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Syrie: face à l'afflux de déplacés, les forces anti-EI en appellent aux pays concernés


Dimanche 24 février 2019 à 11h42

Champ pétrolier d'Al-Omar (Syrie), 24 fév 2019 (AF — Les forces arabo-kurdes en Syrie ont exhorté dimanche les gouvernements étrangers à "assumer leurs responsabilités" face à l'afflux de milliers de leurs ressortissants évacués de l'ultime réduit du groupe Etat islamique (EI), qualifié de "plus grand défi" alors que de nouvelles vagues sont attendues.

Quelques 5.000 personnes --hommes, femmes et enfants-- ont quitté depuis mercredi la dernière poche de l'EI, où les jihadistes jusqu'au-boutistes sont terrés dans moins d'un demi-kilomètre carré à Baghouz, aux confins orientaux de la Syrie.

"Alors que des milliers d'étrangers fuient le califat en ruine, le fardeau qui est déjà trop lourd pour nous devient encore plus lourd", a prévenu dans la nuit de samedi à dimanche Moustafa Bali, le porte-parole des FDS.

"C'est le plus grand défi qui nous attend à moins que les gouvernements agissent et assument leurs responsabilités à l'égard de leurs citoyens", a-t-il ajouté dans un tweet, en allusion notamment aux pays occidentaux, dont de nombreux ressortissants avaient rejoint l'EI en Syrie ces dernières années.

"Même nos prisons ne peuvent pas accueillir tous les combattants" sortant de la dernière poche, a renchéri Abdel Karim Omar, chargé des Affaires étrangères au sein de l'administration semi-autonome kurde.

"La communauté internationale n'assume pas ses responsabilités", a-t-il jugé.

Les forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance arabo-kurde soutenue par une coalition internationale anti-EI dirigée par les Etats-Unis, ont suspendu ces derniers jours la phase "finale" de leur offensive pour éviter un bain de sang, accusant les jihadistes d'utiliser les civils comme "boucliers humains".

"Nous avons un corridor ouvert" pour permettre aux derniers civils de sortir, a indiqué samedi à l'AFP Adnane Afrine, un autre porte-parole des FDS.

Aucun civil n'a toutefois emprunté ce corridor depuis l'évacuation vendredi de plus de 2.000 personnes, principalement des femmes et des enfants en général liés à des combattants jihadistes, selon une équipe de l'AFP sur place.

Quelque 2.000 personnes seraient encore présentes dans la poche jihadiste, selon les FDS.

Encerclés depuis des semaines, les derniers combattants de l'EI ont truffé de mines ce bout de territoire et empêcheraient certains civils de fuir dans l'espoir de retarder l'assaut final des FDS.

- Foule compacte -

En attendant, les FDS s'affairent à la gestion de l'afflux de ceux déjà évacués, fouillés d'abord sur le front puis transférés vers des camps de déplacés dans le nord-est syrien.

"Les Syriens seuls!", avait ordonné vendredi un combattant des FDS à un des points d'accueil, établi aux abords de Baghouz, d'après l'équipe de l'AFP.

Un groupe s'était alors détaché de la foule compacte. Parmi les étrangers, certains portent des traits asiatiques, tandis que les peaux mates et les yeux noirs se mélangeaient aux teints clairs et aux cheveux blonds.

Tous portaient néanmoins la même tenue vestimentaire: une longue abaya noire ou marron et un bonnet ou un keffieh.

A son apogée en 2014, l'EI contrôlait un territoire vaste comme la Grande-Bretagne en Irak et en Syrie. Des milliers d'étrangers avaient alors rejoint ce "califat" autoproclamé, prônant un islam ultraradical.

Un porte-parole des FDS a indiqué qu'un groupe de jeunes yazidis faisait "partie des nombreux enfants sauvés" ces derniers jours. Cette minorité a été particulièrement victime des exactions de l'EI, qui la considère comme hérétique.

- "Défis énormes" -

Les rescapés sont notamment envoyés vers le camp de déplacés d'Al-Hol, dans la province de Hassaké (nord-est), au terme de longs trajets dans des conditions très sommaires.

"L'afflux soudain" d'hommes, mais surtout de femmes et d'enfants fuyant Baghouz pose des "défis énormes", a averti vendredi le bureau des Affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) dans un tweet.

Le bilan du nombre de personnes décédées lors de ces trajets ou peu après leur arrivée au camp d'Al-Hol est monté à 69, a précisé vendredi l'ONG Comité international de secours (IRC). L'Ocha évoque pour sa part "plus de 60 morts".

L'ONU et ses partenaires "vont augmenter de manière urgente leur effort pour éviter d'autres décès", a tweeté l'organisation.

Mais les conditions sont aussi très difficiles à al-Hol, camp surpeuplé qui accueille plus de 40.000 personnes. "Il y a besoin de manière urgente de tentes supplémentaires, d'articles sanitaires, de médicaments", a souligné l'Ocha.

Dans la nuit de jeudi à vendredi, 2.500 personnes, qui avaient quitté le réduit de l'EI les jours précédents, sont arrivées dans le camp. Parmi elles, 20 enfants non accompagnés, certains âgés de deux ou trois ans seulement, selon l'IRC.

Ceux "qui sont arrivés aujourd'hui ont un besoin urgent d'eau et de nourriture et nombre d'entre eux attendent des soins médicaux urgents", a déploré Misty Buswell, une responsable de l'ONG pour le Moyen-Orient.

Déclenchée en 2011, la guerre en Syrie a fait plus de 360.000 morts et déplacé plusieurs millions de personnes.

Les informations ci-dessus de l'AFP n'engagent pas la responsabilité de l'Institut kurde de Paris.