Mercredi 20 septembre 2006 à 13h43
ERBIL (Irak), 20 sept 2006 (AFP) — Les Kurdes, victimes de la répression sous l'ancien régime irakien, ne cachent pas leur joie après l'éviction du juge chargé du procès de Saddam Hussein pour génocide contre les populations au Kurdistan, à qui ils reprochaient sa partialité.
La décision de limoger le juge Abdallah al-Améry a été prise mardi soir par le gouvernement, qui a affirmé qu'il voulait ainsi "préserver la neutralité" du Haut tribunal pénal. L'audience de mercredi a été présidée par l'adjoint d'Améry, Mohammed al-Oreibi al-Majid al-Khalifa, un chiite comme lui.
Un centre de défense des Kurdes, le centre de Halabja contre l'extermination des Kurdes, avait accusé le juge de "partialité", réclamant son "limogeage et la nomination d'un autre juge compétent et neutre et dont les idées ne soient pas polluées par le baas fasciste (parti au pouvoir sous l'ancien régime)".
"Son attitude amicale avec les accusés a irrité les familles des victimes et les observateurs impartiaux", a indiqué le centre dans un communiqué, soulignant que la déclaration du juge selon laquelle Saddam Hussein n'avait pas été un dictateur avait "été la goutte qui a fait déborder le vase".
"Nous apprécions fortement l'action du tribunal, notamment après la nomination d'un nouveau président, car l'ancien juge conduisait le procès dans la mauvaise direction", a déclaré Fouad Hussein, chef de cabinet du président de la région autonome, Massoud Barzani.
"Le procès allait se transformer en procès politique, ignorant les crimes commis" par l'ancien régime, a-t-il dit.
"En déclarant ouvertement que Saddam n'était pas un dictateur, l'ancien juge a apporté un soutien aux accusés", a-t-il poursuivi.
"Aussi, nous estimons que son remplacement est une décision juste", a-t-il souligné, souhaitant que le nouveau juge "ait une bonne attitude".
Le ministre local de la justice au sein du gouvernement kurde, Azad Ezzeddin Mollah Efendi, a pour sa part estimé que "le haut tribunal a été convaincu qu'al-Améry a manqué de partialité".
La presse dans les régions autonomes du Kurdistan irakien (nord) a mené campagne mardi et mercredi contre l'ancien juge.
Falakeddin Kakaï, dirigeant du Parti démocratique du Kurdistan (PDK de Barzani) et ministre local de la culture, déplore, dans un article publié dans le journal Khabat, la liberté donnée à l'ancien dictateur de menacer ses victimes dans l'enceinte même du tribunal.
"Lui, qui est accusé de crimes de guerre, d'avoir enterré ses victimes dans des fosses communes, il prend la liberté d'agresser le procureur général, les parties civiles, les témoins et les avocats. Que fait Abdallah al-Améry: il affirme à Saddam Hussein +vous n'étiez pas un dictateur+", écrit ce dirigeant kurde.
"Je ne pense pas que c'est au juge de donner son appréciation sur le fait que Saddam avait été un dictateur ou non. C'est aux chercheurs et aux historiens de le faire", a-t-il dit.
"Sachez toutefois que Saddam est jugé non pour avoir été un dictateur ou un démocrate, mais pour les crimes commis et le juge doit agir en conséquence", a souligné ce responsable.
Pour l'écrivain kurde Ahmad Marounsi, le procès "est présidé par un juge partial, en présence d'avocats mercenaires ou stupides".
"Dès le premier jour du procès du tyran du siècle, Saddam Hussein, pour l'extermination des Kurdes, Abdallah al-Améry a pris position en faveur des criminels", a-t-il affirmé.
Pour lui, nommer un tel président pour juger une affaire aussi grave "est en soit inacceptable car ce juge ignore tout des souffrances subies par les Kurdes".
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.