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Une chaîne entièrement en kurde à la télévision d'Etat turque le 1er janvier


Dimanche 21 decembre 2008 à 10h19

ANKARA, 21 déc 2008 (AFP) — La Turquie franchira une nouvelle étape dans l'ouverture vers sa communauté kurde à partir du 1er janvier 2009 avec le lancement sur une chaîne de télévision publique d'émissions en kurde, une langue autrefois interdite.

Cette chaîne, baptisée la Six car elle est la sixième chaîne de télévision généraliste de l'établissement public de radio et télévision turque (TRT), émettra 24h sur 24 en langue kurde.

Selon le directeur général de la TRT, Ibrahim Sahin, cette chaîne cherchera à "ne pas imposer l'idéologie de l'Etat" et proposera des programmes d'information de plusieurs heures.

La chaîne, dont les préparatifs se poursuivent dans la discrétion, sera dirigée par un diplomate et commencera par émettre en kurmanci, dialecte kurde majoritaire en Turquie.

Le projet est ambitieux car la chaîne doit trouver sa place parmi la dizaine de chaînes kurdes diffusées en Turquie par satellite et suivies par des millions de personnes grâce à des antennes paraboliques disséminées dans le sud-est de la Turquie, peuplé majoritairement de kurdes.

Et avant même son lancement, la chaîne a subi un premier revers: deux chanteurs kurdes, Ciwan Haco et Sivan Perver, auraient refusé de faire des émissions pour la chaîne, selon la presse.

Les enregistrements de ces artistes comme ceux de tant d'autres s'échangeaient sous le manteau dans les années 1980 et 1990, lorsque la rébellion du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, séparatiste) battait son plein contre le pouvoir d'Ankara.

Mais depuis le début des années 2000, pour renforcer ses chances d'adhésion à l'Union européenne, la Turquie a brisé des tabous: en 2004 des programmes hebdomadaire de 30 minutes en langue kurde ont été lancés sur la TRT puis sur les chaînes privées dans un pays où il y a encore 15 ans l'usage du kurde en public était interdit.

Initiative remarquée à l'époque mais jugée insuffisante par les milieux kurdes qui ont dénoncé le contenu des programmes, dédiés à la culture générale sans jamais toucher aux sujets sensibles.

Selon les autorités turques, cette nouvelle chaîne pourrait contribuer à limiter l'influence de Roj-TV, la chaîne pro-PKK qui émet du Danemark malgré les protestations d'Ankara.

Ainsi, un projet de loi a été élaboré cette année par le gouvernement du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan et approuvé en été par le Parlement puis le chef de l'Etat.

Le problème kurde en Turquie sera-t-il pour autant résolu?

"Non", estime sèchement le député kurde Sirri Sakik qui juge cette démarche "cosmétique" avant des élections municipales en mars que M. Erdogan veut à tout prix remporter dans les provinces kurdes.

"Il n'y aura pas de débat politique sur cette chaîne. Le gouvernement envisage de s'en servir pour de la propagande", a indiqué à l'AFP ce parlementaire membre du Parti pour une société démocratique (DTP), la principale formation pro-kurde du pays, menacé d'interdiction pour collusion avec le PKK.

M. Sakik accuse M. Erdogan, au pouvoir depuis 2002, ne n'avoir "rien fait pour résoudre le problème kurde" et rappelle ses slogans de plus en plus nationalistes ces derniers temps.

"Nous disons: une nation, un drapeau, une patrie et un Etat. Ceux qui ne sont pas d'accord avec ça devraient partir", avait lancé le Premier ministre en novembre.

Le sud-est anatolien, théâtre depuis 1984 d'affrontements entre les forces turques et le PKK, est la région la plus pauvre de Turquie avec un fort taux de chômage chez les jeunes. Les combats ont laissé des séquelles dans cette zone avec de nombreux cas de violations des droits de l'Homme.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.