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Le nouvel an kurde, première étape d'un retour à la paix en Turquie ?


Vendredi 8 mars 2013 à 12h26

ANKARA, 08 mars 2013 (AFP) — Après avoir été longtemps l'occasion de tensions et d'incidents, le nouvel an kurde pourrait cette année marquer le début de la fin du conflit meurtrier qui oppose depuis près de trente ans le gouvernement d'Ankara aux rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

Tous les médias turcs le répètent depuis maintenant une semaine. C'est le 21 mars, le jour de ce nouvel an (Newroz), que le chef historique du PKK Abdullah Öcalan doit appeler, depuis sa prison d'Imrali (nord-ouest de la Turquie), ses troupes à cesser les combats, premier signe concret du processus de paix réenclenché en décembre.

Au sortir d'un mouvement de grève de la faim suivi par plus de 700 détenus kurdes dans les prisons du pays, Ankara décidait alors de reprendre les discussions avec Abdullah Öcalan pour tenter de mettre, enfin, un terme à un conflit qui a fait plus de 45.000 morts depuis 1984.

Trois mois d'intenses négociations plus tard, l'espoir est à nouveau de mise. Si l'on en croit les fuites, ni confirmées, ni démenties, publiées dans la presse, le chef du PKK s'apprêterait donc à annoncer une trêve le 21 mars.

Avant même cette date, le PKK pourrait manifester sa bonne volonté par un autre geste, la libération d'une vingtaine de prisonniers.

"Les prisonniers détenus par le PKK pourraient être libérés d'ici à la fin de la semaine", a espéré mardi Gültan Kisanak, coprésidente du Parti pour la paix et la démocratie (BDP) pro-kurde.

Autre signe de ce retour de la détente, une délégation du BDP s'est récemment rendue dans le Kurdistan irakien, qui accueille les bases arrières du PKK, pour convaincre ses chefs opérationnels de se ranger derrière Abdullah Öcalan.

Selon les extraits d'un courrier à leur intention rédigé du fond de sa cellule, le chef du PKK a prévu, après son appel du 21 mars, de retirer ses troupes du territoire turc d'ici au 15 août, le jour anniversaire de la première attaque du PKK en 1984.

"Marchandage"

En échange de ce retrait, le gouvernement du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan a déposé jeudi au Parlement un nouveau "paquet" législatif qui doit élargir les droits de la minorité kurde, riche de 12 à 15 millions de membres sur les 75 millions d'habitants que compte la Turquie.

"Tout ce que nous voulons c'est que les armes ne tirent plus et qu'il n'y ait plus d'effusion de sang, que cette plaie chronique dont souffre la Turquie puisse être refermée", a affirmé récemment le vice-Premier Bülent Arinç.

M. Arinç a assuré que son gouvernement serait "très patient" et qu'il avait tiré les leçons des précédentes initiatives de paix. La plus récente en 2009 avait capoté après la reddition symbolique d'une trentaine de rebelles du PKK, qui s'était transformée en manifestation contre le pouvoir.

"Il est vrai que la Turquie traverse une période très sensible, nous devons tous -Kurdes et Turcs - faire en sorte que ces discussions aboutissent enfin à une paix", a indiqué pour sa part à l'AFP Sirri Sakik, un influent député kurde.

Même si M. Erdogan a catégoriquement rejeté toute idée d'amnistie générale pour les rebelles, la réforme qu'il a présentée à l'Assemblée doit permettre la remise en liberté de nombreux détenus proches de la cause kurde et du PKK, considéré comme une organisation terroriste par de nombreuses capitales.

Une perspective inacceptable pour certains. Le chef du parti nationaliste (MHP) Devlet Bahçeli a ainsi dénoncé la "trahison" du pouvoir et dénoncé ces "marchandages" avec celui qu'il continue d'appeler le "monstre d'Imrali".

Le Parlement travaille depuis l'an dernier à la rédaction d'une nouvelle Constitution qui devrait redéfinir la citoyenneté turque et prendre en compte les revendication des Kurdes.

Les discussions peinent à progresser mais l'opposition soupçonne déjà le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir et le BDP de préparer un marché: plus de droits pour les Kurdes en échange d'une Constitution plus présidentielle taillée sur mesure pour M. Erdogan.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.