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Irak: la prise de Kirkouk, un vieux rêve pour les Kurdes, suscite aussi l'inquiétude


Jeudi 19 juin 2014 à 10h59

Kirkouk (Irak), 19 juin 2014 (AFP) — Avec la prise de la ville pétrolière de Kirkouk, les Kurdes d'Irak réalisent un vieux rêve mais pour d'autres groupes communautaires elle suscite l'inquiétude.

Les forces kurdes ont pris le 12 juin le contrôle de cette ville multiethnique et d'autres secteurs disputés dans cette zone située à 240 km au nord de Bagdad pour la protéger d'un possible assaut des jihadistes sunnites de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) et dans un contexte de déroute totale des troupes gouvernementales.

Les Peshmergas, principale force combattante kurde, se sont déployés autour de la ville pour contrer toute avancée de jihadistes qui tiennent d'autres zones de la province, selon un correspondant de l'AFP.

Des hommes du service de sécurité intérieure de la région autonome du Kurdistan, les assayesh, sont venus renforcer les forces policières à l'intérieur de la ville.

Les Kurdes irakiens rêvent de longue date d'incorporer une partie du territoire à majorité kurde du nord de l'Irak à leur région autonome, se heurtant à l'opposition des gouvernements successifs de Bagdad.

Avec la conquête de Kirkouk, les Kurdes ont néanmoins fait un grand pas dans cette direction.

Le 11 juin, alors que les jihadistes semblaient vouloir marcher sur Kirkouk, comme ils l'avaient fait sur Mossoul la veille, les forces irakiennes ont battu en retraite, et les Peshmergas se sont engouffrés dans la brèche, prenant le contrôle total de cette ville.

- 'Un coup terrible' -

Pour les Arabes et Turkmènes de la ville, cette nouvelle situation inquiète.

"Nous avons peur pour l'avenir de la ville de Kirkouk, après 10 ans de changement, c'est un retour à zéro", déclare Mohammed Hassan al-Obaidi, 55 ans, vêtu d'un long vêtement arabe traditionnel.

Il souligne notamment les "tensions nationalistes et les différends politiques" depuis que des arabes sunnites ont pris le contrôle de zones dans l'ouest de la province de Kirkouk et que des Peshmergas ont pris des pans entiers de territoire ailleurs.

Timur Attila, un Turkmène de 38 ans, habitant à Kirkouk, est lui aussi préoccupé.

"La culture turkmène de Kirkouk est en grand danger depuis que les Peshmergas ont renforcé leur contrôle dans la ville et ses environs", déclare-t-il.

Les Turkmènes ne vivent pas seulement à Kirkouk mais aussi dans d'autres villes du Nord menacées de tomber aux mains des insurgés sunnites arabes menés par l'EIIL.

"Nous sommes très inquiets et nous ne savons pas ce qui va se passer dans les prochains jours, mais il est certain que l'avenir de Kirkouk est menacé", explique-t-il, soulignant que les Turkmènes irakiens considèrent cette ville comme leur "berceau et leur coeur".

"Le déploiement des Peshmergas est un coup terrible pour ceux qui aiment Kirkouk, en particulier les Turkmènes", ajoute-t-il.

"Comment pouvons nous accepter que Kirkouk fasse partie de la région (du Kurdistan)" alors que "nous avons appris de nos ancêtres que Kirkouk est Turkmène?", s'interroge Attila.

En attendant, l'instabilité a aussi provoqué des pénuries et selon un journaliste de l'AFP, il y a de longues files d'attente devant les stations service et des coupures d'électricité de douze heures par jour sont imposées aux habitants.

Selon le propriétaire d'un magasin au marché de Qaissariyah, dans le centre-ville, les ventes ont chuté de 70% au cours de la seule semaine dernière, et les habitants se plaignent de l'augmentation des prix des denrées de base. Celui du gaz, par exemple, a doublé.

Pour les Kurdes, en revanche, la présence des Peshmergas est plutôt rassurante.

"(Les) Peshmergas ne représentent aucune menace pour la sécurité de Kirkouk. Ils sont venus pour défendre la ville et ses institutions contre les terroristes", déclare Aras Mohammed Hamed, Kurde de 54 ans, assurant que les forces kurdes regagneront leurs casernes quand le danger sera écarté.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.