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Rapatriements de Syrie: le Conseil d'Etat rejette les requêtes de familles de jihadistes


Mardi 23 avril 2019 à 18h28

Paris, 23 avr 2019 (AFP) — Le Conseil d'Etat a rejeté mardi en appel les requêtes d'épouses et d'enfants de jihadistes retenus dans des camps contrôlés par les Kurdes en Syrie qui réclament leur rapatriement en France, jugeant ne pas être compétent concernant une décision relevant de la diplomatie française.

Saisi en appel, le juge des référés du Conseil d'Etat a examiné vendredi en audience quatre requêtes.

Trois d'entre elles émanaient de Françaises liées à l'organisation Etat islamique (EI) et retenues dans un camp en Syrie avec leurs huit enfants. Une dernière provenait de l'oncle de deux mineurs, âgés de deux et quatre ans, qui réclame à l'Etat de les rapatrier depuis un autre camp syrien, sous contrôle des forces kurdes, où ils vivent.

Dans ses décisions, le magistrat estime que les mesures demandées "nécessiteraient l'engagement de négociations avec des autorités étrangères ou une intervention sur un territoire étranger".

"Elles ne sont pas détachables de la conduite des relations internationales de la France", poursuit-il, en concluant que de ce fait, aucune juridiction n'était compétente pour statuer en la matière.

En première instance, le tribunal administratif de Paris s'était aussi déclaré incompétent, pour les mêmes motifs.

"Les familles sont confrontées à un déni de justice, bien que la situation ne fasse que s'aggraver", a regretté auprès de l'AFP Me Nabil Boudi, avocat de l'oncle des deux mineurs. "Aujourd'hui, tout est verrouillé, que ce soit avec le Quai d'Orsay que du côté de la justice".

Me William Bourdon et Me Vincent Brengarth, qui défendent deux Françaises, Margaux D. et Estelle K., retenues dans le camp de Roj en Syrie avec chacune trois enfants, âgés d'entre un an et demi et huit ans, ont pour leur part estimé que cette décision incarnait "une forme de frilosité" et était "loin d'incarner la mission du Conseil d'Etat d'être le gardien des libertés publiques".

"Il n'y a pas de précédent dans l'histoire de notre pays d'une telle situation de délaissement par l'Etat français d'enfants mineurs en très bas-âge", ont-ils affirmé dans un communiqué, évoquant une "impasse quasi-absolue".

Lors de l'audience, le juge des référés avait refusé la demande de ces deux avocats de saisir pour avis la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH).

Me Marie Dosé, l'avocate de proches d'une autre Française Lydia F. et de ses deux enfants, a indiqué à l'AFP, à l'issue de cette audience, qu'elle envisageait de saisir la CEDH, sur la question de ces retours. "On est face à un des plus désastreux scandales humanitaires de la République: on fait payer à ces enfants le choix de leurs parents", a-t-elle réagi.

Le gouvernement refuse de ramener ses ressortissants, jihadistes et épouses, affiliés à l'EI, et n'a accepté jusqu'ici de rapatrier les enfants qu'au "cas par cas". Cinq orphelins sont ainsi revenus le 15 mars et une fillette de trois ans, dont la mère a été condamnée à la perpétuité en Irak, l'a été le 27 mars.

Des documents, révélés par Libération et dont l'AFP a eu connaissance, témoignent que les autorités françaises ont préparé un plan très détaillé de rapatriement global de jihadistes français de Syrie et de leurs familles. Celui-ci n'a toutefois pour l'heure pas été mis en oeuvre tandis que d'autres pays comme la Russie et plus récemment le Kosovo ont fait le choix de rapatrier des enfants et femmes de jihadistes.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.