Mercredi 25 mars 2009 à 06h12
DIYARBAKIR (Turquie), 25 mars 2009 (AFP) — En dépit des efforts déployés par le gouvernement d'Ankara et par le parti au pouvoir, le principal parti pro-kurde de Turquie assure qu'il sera en mesure de conserver Diyarbakir, ville bastion du militantisme kurde, lors des élections municipales du 29 mars.
Le Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste), qui gouverne à Ankara, voudrait bien prendre la plus grande ville du sud-est anatolien, peuplée majoritairement de Kurdes. Mais sa tâche s'annonce difficile contre le Parti pour une société démocratique (DTP), qui contrôle plusieurs villes de la région, et qui se bat pour davantage de libertés pour les Kurdes.
Dans une ville appauvrie par de longues années de conflit entre rebelles kurdes et forces de sécurité, le processus de réforme engagé par Ankara est bien visible: des minibus de campagne déversent dans les rues de la musique kurde, des posters présentent les candidats en langue kurde, et les habitants jouissent d'émissions en kurde, sur une chaîne de la télévision d'Etat.
Mais si ces changements sont les bienvenus, les Kurdes doutent des engagements réels du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, pour une vraie réconciliation entre pouvoir et minorité kurde.
"Le Premier ministre n'est pas sincère", assure Nedim Arikboga, 31 ans, devant un café du centre-ville.
Des valses-hésitations concernant les réformes et le souvenir des combats entre l'armée et les séparatistes du Parti du travailleur du Kurdistan (PKK), considéré comme une organisation terroristes par Ankara, font douter de l'avenir et entretiennent l'image d'une passé souillé de sang.
"Quoi qu'ils disent, l'Etat (turc) nous a toujours abandonnés, à la fin (...) pour moi le scrutin n'est pas une question de services, c'est une lutte pour défendre mon identité", souligne cet homme qui a perdu quatre cousins et un oncle dans le conflit kurde.
Pour l'entrepreneur Nurettin Güreli, la désillusion des Kurdes vis à vis de M. Erdogan tient à son opposition farouche au PKK et au refus d'amnistier ses militants, une démarche qui pourrait de l'avis général kurde mettre un terme à 24 ans de lutte armée.
Le DTP, accusé par Ankara d'être instrumentalisé par le PKK, fait quant à lui vibrer la corde nationaliste pour ces municipales. Ses dirigeants parlent d'élections "référendum" sur l'identité kurde.
Les partisans de l'AKP, fort nombreux dans la région, se plaignent d'être présentés comme des "traîtres" et certains s'abstiennent de révéler leur choix politique.
Des militants du DTP "sont venus l'autre jour et j'ai été obligée de dire que je voterai pour eux", explique Ayse, une mère de famille de 34 ans. Elle et ses quatre enfants habitent un taudis de la ville et dépendent entièrement des misérables revenus de son mari, un ouvrier sans emploi permanent.
"L'AKP est mieux non?", s'interroge cette femme, expliquant que les services sociaux lui ont donné des bons d'achat de 400 livres (180 euros), qui seront suivis le mois prochain d'un réfrigérateur.
Et pour certains Kurdes plus aisés, le militantisme nationaliste du DTP a terni l'image de Diyarbakir et chassé les investisseurs.
Kutbettin Arzu, architecte et candidat de l'AKP, souhaite une "réconciliation" dans la ville. Le maire actuel, Osman Baydemir, personnalité charismatique du DTP, s'attend lui à remporter une écrasante victoire, pour un deuxième mandat.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.