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En Irak, un village déserté devenu poste avancé pour les Kurdes


Mercredi 27 août 2014 à 10h08

Wadi Aossaj (Irak), 27 août 2014 (AFP) — C'est un petit village planté dans le désert irakien. Un village fantôme. Depuis la fuite des habitants il y a quelques semaines devant l'avancée des jihadistes de l'Etat islamique (EI), seules les voix des combattants kurdes viennent troubler le silence.

Wadi Aossaj, dans la province de Diyala, était autrefois un hameau animé où vivaient, dans des maisons de terre et de parpaings, une cinquantaine de familles arabes sunnites.

Aujourd'hui, c'est un poste avancé pour les forces kurdes qui tentent de reprendre la ville voisine de Jalawla aux jihadistes de l'EI, qui ont lancé début juin une offensive fulgurante en Irak.

Depuis les collines qui bordent Wadi Aossaj, on aperçoit à l'horizon Jalawla, prise par l'EI aux Kurdes le 11 août et désormais assiégée par les peshmergas.

Un temps tombé aux mains de l'EI, le village de Wadi Aossaj a lui été repris il y a quelques jours. Les habitants sont partis depuis plusieurs semaines quand les combats ont éclaté dans la région.

Depuis que les peshmergas ont repris le village, certains habitants sont revenus chercher des affaires, mais aucun civil n'a le droit de revenir habiter chez lui tant que Jalawla n'aura pas été reprise.

A l'horizon, deux drapeaux noirs de l'EI rappellent que la menace jihadiste est proche.

Sur les collines de Wadi Aossaj, c'est le drapeau du Kurdistan irakien -- rouge, blanc, vert, avec un soleil au centre -- qui flotte au vent.

Le village fait partie de secteurs disputés de longue date entre Erbil et Bagdad, et dont les Kurdes ont pris le contrôle suite au retrait de l'armée irakienne aux premiers jours de l'offensive jihadiste.

La zone a été "arabisée" sous la dictature de Saddam Hussein, qui y a installé des Arabes pour remplacer les Kurdes.

- Sniper jihadiste -

Déserté depuis quelques semaines, Wadi Aossaj ressemble un village fantôme. A travers une fenêtre, on aperçoit l'intérieur d'une maison, sinistrement vide, comme si elle n'avait jamais été habitée.

La porte d'un magasin est ouverte, sa fenêtre brisée. Une douille git dans la poussière.

"Un sniper (jihadiste) était positionné ici", déclare Bakhtiar Rahid, un officier peshmerga.

Certains habitants ont trouvé refuge à Nawduman, autre village arabe sunnite à sept kilomètres à l'est, épargné par le conflit.

Ali Mohammed Jassem, djellaba bleue et turban blanc sur la tête, veut retourner à Wadi Aossaj.

"Nous avons fui avec rien d'autre que nos vêtements. Nous avons dormi dehors pendant deux nuits avant d'arriver ici", raconte ce quinquagénaire émacié, à qui ses rides rajoutent de nombreuses années.

Depuis leur arrivée à Nawduman, la famille, qui compte quatre enfants, dort dans la mosquée, à même le sol, selon sa femme. "Ça fait vraiment mal au dos", dit-elle en se massant la nuque.

Ali et sa femme déclarent pourtant faire partie des déplacés les plus chanceux: "d'autres n'ont nulle part où aller hormis les vallées et les maisons abandonnées. Leur souffrance est inhumaine".

- 'Vivre en sécurité' -

La famille Jassem a fui Wadi Aossaj avant l'arrivée des jihadistes, craignant autant les obus kurdes que l'EI.

"Après la prise de Jalawla (par l'EI), les peshmergas ont commencé à les bombarder depuis leurs positions, mais de nombreux projectiles ont dévié et touché notre village", raconte Ali, sa fille de 11 mois, Zaina, sur les genoux,

"Nous voulons simplement vivre en sécurité", déclare-t-il, en souhaitant la victoire des Kurdes ou de l'armée irakienne.

"Sous le précédent régime (de Saddam Hussein) il y avait des problèmes" entre les Kurdes et les Arabes, se rappelle-t-il. Mais c'est le passé. Aujourd'hui, "nous n'avons pas d'inimitié avec les Kurdes", assure-t-il.

Sayer Ahmed, responsable arabe sunnite à Nawduman, est du même avis.

"Pendant plus de 11 ans, nous n'avons pas ressenti (les bénéfices) du gouvernement central irakien. Pendant tout ce temps, nous avons vécu de facto sous administration kurde".

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.