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Les "Gardiens de village" kurdes prêts au combat aux côtés de l'armée turque


Mardi 30 octobre 2007 à 10h45

SENOBA (Turquie), 30 oct 2007 (AFP) — Fusil d'assaut à la main, sanglé dans son uniforme, Sabri Bulut, un "Gardien de village" kurde, affirme être prêt à se battre en Irak, aux côtés de l'armée turque, pour écraser les rebelles.

"Nous n'hésiterons pas en cas d'opération transfrontalière. Nous sommes main dans la main avec l'Etat", confie cette homme de 27 ans, membre de cette milice controversée, payée et armée par Ankara.

Les Gardiens de village comptent quelque 58.000 Kurdes, déterminés à combattre les rebelles kurdes du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), qui veulent crééer une région autonome dans le sud-est de la Turquie.

"Mon village s'est rangé du côté du gouvernement après avoir souffert des exactions du PKK. Ils venaient ici et tuaient ceux qui ne voulaient pas leur donner à manger", se souvient Bulut, devant sa maison du village de Senoba, à 4 km de la frontière avec l'Irak.

Plus de 37.000 personnes - en majorité des rebelles mais aussi des civils et des militaires - ont été tués dans le conflit qui oppose les forces turques au PKK depuis 1984.

Le conflit a aussi fait des milliers de déplacés tandis que de graves violations des droits de l'homme pésent sur les deux camps.

"Ce que fait le PKK n'a rien à voir avec des revendications ethniques. Ce sont eux qui font souffrir les Kurdes. S'ils cherchent vraiment à instaurer un Etat indépendant dans cette région, pourquoi continuent-ils à nous tuer ?", s'interroge-t-il.

Créés en 1985, les Gardiens de village ont été créés pour protéger la population locale.

Leur connaissance du terrain s'est cependant révélée extrêmement précieuse pour l'armée dans sa lutte contre les rebelles réfugiés dans les zones montagneuses de la frontière. Ils ont participé à des dizaines d'opérations contre les camps du PKK dans le nord de l'Irak au début des années 90.

En cas de nouvelle intervention armée de la Turquie contre les séparatistes qui se servent du nord de l'Irak comme basse arrière, l'armée devrait à nouveau solliciter l'aide de la milice.

Patriotes pour les uns, traitres pour les autres: la question de leur rôle est ultrasensible dans le sud de la Turquie, peuplée en majorité de Kurdes.

"Je ne veux pas d'un autre Etat. Je suis heureux avec celui que j'ai déjà", confie Abdülmuttalip Hanedan, membre de la milice depuis 19 ans dans un village proche de Sirnak.

"Je soutiens ceux qui me permettent de vivre et d'élever mes enfants, pas ceux qui veulent me tuer", ajoute l'homme de 43 ans.

La milice a une réputation controversée, entachée par des affaires de trafic de drogue, de viols, d'enlèvements et de meurtres.

"Ce sont des seigneurs de la guerre qui se servent de leur pouvoir pour leur seul intérêt. Ils se fichent complètement de la population", accuse le propriétaire d'un restaurant à Sirnak, qui refuse de donner son identité par peur de représailles.

De nombreux gardiens de village sont accusés d'occuper illégalement les terres que des paysans ont été obligés d'abandonner, chassés par l'armée qui voulait couper les sources d'approvisionnement du PKK.

Lorsqu'ils ont voulu rentrer chez eux, les Gardiens de village les ont menacés, voire tués.

Quelque 5.000 miliciens ont été impliqués dans des crimes ou des délits mais seulement 850 ont été poursuivis, selon des chiffres officiels.

Dans une lettre au gouvernement turc, l'ONG américaine Human Rights Watch a appelé à la dissolution de la milice.

"Le système des Gardiens de village est si dangereux et corrompu...que votre gouvernement doit prendre des mesures pour interdire" cette milice, a plaidé l'organisation.

Aucun gouvernement n'a cependant osé s'attaquer à la milice, important réservoir de voix dans la région lors d'élections.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.