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Enquête à Paris sur l'attaque chimique d'Halabja, en 1988 en Irak


Mardi 27 août 2013 à 15h59

PARIS, 27 août 2013 (AFP) — Des juges parisiens vont enquêter sur l'éventuelle responsabilité d'entreprises françaises dans le bombardement au gaz par le régime de Saddam Hussein, de la ville d'Halabja, dans le Kurdistan irakien, qui avait fait près de 5.000 morts en mars 1988.

Une vingtaine de victimes de cette attaque avaient porté plainte contre X en juin à Paris pour génocide et crimes contre l'humanité, dans l'espoir que des entreprises fournisseurs du régime de l'époque soient mises en cause.

C'est à la suite de cette plainte avec constitution de partie civile que le parquet de Paris a pris lundi un réquisitoire afin qu'une instruction soit ouverte contre X des chefs notamment de "complicités d'assassinats", "complicités de tentatives d'assassinats" et "recel" du produit de ces crimes, a indiqué à l'AFP une source judiciaire.

La qualification de "crimes contre l'humanité" n'a pas pu être retenue pour cette enquête en raison du principe de non rétroactivité des peines les plus sévères. Les crimes contre l'humanité -imprescriptibles- ne sont définis dans le code pénal que depuis 1994.

Les juges d'instruction devront d'abord s'attacher à déterminer si les faits dénoncés par la plainte sont ou non prescrits, avant de chercher d'éventuelles responsabilités de personnes -morales ou physiques- françaises.

Lors d'une conférence de presse en juin, les avocats des plaignants, le Français David Père et son confrère américain Gavriel Mairone, avaient dit avoir recueilli plus de 100.000 documents, dont certains ne sont pas publics, détaillant les différentes étapes de la constitution par l'Irak d'un arsenal chimique entre 1983 et 1988.

Ali le chimique

Selon ces documents, 427 sociétés ont été prestataires de l'État irakien dans ce projet. Me Mairone avait alors estimé qu'au moins 20, dont deux entreprises françaises de l'industrie chimique, "savaient parfaitement ce qu'elles faisaient".

Contacté mardi par l'AFP, Me Père s'est à nouveau refusé à dévoiler le nom des entreprises visées.

"Les victimes d'Halabja sont très heureuses de la décision du parquet et font confiance à la justice", a dit Me Père.

"Cette information judiciaire revêt un sens tout particulier au moment où des massacres de même nature, mais de moindre ampleur, interviennent dans cette même région du monde", a-t-il ajouté, en référence aux accusations d'attaque chimique lancées contre le régime syrien.

Le bombardement d'Halabja, lui, était intervenue en 1988, alors que la guerre contre l'Iran tirait à sa fin.

Les peshmergas, les combattants kurdes, s'étaient emparés de Halabja, dans les montagnes du Kurdistan. L'armée irakienne avait riposté en pilonnant la localité, forçant les combattants kurdes à se replier vers les collines alentours, laissant derrière eux femmes et enfants.

Le 16 mars, des avions de combat irakiens avaient survolé la zone pendant cinq heures, déversant un mélange de gaz moutarde et des neurotoxiques Tabun, Sarin et VX.

Le bombardement a fait environ 5.000 morts -en majorité des femmes et des enfants- et plusieurs milliers de blessés. Nombre de survivants continuent de souffrir de séquelles.

Considéré comme le commanditaire de ce massacre, Ali Hassan al-Majid, dit "Ali le chimique", cousin et homme de main de Saddam Hussein, a été condamné à mort puis pendu en janvier 2010.

En 2007, un homme d'affaires néerlandais, Frans van Anraat, avait été condamné aux Pays-Bas en appel à 17 ans de prison pour complicité de crimes de guerre pour avoir livré des ingrédients chimiques à Bagdad dans les années 1980 en sachant qu'ils serviraient à la production d'armes chimiques. Il a été condamné en outre en avril à indemniser 16 victimes des bombardements chimiques irakiens.

Les sociétés ayant fourni le régime irakien étant de plusieurs nationalités, Mes Père et Mairone avaient indiqué que les parties civiles envisageaient des actions similaires dans d'autres pays que la France, en Allemagne, en Suisse, aux États-Unis, en Espagne et aux Pays-Bas.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.