Jeudi 4 decembre 2008 à 06h51
SOULEIMANIYEH (Irak), 4 déc 2008 (AFP) — La corde utilisée jadis pour le gibet de la plus terrible des prisons de Saddam Hussein est la pièce maîtresse d'une exposition ouverte mercredi à Souleimaniyeh, dans le nord de l'Irak, pour faire connaître aux jeunes Kurdes l'histoire tragique de leur peuple.
"Elle permet aux habitants de cette région de garder en mémoire ceux qui ont sacrifié leur vie pour la liberté et l'avènement de la démocratie", assure le conservateur Abdelkarim Ali Haldani.
Ce dernier, qui dirige la Fondation des Martyrs de la région autonome de Souleimaniyeh, l'une des trois provinces du Kurdistan irakien, espère que cela servira à l'éducation de la nouvelle génération.
M. Haldani estime que 16.000 personnes originaires de la seule province de Souleimaniyeh ont été torturées à mort ou exécutées dans les prisons irakiennes avant l'invasion ayant renversé le régime de Saddam Hussein en 2003.
Selon Bakhtiar Amine, l'ancien ministre irakien des droits de l'Homme, plus de 100.000 personnes ont été suppliciées ou exécutées durant le 24 ans du règne de Saddam Hussein dans les prisons irakiennes, dont la pire fut Abou Ghraïb, située à Khan Dari, à 25 km à l'ouest de Bagdad.
"Chaque lundi et mercredi, ils exécutaient puis faisaient payer à la famille le prix de la balle fatale", dit à l'AFP M. Amine.
Depuis 2003, les Kurdes jouissent d'un sort enviable car leur territoire autonome du nord de l'Irak n'a pas connu des attentats et des combats confessionnels comparables à ceux qui ont ensanglanté le reste du pays.
Cet événement culturel vise principalement les Kurdes nés après 1991, date à partir de laquelle les Etats-unis et la Grande-Bretagne ont interdit à l'aviation irakienne de survoler le nord de l'Irak.
"Il existe une nouvelle génération de Kurdes qui n'ont jamais connu l'oppression et cette exposition leur fera connaître la vie de leurs aînés sous un régime inique. Ceux qui ne respectent pas le passé n'ont pas d'avenir", déclare Jamal Agha, collaborateur du président irakien Jalal Talabani, un Kurde.
Des objets liés à l'appareil sécuritaire de l'ancien régime sont présentés, comme des ordres d'execution, des lettres et objets confectionnés par les détenus durant leur captivité, dont un jeu d'échec.
Pour les plus âgés, dont des anciens prisonniers, c'est une plongée dans la douleur. Osmane Saïd, 40 ans, surnommé "Osmane le prisonnier" car il a passé cinq ans à Abou Ghraïb, a perdu des amis pendus avec la corde désormais montrée au public.
"Cette exposition exprime la souffrance de centaines de milliers de Kurdes, d'Arabes et de Turcomans qui ont tout sacrifié pour combattre l'ancien régime injuste et oppresseur", dit-il.
"Cela me rappelle mes jours de captivité. Je voyais de ma cellule des condamnés à mort attendant leur exécution. Parmi eux figuraient mes meilleurs amis", explique Osmane.
Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.