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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 9

21/9/1995

  1. LA COUR DE CASSATION TURQUE RENDRA SON VERDICT LE 26 OCTOBRE DANS L'AFFAIRE DES DÉPUTÉS KURDES EMPRISONNÉS
  2. COMPARUTION DE MME. FATOS GÜNEY DEVANT LA COUR DE SÛRETÉ DE L'ÉTAT D'ISTANBUL
  3. ÉCLATEMENT DE LA COALITION GOUVERNEMENTALE EN TURQUIE


LA COUR DE CASSATION TURQUE RENDRA SON VERDICT LE 26 OCTOBRE DANS L'AFFAIRE DES DÉPUTÉS KURDES EMPRISONNÉS


Après avoir entendu les avocats des députés kurdes emprisonnés la Cour de Cassation turque a annoncé ce jeudi 21 septembre qu'elle rendrait son verdict le 26 octobre. L'audience a été suivie par de nombreux journalistes et des observateurs. Une mission française composée de Mme. Ségolène Royal et de Me. Charière-Bournazel a assisté à l'audience avant de se rendre à la Prison centrale d'Ankara pour y rencontrer Mme. Leyla Zana et ses collègues détenus.

COMPARUTION DE MME. FATOS GÜNEY DEVANT LA COUR DE SÛRETÉ DE L'ÉTAT D'ISTANBUL


La veuve du célèbre cinéaste Yilmaz Güney, auteur notamment de YOL, Palme d'or au festival de Cannes de 1982, décédé à Paris en 1984, a comparu le jeudi 21 septembre devant la Cour de Sûreté de l'État d'Istanbul pour avoir publié un recueil de textes et interviews de Güney. Dans certaines de ces interviews incriminées Güney se présente comme d'origine kurde et, tout en estimant que les Kurdes ont le droit de déterminer eux-mêmes leur sort, se prononce pour la cohabitation des Kurdes et des Turcs, des Grecs et des Arméniens dans une Turquie démocratique. Pour les procureurs turcs, en introduisant de telles différences entre "le peuple turc" Güney se livre à "l'incitation à la haine raciale" et fait du "séparatisme". Le cinéaste kurde avait passé 12 ans de sa brève existence dans les prisons turques en raison de ses opinions. Sa femme, qui a publié à Istanbul ce recueil de textes intitulé "Yilmaz Güney, l'homme, le militant et l'artiste" dans le cadre de l'édition des uvres complètes de Güney, risque de 2 à 5 ans de prison pour "propagande séparatiste". La prochaine audience de ce procès d'opinion aura lieu le 7 novembre 1995.

ÉCLATEMENT DE LA COALITION GOUVERNEMENTALE EN TURQUIE


Le nouveau chef du Parti républicain du Peuple (CHP), Deniz Baykal, au terme de plus de 3 heures de discussion avec le Premier ministre turc a décidé de mettre un terme à la coalition qui, malgré maintes crises, gouverne depuis près de quatre ans à Ankara. D'après le compte-rendu de leurs entretiens publiés dans la presse turque du 21 septembre, M. Baykal aurait déclaré à Mme. Çiller: "Vous êtes assiégée, encerclée de partout et de diverses manières. Je n'entrevois pas d'espoir de vous voir vous en libérer. Je constate chez vous un manque de volonté et d'autorité. A la suite de politiques erronées, le pouvoir est livré à une coalition secrète. C'est cette coalition secrète qui dirige le pays. L'État est aux mains de cette coalition secrète ! Dans tous les domaines vous avez perdu votre indépendance de décision. Vous n'êtes pas capable de prendre la décision nécessaire. Le mieux pour vous et pour le pays est de convoquer des élections anticipées ou de démissionner".

M. Baykal s'est montré encore plus franc devant les journalistes : "Mme. Çiller est un pantin dont les fils sont tirés par d'autres. Elle est faible et indécise. Elle m'a dit qu'elle pensait comme moi mais qu'elle ne pouvait pas prendre certaines décisions concernant la démocratisation. Où peut-on aller avec un Premier ministre, simple jouet d'une coalition secrète qui dirige le pays". Cette "coalition secrète" étant celle de l'état-major militaire et des chefs de la police politique (MIT).

Il aura fallu au parti de M. Baykal quatre ans de pouvoir et une valse de ses présidents pour stigmatiser "la coalition secrète qui dirige le pays". Contre vents et marées, niant toute évidence, les ministres issus de ce parti tentaient de convaincre l'opinion social-démocrates occidentaux que malgré quelques imperfections la Turquie était une démocratie civile, à la justice et au Parlement indépendants et qu'avec un peu de patience et de compréhension tout finirait par s'arranger.

La façade civile ne faisant plus illusion la Turquie, gangrenée par sa guerre du Kurdistan, s'enfonce dans une crise politique, sociale, économique et morale aiguë, grosse de toutes les dérives.