Jeudi 24 janvier 2013 à 13h11
ISTANBUL, 24 jan 2013 (AFP) — Le procès de la sociologue turque Pinar Selek, rejugée après trois acquittements pour un attentat survenu il y a quatorze ans, a repris jeudi devant un tribunal d'Istanbul, où observateurs et avocats ont dénoncé les graves dysfonctionnements de la justice turque.
Lors de l'audience, à laquelle n'assistait pas l'accusée qui vit désormais en exil à Strasbourg (nord-est de la France), son avocat Akin Atalay a dénoncé le "chaos juridique" du dossier et exprimé son "inquiétude" sur l'existence de forces agissant "hors du droit" dans ce dossier.
La sociologue, connue pour ses recherches sur les minorités marginalisées, notamment les Kurdes et les transsexuels, est accusée d'avoir aidé des rebelles kurdes à commettre un attentat à l'explosif contre un site touristique d'Istanbul, le marché des épices sur la Corne d'or, qui a fait sept morts en 1998.
Arrêtée et incarcérée à l'âge de 27 ans, elle a été impliquée dans cette affaire après avoir refusé de donner à la police les noms de rebelles qu'elle avait rencontrés dans le cadre de ses recherches. Elle a été libérée en 2000 après la publication d'un rapport attribuant l'explosion à une fuite de gaz.
Les tribunaux turcs, estimant que le caractère criminel de l'explosion n'était pas établi et prenant en compte la rétractation du principal témoin à charge, ont acquitté Pinar Selek à trois reprises, mais à chaque fois la Cour de cassation a invalidé le verdict.
Me Atalay a relevé jeudi plusieurs vices de forme dans l'ouverture d'un quatrième procès contre Pinar Selek, qui encourt la prison à vie, et notamment le fait qu'une procédure d'appel, normalement suspensive, était en cours quand le tribunal s'est saisi du dossier.
Une centaine de militants des droits de l'Homme, d'organisations féministes et d'élus, dont une importante délégation venue d'Europe, ont manifesté leur soutien à l'accusée devant le tribunal, aux cris de "Pinar Selek n'est pas seule" et "arrêtons le massacre juridique".
"Pinar Selek est une figure symbolique. Si des gens comme elle pouvaient travailler librement en Turquie, la Turquie serait un pays différent", a déclaré à l'AFP l'écrivain allemand Günter Wallraff.
"Le cas de Pinar Selek devient emblématique d'une justice qui ne fonctionne pas aujourd'hui en Turquie", a pour sa part commenté Pernelle Richardot, adjointe au maire de Strasbourg.
Martin Pradel, représentant la Fédération internationale des droits de l'Homme, s'est lui désolé d'une procédure où "Ubu rencontre Kafka en Turquie".
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.