Turquie. Le PKK est de retour

Info EXCLUSIF WEB - 16 février 2006
par Skander Houidi

Sept ans après l’arrestation d’Abdullah Öçalan, le Parti des Travailleurs Kurdes (PKK) renoue avec un activisme agressif et meutrier.

En 1999, au cours de son procès, Abdullah Öçalan avait appelé les militants du parti des travailleurs kurdes (PKK) à déposer les armes. Ces derniers avaient décrété un cessez-le-feu en juin de la même année. Mais à travers son refus d’octroyer des droits collectifs aux Kurdes et d’accorder un nouveau procès à leur leader historique – alors que le premier avait été reconnu inéquitable par la Cour européenne des droits de l'homme – Ankara, influencée par les durs du régime, a manifestement rejeté la politique d’apaisement, annonçant ainsi le retour au premier plan de la violence.

Le 9 février à Istanbul, dans le quartier de Beyoglu, un attentat à la bombe dans un cybercafé faisait un mort et quinze blessés. Quatre jours plus tard, après une explosion dans un centre commercial de la capitale économique de la Turquie, le bilan était de quinze blessés, dont deux grièvement touchés. Le groupuscule qui a revendiqué ces deux attaques, les Faucons de la Liberté du Kurdistan, a très vite été récupéré par le PKK, qui l’a qualifié de branche armée de la guérilla kurde. Étrange montage politique lorsque l’on sait que le PKK a lui-même annoncé la fin du cessez-le-feu en juin 2004. Depuis lors, les accrochages entre forces de l’ordre et militants armés s’étaient multipliés. En août dernier, un attentat avait tué cinq gendarmes près de la zone frontalière turco-irano-irakienne. Un mois plus tôt, cinq personnes, dont deux touristes étrangères, avaient péri dans un attentat contre un minibus, dans la station balnéaire de Kusadasi, à l’ouest du pays. L'incendie d'un drapeau turc par trois adolescents le 21 mars à Mersin, lors des célébrations du nouvel an kurde, avait provoqué de violentes réactions des milieux nationalistes.

La partie se joue aussi en interne, pour s’assurer un ascendant politique à l’intérieur de la communauté kurde : un membre du Parti Démocratique des Kurdes de Turquie (PWD, exilé dans le Kurdistan irakien et composé de dissidents du PKK), qui devait installer une branche du parti en Turquie, aurait été assassiné par le PKK. Ce contexte d’aggravation constante de la violence occulte à nouveau les 14 années de rébellion kurde contre le pouvoir d’Ankara, qui s’étaient soldées par un bilan d’environ 37 000 morts.

Depuis que sa sentence, la peine capitale, a été commuée en prison à vie en 2002, Abdullah Öçalan, unique détenu de l’île-prison d’Imrali, semble subir des conditions de détention difficiles : d’après ses avocats italiens, il aurait été victime d’un infarctus et se trouverait dans un « état grave », affirmations totalement démenties par le ministère turc de la Justice. Toujours est-il qu’à la veille du septième anniversaire de son arrestation, plusieurs milliers de Kurdes ont manifesté à Strasbourg, siège de la Cour européenne des droits de l'homme, pour demander sa libération. Dans les grandes villes turques, on attend les défilés de ce mercredi 15 février (jour de l’anniversaire) avec inquiétude. Les mesures de sécurité ont été renforcées après les affrontements musclés qui ont accompagné les manifestations de dimanche.

Au vu de ces circonstances alarmantes, la visite, ce jeudi, d’un envoyé spécial de l’Onu, chargé d’une mission d’évaluation sur la lutte contre le terrorisme menée par Ankara, en particulier à l’encontre du PKK, semble la bienvenue.