son inquiétude » tandis que la Mission d’assistance des Nations-Unies pour l’Irak (MANUI) a tenu à souligner que « les élections sont essentielles et a appelé toutes les parties à travailler dans l’intérêt du peuple pour trouver une solution ».

Appel de bon sens mais sans portée ni conséquence. Néanmoins les autorités kurdes envisagent d’envoyer après le Ramadan, une énième délégation à Bagdad pour tenter de trouver un compromis, forcément provisoire et imparfait, sur les nombreux contentieux en cours dont les questions budgétaires, la reprise des exportations pétrolières, l’imbroglio juridique créé par les arrêts de la Cour fédérale.

Le gouvernement irakien, malgré plusieurs accords et l’adoption de la loi budgétaire nationale, n’est toujours pas disposé à débloquer l’intégralité des fonds destinés aux salaires des fonctionnaires du Kurdistan irakien. Le gouvernement régional du Kurdistan (GRK) a affirmé que le gouvernement irakien avait débloqué 568 milliards de dinars irakiens pour les salaires de février, soit 300 milliards de dinars de moins que ce qui était réellement nécessaire. Le GRK a étayé ses affirmations en publiant un rapport soulignant le fait que la loi budgétaire récemment adoptée oblige Bagdad à verser au Kurdistan irakien plus de 9 000 milliards de dinars (environ 6 milliards de dollars) pour 2023.

L’Association de l’industrie pétrolière du Kurdistan (APIKUR) a publié un rapport sur l’état du gel en cours des exportations de pétrole du Kurdistan irakien à l’occasion du premier anniversaire du gel. Les exportations ont été interrompues en mars 2023 lorsque la Chambre de commerce internationale de Paris s’est prononcée en faveur de Bagdad plutôt qu’Ankara concernant le soutien de cette dernière aux exportations indépendantes de pétrole du Kurdistan irakien via la Turquie. Le rapport APIKUR estime que l'Irak a perdu au moins 11 milliards de dollars de revenus et des centaines de millions de dollars en investissements depuis le début du gel. Le rapport de l'APIKUR appelle également l'administration Biden et le Congrès américain à annuler la visite prévue du Premier ministre irakien Mohammed Shia al Soudani à moins que le pipeline reliant le Kurdistan irakien à la Turquie ne soit rouvert, que les compagnies pétrolières étrangères ne commencent à recevoir des paiements et que Bagdad mette en œuvre le budget 2024 et fournisse au gouvernement régional du Kurdistan (GRK) sa part du budget fédéral. Parallèlement, le ministre des Ressources naturelles du Kurdistan (MNR) a déclaré que depuis mars 2023, le Kurdistan avait livré 11 millions de barils de pétrole à Bagdad mais n'avait pas reçu « un seul dinar » en retour. Le MNR a souligné que les exportations pétrolières du Kurdistan ne représentaient que 10 % des exportations totales de l’Irak et que les revenus tirés du pétrole ne constituaient qu’une partie des droits financiers alloués à la région dans le cadre du budget irakien. Le MNR a en outre souligné que l'arrêt des exportations de pétrole avait précipité une « crise financière », provoquant des retards dans le décaissement des salaires publics.

A Washington, huit congressmen républicains américains ont soumis une lettre au président Joe Biden l’exhortant à exiger du Premier ministre irakien, Mohammed Shia al Soudani, qu’il autorise la reprise des exportations de pétrole du Kurdistan irakien via la Turquie. La lettre exprimait une « profonde préoccupation » quant au projet de l'administration Biden d'accueillir al-Soudani à la Maison Blanche le 15 avril. Les congressmen ont également demandé à l'administration Biden d'arrêter les transferts de dollars américains vers l'Irak jusqu'à ce que le département du Trésor certifie que ces transferts ne sont pas effectués pour bénéficier à l’Iran ou à ses milices.

Tout au long du mois de mars, les bombardements turcs et les activités de déstabilisation de l’Iran se sont poursuivis.

Le 1er mars, un drone turc présumé a frappé un bureau du Mouvement pour la liberté de la société du Kurdistan (Tevgera Azadî) dans le district de Kalar, dans le gouvernorat de Suleimanieh, tuant une personne. Tevgera Azadî a été créé en 2014 et est considéré comme une émanation du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Un médecin kurde Abdulkadir Toprak a été assassiné à Suleimanieh. Toprak était originaire de Turquie et résidait au Kurdistan irakien depuis plus d'une décennie après avoir été persécuté par le gouvernement turc.

Le 7 mars des drones turcs ont tué deux membres des Unités de résistance de Sinjar (YBS) dans le quartier yézidi de Shingal (Sinjar).

Le 10 mars une frappe aérienne turque près du sous-district de Shiladeze a entraîné la mort de deux civils le 10 mars. Les attaques turques contre la région du Kurdistan ont coûté la vie à plus d’une centaine de civils depuis leur début en 2015, sous prétexte de combattre le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Le même jour, une autre frappe aérienne turque dans la ville yézidie de Shingal a entraîné la mort d'un membre des Unités de résistance de Sinjar (YBS) et en a blessé un autre.

Selon les Community Peacemaker Teams (CPT), depuis 2024, la Turquie a bombardé 141 fois la province de Duhok, dont 75 sur la montagne Gara, fief du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Le rapport du CPT note que quatre civils ont été tués par des frappes aériennes et des bombardements turcs, et qu'un autre a été blessé. « Le but des bombardements est de faire pression et de forcer les villageois et les civils de la montagne de Gara à partir afin que la Turquie puisse établir et contrôler une zone plus vaste pour mener ses opérations. Cette tactique a été fréquemment utilisée par l'armée turque au Kurdistan irakien pour prendre le contrôle de zones civiles », peut-on lire dans le rapport. Des centaines de villages kurdes et chrétiens ont été évacués à cause des opérations turques depuis 2015.

Par ailleurs, le parti Komala du Kurdistan iranien a annoncé que le régime iranien avait assassiné le 16 mars un membre du parti près de son siège dans le village de Zerguez, dans le gouvernorat de Suleimanieh. “ Shuaib Zarei, un courageux Peshmerga et un membre fidèle de Komala, a été assassiné par les mains sombres des milices de la République islamique “, peut-on lire dans le communiqué de Komala qui affirme que ses membres s'attendent à ce que les forces de sécurité du Kurdistan irakien les protègent des attaques iraniennes. La chaîne kurde Rudaw a rapporté que les forces de sécurité ont arrêté l'auteur de l'assassinat le 16 mars à Penjwin. Le régime iranien a une longue histoire d’assassinats de dissidents anti-régime au Kurdistan irakien, en Europe et même aux États-Unis depuis qu’il a pris le pouvoir en 1979.

 

IRAN : PARODIE D’ÉLECTIONS ET « VICTOIRE » SANS SURPRISE DES ULTRA-CONSERVATEURS

Le régime iranien, fortement contesté ,a organisé le 1er mars des élections parlementaires pour désigner les 290 membres de son Assemblée (Medjlis) nationale afin de prouver sa légitimité à l’opinion publique locale et internationale.

Outre le Parlement, les 61 millions d’électeurs sur 85 millions d’habitants étaient appelés à renouveler l’Assemblée des Experts chargés de désigner le moment venu le guide suprême, la plus haute autorité de la République islamique.

L’issue du scrutin était sans surprise car tous les candidats tant soit peu indépendants, modérés, centristes ou réformistes avaient été écartés. S’apprêtant à une période de confrontation avec Israël et les Etats-Unis, le régime théocratique veut disposer d’une chambre d’enregistrement unicolore, fiable, combattive et fidèle à son guide suprême. Devant ce déni de démocratie, les représentants de la société civile, le Front des partis réformateurs, ainsi d’ailleurs que les anciens présidents « modérés », Mohammad Khatami et Hassan Rouhani, les leaders du Mouvement Vert, tous les partis kurdes, baloutches et arabes avaient appelé au boycott de cette parodie électorale (Le Monde, 4 mars). De son côté, l’ayatollah Khamenei a exhorté à maintes reprises les Iraniens à « participer à ces élections fortes et ferventes », car « il est important de montrer au monde que la nation est mobilisée » (AFP, 1er mars). Appel apparemment peu suivi car malgré la prolongation des heures d’ouverture des bureaux de vote de 18h à 24h et le battage médiatique incessant, la population dans sa grande majorité a boycotté les urnes.

Dans la capitale Téhéran où de nombreux journalistes et observateurs ont pu voir des bureaux de vote peu fréquentés, le ministère de l’Intérieur s’est contenté d’un taux de participation de 26,24% . Dans l’ensemble du pays, il serait officiellement de 41%, soit le taux le plus faible depuis la création de la République islamique. Ce taux est d’ailleurs fortement contesté par les ONG de la société civile qui affirment qu’il serait nettement en dessous de 25%, voire dans nombre de provinces, comme celles du Kurdistan, inférieur à 12%. Cependant, malgré les images des bureaux de vote désœuvrés dans la plupart des villes kurdes, le ministère de l’Intérieur a affiché un taux de participation de 32,65% pour la province du Kordestan dont le chef-lieu est Senneh (Sanandadj), de 42,85% pour la province kurde Kermanchah, de 47,58% au Lorestan, voire 60,8% pour la province d’Ilam. Dans la province d’Ourmiah, appelée officiellement Azarbaïdjan occidental mais peuplée majoritairement de Kurdes, le taux de participation affiché était de 48,32%. Sur les 12 sièges à pourvoir de cette province à population mixte 7 sont allés aux candidats kurdes, 5 aux Azéris. A Senneh, les candidats kurdes ont remporté 6 sièges sur 6, à Ilam 3 sur 3, à Kermanchah 6 sur 8 au 1er tour, 2 sièges sont restés en ballotage pour un second tour car aucun candidat n’a obtenu plus de 20% de suffrages. Idem pour la province du Lorestan où 7 candidats kurdes ont été élus au 1er tour et 2 sièges restent à pourvoir au 2è tour.

L’élection d’une trentaine de parlementaires kurdes « acceptables » pour le régime n’a guère de chance de faire entendre les aspirations de la population qu’ils sont censés représenter. Ils pourraient tout au plus porter les revendications économiques et sociales de leurs électeurs dans un Parlement qui de toute façon n’a guère de pouvoir. L’essentiel du pouvoir étant détenu par le Guide suprême l’ayatollah Khamenei, par les Gardiens de la révolution et par les diverses instances non élues de la République islamique. Celle-ci sort de ces scrutins plus affaiblie avec une légitimité fortement compromise aux yeux de sa propre population.

La composition finale du Parlement ne sera connue qu’après un second tour qui sera organisé ultérieurement en avril ou en mai afin de pouvoir attribuer les 45 sièges non pourvus au 1er tour. Sur les 245 députés déjà élus, 200 sont classés « principalistes », c’est-à-dire des fondamentalistes défendant des « principes » fondateurs de la République comme le port obligatoire du voile et l’hostilité envers les pays occidentaux. 11 femmes en tchador et portant le voile ont été élues dans cette assemblées de 290 membres contre 16 dans la précédente dont le président Mohammed Bagher Qalibat, ex-commandant des Gardiens de la révolution, a été réélu député « difficilement » sans doute grâce à l’intervention de la Providence.

Le scrutin pour l’assemblée des experts a abouti à la désignation des candidats ultraconservateurs préalablement adoubés par l’ayatollah Khamenei qui poussa son zèle radical jusqu’à écarter la candidature de cette instance de l’ancien président Hassan Rouhani ou encore celle d’un autre prélat pilier du système Sadegh Amedi Larijani.

Commentant les résultats de ces élections, l’ancien président Mohammed Khatami, fondateur du mouvement de réforme, a déclaré « Sur la base des chiffres officiels, nous pouvons dire que la majorité des Iraniens sont insatisfaits du statut quo et de la gouvernance actuelle et cela nous donne peu d’espoir pour le futur » (New York Times, 8 mars). Un autre ex-président radical devenu critique du gouvernement actuel déclare dans un message video que « la manipulation officielle du scrutin le rend désolé personnellement et pour le pays ». De quelle victoire parle-ton ? Mettre de côté le peuple n’est pas une victoire, c’est la plus grande défaite ». Les commentateurs iraniens les plus prudents, comme le réformiste Saeed Shariati qui estime que même en prenant en compte le taux de participation officiel de 41%, le taux de suffrages exprimés reste autour de 30%, car beaucoup d’électeurs ont voté blanc.. Il exprime l’espoir que « le message de la nation sera entendu et compris » (NYT, 8 mars).

Minoritaire, militarisé et très contesté, le régime iranien assure sa survie par une répression massive et féroce. Selon le rapport annuel de l’ONG Iran Human Rights, rendu public le 5 mars (AFP, Le Figaro) en 2023 au moins 834 personnes ont été exécutées en Iran, dont au moins 22 femmes. Ce bilan marque « une augmentation alarmante de 40% par rapport à 2022 » et constitue un record depuis 2015. C’est « la seconde fois en 20 ans que le nombre d’exécutions dépasse le seuil de 800 par an. C’est un chiffre effroyable » alerte l’ONG.

De sa prison, la réente lauréate du Prix Nobel de la Paix, Mme Narges Mohammadi a lancé un appel le 18 mars (Le Figaro) à l’ONU et à la communauté internationale réclamant « une pression systématique et globale » contre l’Iran face au durcissement de la répression. Celle-ci est d’ailleurs dénoncée à l’ONU par des dizaines de pays et des ONG qui demandent également. Le renouvellement des mandats de la mission d’enquête de l’ONU sur l’Iran et du Rapporteur spécial. Les mandats de ces experts onusiens, qui d’ailleurs n’ont jamais été autorisés à se rendre en Iran, prennent fin en avril.

Imperturbable Téhéran poursuit sa répression tous azymuths contre opposants et contestataires ou considérés comme tels. Des femmes non voilées dans l’espace public sont interpelés et punies et cela donne parfois lieu à des altercations avec la police des mœurs ou des religieux zélés comme l’incident filmé de l‘altercation entre une femme non oiolée et un religieux le 13 mars dans une clinique de la ville de Qom relaté par RFI qui a fait le buzz sur les réseaux sociaux.

Au Kurdistan iranien, la répression cible tous les milieux sociaux et tout particulièrement les kolbars, ces colporteurs miséreux qui essaient de gagner quelques sous en se livrant à un peut commerce frontalier avec le Kurdistan irakien.

Selon Hengaw le régime iranien a tué quatre kolbars et en a blessé 63 en février. Par ailleurs, le régime a arrêté trois Kurdes à Diwandara, deux adolescents kurdes à Saqqez et Bokan, un athlète kurde accusé d'avoir critiqué un candidat politique à Qorveh et un militant kurde à Kermanshah.

Le régime iranien a poursuivi sa pratique consistant à exécuter des prisonniers kurdes, dont quatre personnes condamnées pour des accusations non politiques. Deux militants kurdes, Zaniar Fatahi à Bokan et Sasamn Jamnara à Ilam, ont été condamnés respectivement à dix-huit et trois mois de prison par les tribunaux révolutionnaires islamiques. À l’occasion de la Journée internationale de la femme, l’ONG Hengaw a signalé l’exécution de vingt-deux femmes en Iran, et 325 femmes ont été arrêtées en 2023.

Les gardes-frontières iraniens et irakiens ont continué de cibler les porteurs de frontière kurdes (kolbars) le long de la frontière Iran-Irak et en ont blessé au moins deux douzaines au cours des deux premières semaines de mars, dont l'un est décédé neuf jours après avoir été blessé. Le gouvernement irakien complète sa répression croissante des activités transfrontalières en érigeant des centaines de kilomètres de clôture le long de la frontière entre le Kurdistan iranien et irakien. L’approche intransigeante du gouvernement irakien à l’égard de sa frontière nord avec l’Iran découle d’un récent accord de sécurité conclu avec le régime iranien. Cela dit, la décision du gouvernement irakien de clôturer la frontière a suscité des protestations de la part des résidents locaux d’Halabja et d’autres villes frontalières qui affirment que les clôtures prévues traverseraient leurs propriétés. Par ailleurs, l’ONG Hengaw a rapporté que les forces de sécurité du régime iranien avaient arrêté plusieurs Kurdes, dont deux adolescents à Diwandara, un militant écologiste à Senna, un militant à Saqqez et un homme à Shinno. Hengaw a également affirmé que les forces du régime avaient torturé à mort un manifestant de Takab dans une prison de Saqqez. Enfin, les tribunaux du régime ont condamné six militants à Shinno et Bokan pour participation à des manifestations antigouvernementales.

Les forces de sécurité iraniennes ont arrêté plusieurs militants kurdes et organisateurs des célébrations du Newroz, notamment un célèbre chanteur nommé Hassan Kakai, qui a été torturé après s'être produit lors d'un concert du Newroz, et un militant Semko Naserolahi à Bokan. Les autorités iraniennes ont également arrêté Jalal Khwamardi et un chanteur Arman Saedpanah à Senna, Saber Ebrahimi et quatre autres personnes à Shinso, et Lutfollah Parwiz à Kermanshah. Bien que célébrée aussi par les non-Kurdes, Newroz est la fête la plus importante des Kurdes et revêt une signification particulière pour eux car elle commémore le triomphe de la liberté sur l’oppression. Par ailleurs, l'ONG Hengaw a rapporté que le régime avait condamné cinq Kurdes à la prison pour « appartenance » à des partis d'opposition. De plus, le tribunal révolutionnaire islamique de Mahabad a condamné un ancien prisonnier politique à 13 ans de prison pour « avoir fait la guerre à Dieu ».

Fin mars, les gardes-frontières iraniens ont blessé au moins six porteurs frontaliers kurdes (kolbars). Deux autres kolbars sont morts après être tombés d'une falaise près de Sardasht, et un autre a succombé à des engelures à Ourmia. L'ONG Hengaw a rapporté que le régime iranien avait tué quatre kolbars et en avait blessé 54 en mars. Parallèlement, le tribunal révolutionnaire islamique de Senna a condamné un adolescent Kolbar à deux ans de prison et 77 coups de fouet. À Diwandara, le frère ou la sœur d'un manifestant assassiné a été condamné à trois ans et trois mois de prison pour appartenance à un parti d'opposition kurde.

Sur le plan diplomatique, le 25 mars le président turc Recep Tayyip Erdogan a eu une conversation téléphonique avec le président iranien Ebrahim Raisi et a menacé de lancer de nouvelles incursions en Irak et en Syrie à plusieurs reprises, la dernière fois lors d'un discours le 31 mars. Le média iranien semi-officiel Mehr News a affirmé que Raïssi espérait que « la coopération entre Téhéran et Ankara conduirait à garantir les intérêts des deux nations et à accroître l’unité au sein de la Oumma islamique ».

Par ailleurs, selon le New York Times du 15 mars, des pourparlers secrets américano-iraniens ont eu lieu à Oman. Les Américains auraient demandé à l’Iran d’user de son influence sur les milices alliées pour faire cesser leurs attaques en Mer Rouge et contre les bases américaines au Proche-Orient. Téhéran aurait, de son côté, demandé à Washington d’œuvrer pour un cessez-le-feu rapide à Gaza. On ignore si ces pourparlers préliminaires vont se poursuivre et déboucher éventuellement à un dégel dans les relations irano-américaines après les élections américaines de novembre prochain en cas de réélection du président Joe Biden.

En attendant, durement frappé par les sanctions internationales, le régime iranien a annoncé le 17 mars (AFP, Le Monde) d’importants contrats d’un montant de 13 milliards de dollars pour doper sa production pétrolière qui en 2020 était tombée à son plus bas niveau depuis 30 ans. L’Iran espère augmenter en 2025 à 4 millions de barils par jours et engranger ainsi un surplus de15 milliards de dollars à ses revenus pétroliers qui constituent une part essentielle de son budget.

SYRIE : UN RAPPORT ACCABLANT DE HUMAN RIGHTS WATCH SUR LA SITUATION DES DROITS HUMAINS DANS LES TERRITOIRES SOUS OCCUPATION TURQUE

L’ONG internationale de défense des droits humains a rendu public le 29 février 2024 un rapport accablant sur les violations massives des droits humains dans les territoires kurdes syriens sous occupation turque.

Intitulé « Everything is by the power of the weapons “ (Tout est par le pouvoir des armes), ce rapport de 97 pages, publié en anglais, en arabe et en turc, documente ces violations et abus commis par l’autorité de la puissance occupante, donc responsable en Droit international, qui restent à ce jour impunis. Le texte, traduit en français par nos soins, commence avec un avertissement. Ce rapport contient des descriptions alarmantes et des détails graphiques qui peuvent être perturbants pour les lecteurs.

Extraits

Dans de vastes étendues du nord de la Syrie, la Turquie est une puissance occupante.

Elle exerce un contrôle administratif et militaire du côté syrien de sa frontière sud à la fois directement et à travers un mandataire de facto qu'elle a contribué à créer, l'Armée Nationale Syrienne (ANS), une coalition lâche de groupes d'opposition armés principalement composée d'anciens combattants de l'Armée Syrienne Libre (ASL).

Le gouvernement turc a déclaré qu'il visait à transformer les zones qu'il occupe en "zones sûres", à la fois pour créer une zone tampon de sécurité le long de sa frontière sud et pour permettre le retour des réfugiés syriens vivant en Turquie. Mais ces zones ne sont pas sûres ; elles sont marquées par des abus des droits de l'homme principalement perpétrés par des factions de l'ANS et la vie pour les 1,4 million de résidents de la région est caractérisée par l'absence de loi et d'insécurité. "Tout est par le pouvoir de l'arme", a déclaré un ancien résident qui a vécu sous le règne de l'ANS pendant un peu moins de 3 ans.

Basé sur des entretiens avec 58 victimes, survivants, proches et témoins de violations, ainsi que divers représentants d'organisations non gouvernementales, de journalistes, d'activistes et de chercheurs, ce rapport documente des enlèvements, des arrestations arbitraires, des détentions illégales, y compris d'enfants, des violences sexuelles et des tortures perpétrées par les différentes factions de l'ANS, la police militaire, une force établie pour réprimer de tels abus, et des membres des Forces Armées Turques et des agences de renseignement turques, y compris l'Organisation Nationale de Renseignement (Milli İstihbarat Teşkilatı, MİT) et un certain nombre de directions de renseignement militaire. Il documente également des violations des droits au logement, à la terre et à la propriété, y compris des pillages et des saccages généralisés ainsi que des saisies de propriété et des extorsions, et expose l'échec lamentable de la plupart des mesures de responsabilité introduites ces dernières années pour réduire les abus ou fournir une réparation aux victimes. Tant que l'impunité pour des violations graves et systématiques des droits de l'homme et des crimes de guerre possibles règne, les espoirs de retour pour les centaines de milliers de Syriens déplacés et dépossédés qui ont fui leurs foyers pendant et après les opérations militaires successives de la Turquie dans la région continuent de diminuer. Beaucoup vivent aujourd'hui dans des camps surpeuplés et mal desservis et des abris collectifs à travers le nord-est de la Syrie.

La Turquie a mené trois opérations militaires en Syrie du Nord depuis 2016 dans le but d’affaiblir la présence kurde le long de sa frontière. Dans sa première opération en 2016, elle a occupé la région principalement arabe au nord d'Alep, comprenant Azaz, al-Bab et Jarablus, qui étaient précédemment sous le contrôle de l'État islamique (également connu sous le nom de ISIS/Daech). Dans sa deuxième incursion en 2018, elle s’est emparé d’Afrin, une enclave majoritairement kurde juste à l'ouest d'Azaz qui était sous le contrôle des forces kurdes depuis 2012. Et dans sa troisième incursion en 2019, les forces armées turques ont repris le contrôle d'une bande de terre étroite d'environ 150 kilomètres de long sur 30 kilomètres de profondeur entre Tel Abyad et Ras al-Ain (nom kurde : Serêkanîyê) dans le nord-est de la Syrie aux forces kurdes. Elle a mené ces trois opérations avec l'aide de divers groupes armés locaux, notamment des groupes turkmènes, d'anciens groupes de l'Armée syrienne libre et d'autres groupes islamistes devenus collectivement connus sous le nom d'Armée nationale syrienne (ANS) en 2017. Les incursions militaires ont entraîné un déplacement massif et ont été marquées par de graves violations des droits de l'homme et du droit humanitaire, notamment des bombardements indiscriminés, des exécutions sommaires, des arrestations illégales, la torture et les disparitions forcées, ainsi que le pillage systématique et la saisie illégale de biens.

Aujourd'hui, plusieurs années plus tard, la Turquie maintient le contrôle sur les territoires qu'elle occupe à la fois par le biais de ses forces armées et de ses agences de renseignement, avec plus de 100 sites militaires, bases et postes d'observation à travers le nord de la Syrie, ainsi que par son contrôle direct sur l'ANS, à laquelle elle fournit des armes, des salaires, une formation et un soutien logistique. La Turquie exerce également un contrôle administratif sur les régions occupées via les autorités locales des districts voisins de la Turquie. Par exemple, le bureau du gouverneur de la province turque de Hatay supervise directement la fourniture d'éducation, de santé, de services financiers et d'aide humanitaire à Afrin. En septembre 2023, les médias turcs ont rapporté que la Turquie avait l'intention de désigner un seul gouverneur pour superviser toutes les zones sous son contrôle, mais en janvier 2024, aucun développement de ce genre n'avait eu lieu.

Alors que l'ANS rend officiellement compte au Ministère de la Défense du Gouvernement Intérimaire Syrien (GIS), un organe gouvernemental autoproclamé et reconnu internationalement représentant l'opposition syrienne et basé à Azaz, ses factions répondent en fin de compte aux forces militaires et aux agences de renseignement turques. Les forces de police militaires et civiles établies sous la supervision du GIS pour faire respecter l'Etat de droit suite à des allégations d'abus généralisés répondent également aux forces militaires et aux agences de renseignement turques, ont déclaré à Human Rights Watch deux sources informées ayant une connaissance directe du fonctionnement interne de l'ANS. "Rien ne se passe sans leur connaissance", a déclaré l'un d'eux. Human Rights Watch n'a pas pu trouver de directives publiées détaillant le rôle des autorités turques dans la structure de commandement dans les territoires syriens occupés par la Turquie.

Parce que les autorités turques assimilent les Unités de Protection du Peuple (Yekineyen Parastina Gel, YPG) et les Unités de Protection des Femmes (Yekineyen Parastina Jin, YPJ), les principaux éléments des Forces Démocratiques Syriennes (SDF) dirigées par les Kurdes et soutenues par les États-Unis, au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), qu'ils considèrent comme une organisation terroriste et une menace existentielle pour la Turquie, les résidents kurdes qui vivaient dans leurs foyers et cultivaient leurs terres sous le contrôle des SDF, et qui étaient ainsi effectivement considérés comme fidèles aux SDF ou à l'une de ses diverses composantes, ont largement supporté le poids des abus documentés. Les Arabes et d'autres personnes qui étaient également perçus comme ayant des liens avec les SDF et l'Administration Autonome du Nord-Est de la Syrie (AANES), l'organe de gouvernance civile dans les zones contrôlées par les SDF, ont également été ciblés.

Ce rapport met clairement en lumière que les autorités turques ne font pas simplement abstraction de la réalité misérable sur le terrain dans le nord de la Syrie, mais qu'elles portent une responsabilité directe pour bon nombre des abus liés aux détentions et des violations des droits de propriété. Ces abus et violations sont le plus souvent dirigés contre les civils kurdes et toute personne perçue comme ayant des liens avec les forces dirigées par les Kurdes, et sont parfaitement conformes aux objectifs déclarés de la Turquie visant à affaiblir la présence kurde dans le nord de la Syrie et à créer une ceinture de sécurité ou une zone tampon "de bout en bout" entre sa frontière sud et les zones contrôlées par les SDF dans le nord de la Syrie. Alors que des dizaines de milliers de personnes ont fui vers d'autres parties de la Syrie, et au-delà, lors de l'incursion de la Turquie à Afrin, les autorités turques ont rapidement orchestré l’établissement de centaines de familles arabes sunnites déplacées de la Ghouta orientale dans les maisons des habitants kurdes du district. Beaucoup plus de familles déplacées de la Ghouta, de la région rurale de Damas, du nord de Hama et d'Idlib, y compris celles des combattants déployés dans la région, sont arrivées à Afrin au cours des années suivantes. Une tendance similaire a été documentée dans la bande entre Tel Abyad et Ras al-Ain après l'opération militaire turque de 2019.

Un deuxième objectif déclaré des incursions militaires de la Turquie, communiqué par le président Recep Tayyip Erdoğan, a été de créer ce qu'il appelle des "zones sûres" dans les territoires qu'elle occupe afin de réinstaller plus d'un million de réfugiés syriens actuellement présents en Turquie, dont beaucoup vivent là depuis des années et viennent d'autres régions de Syrie. Mais comme le montre ce rapport, les régions sous occupation turque sont loin d'être sûres. En plus de l'absence de l'Etat de droit, les régions occupées par la Turquie, comme d'autres parties de la Syrie, souffrent également de conditions économiques et humanitaires désastreuses. Expulser un grand nombre de personnes vers des régions où elles ont une crainte crédible de persécution ou de torture violerait les obligations de la Turquie en vertu du Droit international. Les expulsions et le rétablissement à grande échelle modifieraient également considérablement la composition ethnique du nord de la Syrie, une région habituée aux changements démographiques forcés.

La Turquie a déjà procédé à des retours forcés de réfugiés syriens. Depuis au moins 2017, les forces turques ont arrêté, détenu et expulsé sommairement des milliers de réfugiés syriens, les contraignant souvent à signer des formulaires de retour "volontaire" et les obligeant à traverser vers le nord de la Syrie par divers points de passage frontaliers. En effet, rien qu'en juillet 2023, la Turquie a renvoyé plus de 1 700 Syriens dans la région de Tel Abyad.

La responsabilité des abus des droits de l'homme et des crimes de guerre potentiels commis par les commandants et les membres de diverses factions, ainsi que la police militaire dans les territoires turcs occupés, demeure élusive. Malgré quelques poursuites internes limitées par l'Armée Nationale Syrienne, les tribunaux militaires compétents en la matière manquent d'indépendance et d'impartialité, les procès sont rarement publics et peu d'informations sur les procédures sont disponibles. La Turquie n'a pas pris de mesures significatives pour tenir les éléments de l'ANS ou ses propres responsables pour responsables, ni pour accorder l'accès à des observateurs indépendants des droits de l'homme.

En 2023, les États-Unis ont sanctionné trois factions de l'ANS et leurs dirigeants pour de graves violations des droits de l'homme contre des civils. En janvier 2024, deux organisations de défense des droits de l'homme ont déposé une plainte pénale auprès du Bureau du Procureur fédéral allemand l'appelant à enquêter sur les violations du Droit international commises par les factions de l'ANS à Afrin depuis 2018. Selon le principe de "juridiction universelle", les autorités judiciaires nationales peuvent poursuivre en justice des individus crédiblement impliqués dans certains crimes internationaux graves même s'ils ont été commis ailleurs et que ni les auteurs présumés ni les victimes ne sont ressortissants du pays.

En tant que puissance occupante et gouvernement de facto dans cette région, la Turquie est tenue de veiller à ce que ses forces respectent strictement le Droit international des droits de l'homme et le droit humanitaire, de restaurer et de maintenir l'ordre public et la sécurité dans les territoires qu'elle contrôle, de protéger les habitants contre la violence, de tenir responsables ceux qui commettent des abus, de fournir des réparations à toutes les victimes de violations graves des droits de l'homme aux mains de ses forces et des forces locales qu'elle contrôle, et de garantir les droits des propriétaires et des rapatriés, notamment en les indemnisant pour la confiscation et l'utilisation illégales de leurs biens et pour tout dommage causé. La Turquie et le Gouvernement Intérimaire Syrien devraient accorder un accès immédiat et sans entraves à des organismes d'enquête indépendants dans les territoires sous leur contrôle.

Le rapport se termine par une série de « recommandations au gouvernement turc, au gouvernement intérimaire syrien et à l’Armée nationale syrienne » qu’il serait inutile de reprendre sachant qu’elles n’ont aucune chance d’être suivies.

Le rapport lance un appel aux Etats membres de l’ONU : « En vertu du principe de compétence universelle et conformément aux lois nationales, enquêter sur et poursuivre les personnes impliquées de manière crédible dans des crimes graves relevant du Droit international commis dans le nord de la Syrie occupé ».

(Pour consulter le rapport complet

URL d'article : https://www.hrw.org/report/2024/02/29/everything-power-weapon/abuses-and-impunity-turkish-occupied-northern-syria

Par ailleurs, un rapport récemment publié par la Commission d’enquête des Nations Unies sur la Syrie a qualifié les frappes aériennes turques contre les infrastructures de l’Administration autonome du nord et de l’est de la Syrie (AANES) de “violation du droit international humanitaire ». La commission a souligné les pertes civiles résultant des attaques turques et a souligné la nécessité urgente d’un cessez-le-feu en Syrie

Voici les autres événements majeurs survenus dans le Rojava.

Des affrontements armés entre factions soutenues par la Turquie ont repris le 3 mars à Afrin occupée. L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) a signalé qu'un civil et deux membres de Jaysh al Nassr avaient été tués lors d'affrontements avec des militants de Nour Al-Dein Zinky dans le district de Jinderes à Afrin. Depuis l’occupation d’Afrin, les groupes soutenus par la Turquie se sont engagés dans de multiples conflits pour le pillage des ressources et des territoires kurdes occupés, ainsi que pour le contrôle de points de contrôle qui servent de sources de revenus.

Le 6 mars, des frappes aériennes turques consécutives sur quatre véhicules près de Direk (Al-Malikiyah) ont tué trois officiers chrétiens des forces de sécurité intérieure (Asayesh) de l’Administration autonome du nord et de l’est de la Syrie (AANES). L'Asayesh a affirmé que les frappes initiales visaient deux véhicules, et que les frappes ultérieures visaient la force de réaction rapide envoyée pour aider les victimes et le véhicule transportant les blessés depuis la scène des attaques. Par ailleurs, l’Asayesh a déclaré avoir arrêté 13 terroristes de Daesh, 31 militants du régime d’Assad et trois membres de groupes soutenus par la Turquie lors d’opérations de sécurité dans le gouvernorat d’Al Hasakah. Simultanément, les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont diffusé des images de la saisie de vingt millions de pilules de Captagon à Manbij. Les FDS ont affirmé que la drogue provenait de la ville côtière de Tartous, contrôlée par le régime d'Assad. Le régime d’Assad et les milices pro-Assad produisent et font passer clandestinement du Captagon pour générer des revenus faisant fi des efforts régionaux et internationaux visant à contrer ce commerce aux conséquences mortelles.

L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) a signalé trente-sept arrestations arbitraires et enlèvements menés par les services de renseignement turcs et leurs mercenaires syriens dans la région occupée d'Afrin en février. Douze Kurdes, dont des personnes âgées, auraient été pris pour cible en raison de leur association présumée avec l'ancienne administration kurde avant l'invasion turque d'Afrin.

La deuxiéme semaine de mars, l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) a rapporté l'arrestation par les services de renseignements turcs de dix Kurdes à Afrin occupée les 6 et 12 mars. Parallèlement, une attaque du régime syrien contre des villages proches d'Afrin a entraîné la mort d'une femme et des blessés. quatre civils.

Un colon d’Afrin, occupée par la Turquie, a tué jeudi 14 mars un jeune garçon kurde Ahmed Khaled Ma’amo, suscitant l’indignation de la communauté kurde déjà confrontée aux changements démographiques et au nettoyage ethnique de la part de la Turquie et de ses mercenaires. L’Administration autonome pour le nord et l’est de la Syrie (AANES) a condamné ce meurtre, dénonçant l’invasion d’Afrin par la Turquie, qui dure depuis six ans, comme une « tache de honte » pour l’humanité. Ils ont accusé le gouvernement turc d’avoir donné des instructions à ses mercenaires syriens pour qu’ils procèdent à « des changements démographiques, des meurtres, des enlèvements et des violations des droits des femmes ». Cet incident coïncide avec la reprise des conflits internes entre factions soutenues par la Turquie à Afrin, l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) faisant état de 8 700 enlèvements et arrestations arbitraires depuis le début de l'invasion. L'OSDH a ​​également souligné le déplacement de 310 000 civils, soit 56 % des habitants indigènes, en raison de l'invasion turque. Lors d’un autre incident, une frappe aérienne turque dans la campagne d’Alep (Shahbaa) a tué un civil et en a blessé un autre.

Les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont déjoué une tentative d’évasion du camp d’al Hol, qui abrite les prisonniers de Daech et leurs familles. Les FDS ont rapporté que deux individus, identifiés comme des « louveteaux du califat », originaires du Turkménistan et d’Indonésie, avaient tenté de s’enfuir avec l’aide d’un passeur syrien. L’opération a toutefois échoué, ce qui a permis l’arrestation des trois auteurs. Alors que le camp d'Al Hol reste une « bombe à retardement », des centaines de familles irakiennes sont revenues d'Al Hol au début du mois dans le but d'atténuer les risques sécuritaires et d'empêcher la résurgence du « califat », alors qu'une partie importante de la population du camp est restée fidèle à l’organisation terroriste. De plus, les FDS ont éliminé Samir al Shikhan un djihadiste irakien de premier plan, lors d'une opération à Raqqa le 24 mars. En outre, à l'occasion du cinquième anniversaire de la défaite physique du « califat » de Daech, les FDS ont émis un avertissement selon lequel l’organisation terroriste « représente toujours un grand danger », exhortant le monde à collaborer efficacement avec les FDS et soulignant le rôle vital de la Coalition internationale dans la lutte en cours.

À l'occasion de la Journée mondiale de l'eau, célébrée le 22 mars, l'Administration autonome du nord et de l'est de la Syrie (AANES) a exhorté la communauté internationale à intervenir et à mettre fin à la « politique de guerre de l'eau » de la Turquie dans la région, qui a laissé des millions de Syriens sans accès à l'eau. Ces dernières années, dans le cadre de sa campagne contre l’AANES, dirigée par les Kurdes, le gouvernement turc a considérablement réduit le débit de l’Euphrate vers la Syrie, violant ainsi un traité international signé entre la Syrie et la Turquie.

Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), l'organisation turque « Mains blanches » a inauguré un nouveau complexe de logements pour les familles affiliées aux factions syriennes soutenues par la Turquie dans la région occupée d'Afrin. Le quartier nouvellement créé comprend 80 appartements situés dans le quartier de Shirawa. Depuis l’occupation turque d’Afrin en 2018, des milliers de logements ont été construits dans le cadre du plan de restructuration démographique de la Turquie, visant principalement à modifier la composition ethnique de la région en y installant les populations non kurdes.

Le 27 mars, des djihadistes de Daech ont lancé une attaque contre un bureau administratif des forces de sécurité à Raqqa. L'assaut a entraîné la mort de deux policiers et blessé un civil. Les Forces démocratiques syriennes (FDS) ont signalé l'arrestation d'un djihadiste et s'efforcent d'appréhender d'autres personnes impliquées dans l'attaque. Parallèlement, l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) a documenté la décapitation de huit soldats syriens par le groupe terroriste, tandis que trois autres ont péri dans des combats dans le désert syrien. Les avions militaires russes ont également mené des dizaines de frappes aériennes dans la région, notamment à Raqqa. Par ailleurs, le général américain à la retraite Frank McKenzie a parlé à ABC News de la menace croissante posée par Daech, notamment des tentatives visant à cibler les États-Unis. Récemment, l’ONG SOHR a rapporté que six terroristes de Daech avaient été introduits clandestinement par des merenaires turcs depuis Afrin occupée vers la Turquie.

 

NEWROZ : CÉLÉBRATIONS AU KURDISTAN ET PARTOUT DANS LE MONDE

Les célébrations de Newroz, le Nouvel an kurde, se sont déroulées dans toutes les régions du Kurdistan et dans la diaspora dans une ambiance festive et avec un esprit combatif.

Au Kurdistan iranien, plus d’un an après la mort de Jîna Aminî et de la répression féroce qui s’est abattue sur les manifestions du mouvement Femme, Vie, Liberté, et trois semaines après la parodie des élections, les Kurdes, vêtus de leurs costumes traditionnels, ont joyeusement et massivement célébré cette fête pré-islamique marquant, dans la tradition kurde millénaire, la victoire de la résistance populaire contre la tyrannie, celle des lumières sur les ténèbres. De la ville Khoy au nord, à la frontière avec l’Arménie, à Qasr-e Shirin, à l’extrémité sud du Kurdistan iranien le gens ont dansé autour des feux, chanté, exprimé leur joie, leur mépris et leur défiance contre un régime théocratique qui passe son temps à célébrer les morts et « les martyrs » qui se complait dans une sinistre culture de deuil et de flagellation.

Au Kurdistan irakien, les célébrations se sont passées dans le calme dans toutes les localités avec en point d’orgue la marche aux flambeaux des milliers de personnes à la tombée de la nuit à Aqrê. De nombreux diplomates et expatriés présents au Kurdistan avaient été invités à assister à cet événement spectaculaire.

Au Rojava, la fête a été célébrée un peu partout notamment à Kamishli comme un moment fort de résistance contre les ennemis de la liberté comme Daech mais aussi contre l’occupation turque de certains territoires kurdes syriens. Le commandant en chef des Forces démocratiques syriennes, le général Mazloum Kobané, a, à cette occasion, diffusé un message de paix et un appel au dialogue.

Au Kurdistan de Turquie, les festivités ont cette année coïncidé avec la campagne pour les élections municipales. Le parti pro-kurde DEM a pris l’initiative d’organiser des rassemblements dans ce double objectif de fête de résistance et de mobilisation pour les élections. A partir du 17 mars et jusqu’au 25 mars, des célébrations ont eu lieu dans toutes les villes kurdes et dans les métropoles turques abritant d’importantes communautés kurdes comme Istanbul, Izmir, Mersin, etc. La plus importante de ces célébrations a rassemblé, le 21 mars, près d’un million de personnes à Diyarbakir, la capitale politico-culturelle kurde. Outre les candidats aux élections et les dirigeants du parti DEM, la Passionaria kurde Leyla Zana y a pris la parole appelant les Kurdes à l’unité et à se mobiliser pour élire des maires kurdes défendant les intérêts du peuple kurde, pour mettre un terme au régime scandaleux des kayum, ces fonctionnaires turcs nommés par Ankara à la place des maires élus démocratiquement par la population.

Dans la diaspora, le Newroz a été fêté un peu partout en Europe, aux Etats-Unis mais aussi dans de lointaines communautés kurdes d’Asie centrale, au Kazakhstan et en Kirghizie. L’une des fêtes les plus remarquables a été celle de la communauté kurde au Japon dans une banlieue de Tokyo, dans un parc où flottaient de nombreux drapeaux kurdes.

A Paris, comme chaque année, l’Institut kurde a organisé la fête de Newroz, le 20 mars. Cette année elle s’est déroulée dans la mairie du 20ème arrondissement de Paris, avec la participation de plus de 800 invités dont de nombreux enfants, en présence notamment des maires du 10ème et du 20ème arrondissement de Paris, de nombreux élus et de très nombreux non Kurdes venus fêter le Nouvel an avec leurs amis kurdes en compagnie de la musique et des danses kurdes.