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POINT SUR LA SITUATION EN TURQUIE

CILDEKT
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Liste
NO: 56

18/2/1997

  1. · DANS LE PROCÈS HADEP, LE PROCUREUR REQUIERT 2 CONDAMNATIONS À MORT ET 42 CONDAMNATIONS À DES PEINES ALLANT DE 15 ANS À 22,6 ANS DE RÉCLUSION
  2. UN CHEF DE POLICE DÉCRIT "L'ORGANISATION EXTRAJUDICIAIRE" CHARGÉE DE BASSES BESOGNES DE L'ÉTAT TURC
  3. LES CONFESSIONS DE L'UN DES ASSASSINS DU POÈTE MUSA ANTER
  4. ARRESTATIONS DANS LES MILIEUX D'EXTRÊME DROITE TURQUE AUX PAYS-BAS
  5. EUROCOPTER SIGNE UN CONTRAT DE 430 MILLIONS DE DOLLARS AVEC LA TURQUIE
  6. LA TURQUIE ENVISAGE D'INTERDIRE LES ANTENNES PARABOLIQUES DANS LES PROVINCES KURDES


· DANS LE PROCÈS HADEP, LE PROCUREUR REQUIERT 2 CONDAMNATIONS À MORT ET 42 CONDAMNATIONS À DES PEINES ALLANT DE 15 ANS À 22,6 ANS DE RÉCLUSION


Le procès intenté aux 47 dirigeants du Parti populaire de la démocratie (HADEP), pro-kurde, approche de sa fin. Au cours de l'audience du 14 février devant la Cour de Sûreté de l'État d'Ankara, le procureur Nuh Mete Yuksel a requis la peine capitale pour "trahison à la patrie" à l'encontre des prévenus Faysal Akcan et G. Mordeniz. Le premier est accusé d'avoir, le 23 juin 1996, lors du 2ème congrès du HADEP, décroché le drapeau turc se trouvant sur un mur de la salle du congrès et accroché à sa place un drapeau du PKK ainsi qu'un portrait d'A. Ocalan, chef de cette organisation. Le second est accusé par le procureur d'avoir "ordonné cette action de haute trahison". Le procureur demande par ailleurs la condamnation à 22,6 ans de prison de 23 dirigeants du HADEP, dont son président Murat Bozlak, pour "constitution d'une organisation illégale", et la condamnation à 15 ans de prison de 19 autres responsables du HADEP pour "appartenance à une organisation illégale". Pour le procureur, la cause est entendue: le HADEP est la branche politique du PKK. Et pour preuves, il cite des publications saisies au siège de ce parti ainsi que des "aveux des repentis" communiqués par la police sans qu'aucun d'entre eux n'apparaisse devant la Cour pour confirmer ces déclarations ou être confrontés aux prévenus. Autres preuves du "complot séparatiste" des prévenus: "leurs déclarations en faveur de la paix et contre la guerre sale", les discours en kurde au cours du congrès, la revendication en faveur de l'enseignement du kurde; dénonciation du coût de la guerre. "La Turquie est une chemise où les Turcs se sentent à l'étroit. Il n'est pas possible d'arracher une pièce à cette chemise. Il n'y a pas de place dans les frontières de la Turquie tracées par le Pacte national d'Ataturk à des délires sur l'éducation en kurde et la fédération" affirme le procureur, dans son réquisitoire, avant d'ajouter: "En demandant l'arrêt de l'effusion de sang, de mettre un terme à la guerre sale qui absorbe une grande partie du budget, les dirigeants du Hadep cherchent en fait à légitimer le PKK et à le présenter comme un interlocuteur. Or la seule condition de la paix est que le chef des bandits se rende avec sa bande. Les prévenus n'ont jamais évoqué cette condition. Nous allons, bien entendu, faire des sacrifices et dépenser tout ce qui est nécessaire jusqu'à ce que les bandits soient anéantis. S'il le faut, tout le budget de l'État sera mis à la disposition de la grande armée turque et des forces de sécurité pour qu'elles accomplissent leur devoir d'assurer l'unité indivisible de notre territoire et de notre nation". Après ce réquisitoire qui se passe de commentaires, la Cour, par la voix de son président, D. Karadeniz, a estimé "lourdes" les réquisitions du procureur. Elle souhaiterait juger 42 prévenus d'aide à des membres d'une organisation illégale (PKK), crime passible de 3 à 5 ans de prison. Quant aux deux principaux prévenus incriminés dans l'incident du drapeau, ils seront poursuivis pour "appartenance à organisation illégale" et pourraient être condamnés à 10 ans de réclusion. Après avoir rejeté les demandes de citations de témoins présentées par la défense, la Cour a renvoyé au 14 mars la prochaine audience au cours de laquelle les prévenus pourront présenter leur défense en fonction de la nouvelle qualification des chefs d'accusation sous lesquels ils seront jugés. Le verdict pourrait intervenir soit le 14 mars, soit à l'issue d'une audience ultime quelques semaines plus tard. Ainsi, le scénario appliqué lors du procès des députés kurdes du DEP est suivi jusqu'à la caricature pour décapiter cette fois-ci le HADEP et interdire aux Kurdes toute possibilité de combat politique légal et pacifique. Dans un État de droit, la justice cherche à établir la vérité sur les faits reprochés aux prévenus et à les juger en fonction des faits établis, incontestables. Dans le système turc, les Cours de Sûreté décident, en fonction des instructions reçues du Conseil de sécurité nationale, pour combien d'années mettre en prison tel ou tel Kurde indésirable et puis les juges trouvent les qualifications correspondant à ces peines.



UN CHEF DE POLICE DÉCRIT "L'ORGANISATION EXTRAJUDICIAIRE" CHARGÉE DE BASSES BESOGNES DE L'ÉTAT TURC


Déposant devant la Commission d'enquête parlementaire, le 4 février, Hanefi Avci, vice-président du Bureau du Renseignement de la Direction générale de la Sûreté, a fait des révélations importantes sur ce qu'il appelle lui-même "l'organisation extrajudiciaire de l'État". Extraits: "Nous avons réalisé qu'on ne pouvait aller nulle part dans la lutte contre la terreur en restant dans le cadre du Droit. Pour cette raison, nous avons été conduits à créer une organisation hors Droit (extrajudiciaire) en vue de combattre la terreur et de recueillir des renseignements. Nous avons opté pour la règle d'anéantir la terreur par les méthodes des terroristes. Cette décision a été prise aux échelons supérieurs de l'État. Les principaux chefs de cette organisation extrajudiciaire étaient Mehmet Agar (directeur général de la Sûreté) pour la police, Mehmet Eymür pour le Service des renseignements (MIT, dont il dirige le Bureau de contre-terreur), le commandant Ersever pour les services de renseignements et d'action de la gendarmerie (JITEM) et le général Veli Kuçuk pour l'armée. Mehmet Agar était le coordinateur politique de cette organisation jusqu'à sa nomination au poste de ministre de l'Intérieur. Les gens de JITEM ont été les premiers à passer à l'action. De nombreux meurtres "mystérieux" ont été perpétrés dans le Sud-Est, touchant en particulier les gens du DEP (Parti de la démocratie, pro-kurde). J'ai alors demandé à Ersever, du JITEM; "est-ce bien vous qui faites ces choses?" il n'a pas nié. Après le JITEM, le MIT, puis la Sûreté se sont mis à utiliser ces méthodes. Mehmet Agar a formé sa propre équipe. L'un des membres de cette équipe, Korkut Eken, a été chargé de la direction des Ülkücü (Ndt. militants d'extrême droite, dits Loups gris, de l'organisation fascisante du Colonel Turkes) tandis que sa branche policière a été placée sous la direction d'Ibrahim Sahin. Cette organisation a progressivement échappé au contrôle de l'autorité politique. Elle s'est mise à coopérer avec des organisations criminelles illégales. Après avoir combattu le PKK dans le Sud-Est, ces gens ont étendu leurs activités à l'Ouest du pays dans des affaires mafieuses et crapuleuses". Pour illustrer son propos, M. Avci cite le général Kuçuk qui a formé dans la région de Mer Noire "des groupes qui rançonnent les gens" et le baron de la mafia Alaettin Çakici qui a pu, grâce à l'entremise de l'époux de Mme. Çiller, créer une banque avec un homme d'affaires de Bursa (Ndt. Les barons de la mafia, pour blanchir leur argent sale ont recours à la création de leur propre banque, à durée de vie éphémère, généralement dans le nord de Chypre sous occupation turque devenue un véritable paradis du blanchiment de l'argent de la drogue). Il évoque aussi le cas d'un propriétaire de télévision privée de Gazi Antep, Mehmet Ali Yaprak, enlevé d'abord sur ordre de Mehmet Agar par des gens de son équipe, libéré contre le paiement d'une forte rançon (de plusieurs millions de marks) et enlevé ensuite par les hommes du MIT d'Eymur, toujours pour lui faire payer une rançon.

A la question des députés "Pourquoi n'avez-vous pas informé les autorités de ce que vous saviez ?" le responsable policier répond amèrement: "dénoncer qui à qui? Voulez-vous que je dénonce le directeur général de la Sûreté (M. Agar) au directeur général de la Sûreté ?". Confirmant que les gangsters et mafiosi endurcis A. Çakici et A. Çatli travaillaient pour la Sûreté et pour le MIT, A. Avci attribue les développements récents de l'affaire des gangs aux rivalités entre la Sûreté et le MIT et plus particulièrement entre les clans Agar, Eymür et Eken. Ces scandales lui paraissent la partie visible de l'iceberg. "Je ne crois pas que vous arriverez à démêler ces affaires sans remonter au sommet du pouvoir" lance-t-il aux députés pour conclure sa déposition. Ces derniers se gardent de lui poser des questions sur l'identité des gens du "sommet du pouvoir".

Ces révélations qualifiées de "terribles" par le quotidien Hurriyet du 6 février auraient, dans tout autre pays, provoqué une véritable crise politique, voilà donc un chef de police qui reconnaît devant les députés l'existence d'une "organisation extrajudiciaire" créée "sur décision des échelons supérieurs de l'État" impliquée dans plusieurs milliers d'assassinats et des affaires crapuleuses de racket, de rançons, de trafic de drogue dont les chefs et les principaux animateurs nommément désignés ne sont nullement inquiétés, alors que la justice turque veut condamner à la peine capitale deux jeunes Kurdes coupables d'avoir décroché le drapeau turc dans la salle du congrès d'un parti pro-kurde.

Cette "organisation extrajudiciaire" semble posséder une influence considérable au sein des principaux rouages de l'État. Deux journalistes de Milliyet qui ont voulu enquêter sur l'un de ses exécuteurs au Kurdistan, Mahmut Yildirim, dit Yesil (le Vert), accusé de plusieurs dizaines d'assassinats politiques, l'ont appris à leurs dépens. Extraits de leur reportage paru dans le numéro du 31 janvier de ce quotidien: " Nous sommes arrivés vers 16h à Solhan, pays de Yesil, sans révéler à personne l'objet de notre visite. Le maire de la bourgade nous avait promis son hospitalité et le commandant de la gendarmerie local "son aide en cas de difficulté". Après avoir traversé des rues vides, nous arrivons dans le bureau d'un journaliste local. A peine deux minutes plus tard, le téléphone sonne et on nous demande. Une voix que nous ne connaissons pas et parlant un turc parfait nous menace: "Je suis un citoyen. Je sais depuis Istanbul que vous êtes venus dans cette bourgade pour Yesil. Si vous remuez cette affaire, vous finirez mal. Si vous ne quittez pas immédiatement cette bourgade, il vous arrivera des choses terribles. Personne ne pourra vous sauver". Nul ne savait qu'on était des journalistes car nous n'avions pas encore eu l'occasion de discuter avec les gens (..) Le lendemain matin, nous sommes allés à la mairie et à la sous-préfecture. Le maire avait l'air de nous en vouloir avant même de nous avoir rencontrés. Dans la rue, les gens nous étaient hostiles et nous étions constamment suivis par des voitures immatriculées à Ankara. Quelques habitants courageux nous ont appris sous le couvert de l'anonymat, comment les tueurs recrutés par Yesil, d'extraction pauvre, sont devenus des propriétaires de plusieurs Renaults 19 et de stations d'essence. Devant des récits qui donnent le frisson dans le dos, nous sommes allés à la gendarmerie pour connaître sa version. Personne ne voulait nous recevoir. Le lendemain matin, nous étions convoqués à 8h au bureau du maire qui n'avait visiblement pas dormi de la nuit et qui nous a demandé de quitter immédiatement la ville pour éviter le pire. "Vous êtes en grand danger, je ne pourrais pas vous protéger". Stupéfaits, nous avons tout de suite pris la route de Mus. Tout au long de cette route de 56 Km, nous avons été suivis de près par un véhicule gris immatriculée à Ankara. Logés à la maison des instituteurs, nous allions, après quelques heures de repos, sortir pour dîner. Le portier nous fixant des yeux stupéfaits, nous demande: "Qui êtes-vous donc! Pourquoi la police demande à chaque minute de vos nouvelles?"

Confirmant à sa manière les révélations du chef de police Avci, un baron de la mafia turc, Nurettin Güven, exilé à Londres, dénonce dans le quotidien Hurriyet et sur la chaîne de télévision privée Kanal D " La liste rouge des hommes à abattre" par l'organisation spéciale turque, il affirme que son compatriote O. Topal, patron des salles de jeux, a été enlevé par l'équipe de Mehmet Agar, qu'il a payé une rançon de $ 17 millions et qu'il a été malgré cela abattu alors même que Agar était ministre de l'Intérieur, probablement parce que " la rançon a paru insuffisante à ces gens cupides". Il raconte aussi comment, au temps de sa collaboration avec la police, il a pu avoir un passeport de service (réservé en principe aux hauts fonctionnaires de l'État) pour mener à bien ses affaires (de trafic de drogue) alors que la justice française l'avait déjà condamné par contumace à 16 ans de prison pour trafic de stupéfiants.



LES CONFESSIONS DE L'UN DES ASSASSINS DU POÈTE MUSA ANTER


Poète, dramaturge et écrivain humaniste kurde Musa Anter avait été assassiné à l'âge 74 ans le 20 septembre 1992 à Diyarbakir où il se trouvait pour participer à un festival culturel. Sa mort avait suscité une vive émotion en Turquie et les autorités politiques avaient promis d'arrêter rapidement "les auteurs de ce lâche assassinat" tandis que les Kurdes montraient du doigt l'État turc. Finalement, encouragé par le climat de déballage qui se développe depuis l'affaire de Susurluk, un dénommé Murat Ipek, dans des déclarations à plusieurs quotidiens (Radikal, Yeni Yüzyil, Özgür Politika et Demokrasi du 11 février) avoue être l'un de ses assassins. Extraits de ses aveux: "Après avoir essayé vainement pendant toute la soirée du premier jour où nous avions reçu des instructions de l'amener d'obtenir un rendez-vous de Musa Anter, nous sommes revenus à la charge le lendemain avec un mot d'Alaettin Kanat (repenti du PKK employé par les escadrons de la mort de la police). Après un certain temps, Musa Anter a accepté notre demande d'entrevue, il est venu à la réception de son hôtel avec quelqu'un (Orhan Miroglu). A la sortie de l'hôtel, je l'ai fait monter dans une voiture. Nous étions précédés par une voiture à bord de laquelle se trouvait A. Kanat et suivis d'un autre véhicule. A la sortie de Diyarbakir, nous avons bifurqué en direction d'Ergani. Après un certain temps, nous nous sommes arrêtés. A. Kanat est monté dans notre voiture. En le voyant, Musa Anter a compris ce qui se passait car il connaissait Kanat. Il s'est penché la tête et s'est tu. Son compagnon discutait avec nous. Notre voiture s'est engagée dans la route de Silvan. Après un moment, on s'est arrêté. Kanat a pris le bras de Musa Anter. Anter nous a dit alors: "les enfants, vous faites une erreur". Ils étaient devant, nous les suivions. Après avoir marché quelque temps, nous avons reçu le signal. A. Kanat a tiré la première balle dans la tête de Musa Anter. Puis, à notre tour, nous avons tiré. Anter a été tué de 4 balles et Miroglu s'est mis à fuir, nous avons tiré dans sa direction. Les sentinelles d'un camp militaire proche ont tiré en l'air. Pris de panique, nous sommes montés dans notre voiture et nous avons repris la route de Silvan. Nous nous sommes arrêtés devant la Faculté de médecine de l'université Dicle. Après un bref intervalle, des policiers en civil sont venus à bord d'un minibus rouge. Nous sommes montés dans le minibus et les policiers ont pris notre voiture. Puis, nous nous sommes éloignés des lieux. Nous avons au total utilisé trois véhicules pour cette opération. L'un d'eux était volé, les deux autres appartenaient à l'armée. Nos armes étaient fournies par la police".

Affirmant appartenir à un escadron de 22 tueurs dirigé par A. Kanat, qui reçoit lui-même ses ordres de "Yesil" responsable de JITEM et du super-préfet régional, M. Ipek donne les détails suivants sur quelques-unes des opérations auxquelles il a participé: "Après le Newroz (NDLR. Le nouvel an kurde célébré le 21 mars) de 1992 Ünal Erkan (NDLR. Super-préfet régional) était venu à Sirnak. La population était rassemblée dans le stadium. Puis, il a demandé "qui sont les meneurs de ces événements ?". Les policiers ont répondu: Biseng Anik. "Faites-le disparaître" a-t-il ordonné. Et comme je venais d'être recruté, ils ont voulu me mettre à l'épreuve en me confiant cette mission. Le domicile de B. Anik est devant la mosquée. Avec des policiers en civil, nous sommes allés le chercher. Au commissariat, ils l'ont torturé. Ils ont taillé son dos et la plante de ses pieds avec des lames de rasoir. On m'a donné un fusil G3 se trouvant au commissariat et j'ai tué B. Anik avec une seule balle tirée dans sa tête avec ce fusil. Quelques mois plus tard, le 18 août 1992, nous avons exécuté l'avocat A. Rahim Demir et Mehmet Ertak. Le directeur départemental de la Sûreté N. Altintas nous avait dit que le frère aîné de M. Ertak était dans le maquis et qu'il fallait de ce fait le tuer. Nous l'avons embarqué dans un Panzer et l'amené en dehors de la ville près de la mine de charbon où nous l'avons débarqué et tué. Puis, nous l'avons vêtu d'une tenue de guérillero, mis une Kalashnikov entre ses mains et annoncé que nous venions de tuer un terroriste".

M. Ipek affirme que son chef direct A. Kanat vit actuellement dans le secteur résidentiel militaire de Diyarbakir. Il est au service du capitaine de gendarmerie Ersin Becaksiz qui commande aussi à un autre escadron de la mort dirigé par un certain Cemil. C'est cet escadron qui a enlevé le 1er octobre 1996 quatre instituteurs du village Hantepe qu'il a sommairement assassinés ajoute-t-il. Ce quadruple assassinat, survenu le jour même du lancement de la campagne d'Amensty International sur les violations des droits de l'homme en Turquie, avait été attribué par Ankara au PKK qui l'avait aussitôt rejeté. Les organisations turques des droits de l'homme avaient été empêchées par les autorités de mener une enquête indépendante sur cette affaire.



ARRESTATIONS DANS LES MILIEUX D'EXTRÊME DROITE TURQUE AUX PAYS-BAS


Un rapport du "Comité d'investigations d'organisations criminelles d'origines étrangères" publié par le Parlement hollandais, confirme, à son tour, le rôle de "pays transit" joué par la Turquie dans le trafic de drogue international et l'implication des partis politiques turcs dans ce trafic. Le rapport met notamment en cause un groupe de militants du MHP (Parti d'action nationaliste du Colonel Turkes) protégé par le gouvernement turc et impliqué dans le trafic de drogue. Rappelant que ce parti d'extrême droite dispose une implantation substantielle dans la diaspora turque sous le nom d'organisation des "Loups Gris" (nom que se donnent les jeunes militants du MHP), le rapport affirme que les structures politiques du MHP ont pu servir de couverture à la mafia et que les services de renseignements hollandais suivaient tout cela de près depuis les années 70. "Les revenus des entreprises criminelles qui proviennent particulièrement du trafic de drogue dans les années 70 et 80, sont utilisés dans les activités politiques" ajoute le rapport qui met aussi en cause d'autres partis politiques en Turquie: " les groupes mafieux qui étaient impliqués dans le trafic de drogue sont en contact avec tous les partis politiques, en particulier les partis d'extrême droite". D'autres détails accablants sont également mentionnés dans le rapport: "Les gros bonnets du trafic de drogue soutiennent les Loups Gris qui sont actifs dans ce domaine. Par exemple, Oflu et Drej Ali étaient des militants du MHP à Istanbul durant des années. Alaattin Çakici avait sur lui un passeport diplomatique fourni par le gouvernement turc. Celui-ci affirmait toujours qu'il avait une mission qui lui a été confiée par la nation turque. Les Loups Gris ont un nombre important de militants au sein de la jeunesse turque aux Pays-Bas. Ils sont impliqués dans le trafic de drogue, d'armes et d'extorsion de fonds". Après la publication de ce rapport la police néerlandaise a procédé à des rafles dans les milieux nationalistes d'extrême droite turcs, arrêtant 80 personnes. Les Loups Gris fournissent le gros des combattants des Équipes spéciales (Özel Tim) sévissant au Kurdistan; réputées pour leur férocité et leur haine des Kurdes. Leurs militants les plus endurcis (Alaettin Çakici, Abdullah Çatli, Oral Çelik) ont été recrutés par l'ex-ministre turc de l'Intérieur dans "l'organisation extrajudiciaire" chargée de "combattre la terreur par les méthodes terroristes" décrit le chef de police H. Avci et à qui sont imputés plusieurs milliers d'assassinats politiques en Turquie ainsi que des attentats contre les objectifs arméniens et kurdes en Europe. Certains de leurs éléments, agissant à la demande des services spéciaux turcs, ont participé à la tentative du coup d'État contre le président azerbaïdjanais Aliev (considéré par les ultra-nationalistes turcs comme moins pan-turquiste que son prédécesseur Elchibey) ainsi que dans la guerre de Tchétchénie.



EUROCOPTER SIGNE UN CONTRAT DE 430 MILLIONS DE DOLLARS AVEC LA TURQUIE


Un accord de principe sur les grandes lignes de ce projet avait été conclu en juin 1995 entre le président français Chirac et l'ancien Premier ministre turc Tansu Çiller. Après la chute du gouvernement Çiller, les termes de l'accord ont été changés et les deux parties se sont mis d'accord sur une production conjointe en Turquie. C'est sur cette base que le groupe franco-allemand Eurocopter, filiale d'Aérospatiale, a signé jeudi 13 février, à Ankara, un contrat de 430 millions de dollars pour la vente et la coproduction en Turquie de 30 hélicoptères Cougar AS-532 MK1. Cet accord prévoit l'achat direct par la Turquie de deux premiers appareils qui seront livrés en juillet 1999, les 28 autres seront fabriqués conjointement dans les usines de la compagnie Turkish Aerospace Industries (TAI). Cette compagnie assemble également des chasseurs F-16 aux termes d'un accord avec la firme américaine Lockheed Martin. La Turquie s'engage maintenant dans des négociations avec la France pour la coproduction des missiles Exocet.



LA TURQUIE ENVISAGE D'INTERDIRE LES ANTENNES PARABOLIQUES DANS LES PROVINCES KURDES


C'est ce qu'a déclaré, le 11 février, Necati Bilican, le super-préfet des provinces kurdes, lors de sa visite en compagnie du général Altany Tokat la province de Hakkari. "Nous poursuivons nos travaux pour purifier les citoyens de cette région des émissions séparatistes et des programmes destructifs contre l'unité indivisible du pays. Pour empêcher des émissions sales restant en dehors des émissions nationales, les antennes paraboliques peuvent être interdites si nécessaires" a-t-il déclaré. Le Conseil de sécurité nationale avait, lors de sa réunion du 27 janvier, adopté "une recommandation" en ce sens. Depuis, la police demande aux vendeurs d'antennes paraboliques de lui communiquer les noms et adresses des acheteurs de ce matériel.