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Des femmes kurdes en première ligne face au groupe Etat islamique


Mercredi 11 février 2015 à 10h41

Paris, 11 fév 2015 (AFP) — Avec sa petite taille et son sourire mutin, Nassrin Abdallah ne semble guère une menace pour les jihadistes. Et pourtant cette Kurde syrienne est à la tête des combattants qui viennent de leur infliger une défaite dans la ville symbole de Kobané.

De passage à Paris, où elle est accueillie en héroïne dans les milieux kurdes, elle ne quitte pas son treillis frappé de l'étoile rouge du Parti de l'Union démocratique (PYD), principale formation des Kurdes de Syrie.

"A Kobané, la femme a été sur tous les fronts, dans toutes les tranchées, face à un ennemi sauvage", lance cette femme de 36 ans, une des principales dirigeantes de la branche armée du PYD.

A la tête des combattants kurdes, hommes et femmes, la "commandante" Nassrin a été de toutes les batailles contre le groupe de l'Etat islamique, qui contrôle de larges pans de territoire en Syrie, comme en Irak.

"Nous avons tenu la promesse faite à notre peuple, et nous avons remporté la victoire à Kobané", dit-elle sous les applaudissements lors d'un meeting cette semaine.

Le 26 janvier, les combattants kurdes --soutenus par les raids aériens de la coalition internationale-- avaient repris Kobané après quatre mois de combats acharnés avec l'EI.

Selon la commandante Nissrin, environ 40% des combattants kurdes à Kobané, ville du nord de la Syrie proche de la Turquie, étaient des femmes.

Des militantes pures et dures mais aussi des mères de famille, qui ont envoyé leurs enfants à l'abri en Turquie "et sont restées combattre dans nos rangs", assure-t-elle à des journalistes.

Et parmi ces amazones figurent d'autres chefs militaires, comme la légendaire Narine Afrin, qui a joué un rôle de premier plan dans la défense de Kobané.

Ou la kamikaze Arin Mirkan, qui s'est fait exploser le 5 octobre au milieu des jihadistes qui assiégeaient la ville, tuant des dizaines de combattants de l'EI selon des sources kurdes.

Au total, 4.000 femmes combattent dans les rangs de la branche militaire du PYD selon les responsables kurdes qui se refusent de dévoiler le nombre global de miliciens.

- 'Manque d'armes et de munitions' -

Ont-elles eu peur d'affronter des jihadistes aguerris, venus du monde entier? "Au contraire, ils ont peur de combattre les femmes", affirme la jeune femme. "Ils croient qu'ils n'iront pas au paradis s'ils sont abattus par une femme".

"Le plus difficile était le manque d'armes et de munitions", indique la commandante Nassrin.

Cette ancienne journaliste, originaire de la ville de Qamishli dans le nord-est de la Syrie, a rejoint la rébellion depuis un soulèvement manqué dans cette ville des Kurdes contre le régime de Bachar Al-Assad en 2004. Célibataire, elle reste avare de détails sur sa vie privée.

Au-delà de l'aspect militaire, les Kurdes veulent voir tout un symbole dans leur victoire contre les jihadistes qui asservissent les femmes dans les zones sous leur contrôle, les forçant à se voiler, et réduisant même des femmes de la minorité yézidie à l'esclavage.

"Daesh (autre nom du groupe Etat islamique) constitue un grand danger pour la femme et son statut", souligne ainsi Assia Abdallah, codirigeante du PYD.

Mme Abdallah et la "commandante" Nassrin ont été reçues dimanche par le président français François Hollande, dans le premier entretien du genre, a révélé la formation kurde qui cherche à obtenir une reconnaissance internationale.

Le PYD est la branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), autonomiste kurde turc qui est considéré comme une organisation terroriste par Ankara.

Dans une volonté de promouvoir les femmes, il a adopté à l'exemple du parti frère une structure bicéphale pour ses branches politique et militaire et ses organisations de masse, codirigés par un homme et une femme.

Et à l'automne 2014, il a promulgué dans les zones kurdes de Syrie qu'il contrôle un décret garantissant aux femmes les mêmes droits que les hommes, bannissant les "crimes d'honneur" et interdisant la polygamie, pourtant légale pour les musulmans dont la plupart des Kurdes font partie.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.