Emir Kamuran A. Bedir-Khan

 

 

La

lyre

Kurde

 

vers en français d'un

poète kurde

 

Paris

 

1973

LIBRAIRIE SAINT-GERMAIN-DES-PRES


 

INTRODUCTION

On peut nie dire
Bien entendu,
Sans être méchant
Ni malveillant,
Qu'à mes vers
Manque le brillant
Que l'auteur
Ferait aussi bien,
Au lieu d'enfreindre
La prosodie.
D'écrire en kurde ses poésies.

Voici maintenant
Ma confession...
Je vous demande
Un peu pardon...
En écrivant
De temps en temps
Dans la belle langue
Des Français,
Je devenais
Un vrai pécheur
Dans le sillage du verbe français
Je suis plutôt
Une victime

De ma croyance
Très intime ;
Subjugué par sa beauté,
J'écris des vers en français...

J'écris parfois
Mes rêveries
Comme poussent les fleurs
Dans les prairies...
Petites fleurs de rien du tout

Et que l'on trouve
Un peu partout
Ce sont plutôt
Herbes durcies
Que l'on piétine
Sans souci ! ...


 

LE SILENCE...

A mon très cher ami
Bernard Dorin

Silence... silence...
Sur les cimes, dans les vallées,
Sur la neige immaculée,
Dans les parcs, dans les plaines...
Le monde retient son haleine.

Les ruisseaux ne murmurent plus
Comme dans les caves,
Comme dans les vignes
C'est le silence, c'est le silence

Le ciel se tait...
Le vent se tait
Comme si c'était un jour d'été...
C'est le silence, c'est le silence
Mais ceci n'est
Qu'une apparence! ...
Interroge-le !
Est-il muet ?
Ecoute-le bien
Entends-le bien
Il te dira combien je t'aime

Sous ma poitrine mon coeur se tait
De nostalgie et d'espérance...
Dans le bonheur, dans la souffrance
Le mot sublime est le silence,
C'est le silence, c'est le silence,
C'est l'ivresse de l'espérance ! ...

Puis-je espérer ? tu seras mienne ?
C'est un mot vain,
Je le sais bien...
Le désespoir dans l'espérance
C'est le silence, c'est le silence

Mais ceci n'est
Qu'une apparence
Interroge-le !
Est-il muet?
Ecoute-le bien
Entends-le bien
Il te dira combien je t'aime


 

LA SOURCE

Comme le pied
D'un Saint
Qui fait jaillir une fontaine
Au lointain
Dans le désert
Aride, brûlant,
Un mot
Tombe de tes lèvres
Arrache mon âme de la terre
je vois s'ouvrir
La porte d'un monde
Où les âmes se caressent,
Les baisers donnent l'ivresse
Et, soudain
Les lumières s'éteignent
Et l'homme perd son haleine

Ce monde, est-il le tien,
Ephémère et fugitif
Comme une élégie sur les antennes
Qui meurt
Dans le silence noir
D'une nuit d'hiver ? ...


 

RIS

Ris !
Douceur du printemps, parfum des vergers,
Ris !
Que les fleurs s'épanouissent,
Que les astres brillent
Ris !
Que ta belle voix sonore
Chante
Dans l'infinie de ce monde,
Que les souffrances s'éloignent
Que les tristesses s'évanouissent
Et que ce monde devienne
Un bouquet de roses
Ris !... Ris ! ... Ris...!
Le jour et la nuit,
Dans la passion des minuits.
Que ta belle voix sonore
Chante
Dans l'infini de ce monde


 

VIENS

Viens, viens
Donne-moi ta main!...
Allons ensemble, courons ensemble
Vers les bois, vers les vergers
Qui savent si bien vous héberger

De t'allonger sur un tapis
Embaumé et tout fleuri
Tissé de feuilles et de lumières
Et t'endormir par ma prière.

Viens, viens ! ...
Donne-moi ta main
Allons ensemble, courons ensemble
Vers les plaines, vers les vergers
Qui savent si bien vous protéger!...

En dorlotant en adorant
Cet oiseau blanc au bec rose
Qui est enfoui sous ton corsage
Et qui palpite et qui murmure
Comme le feuillage lors d'un orage,.
Et entouré de ma tendresse
Frémit, frissonne sous ma caresse.

Donne-moi! donne-moi!
Donne-moi tes seins veloutés
Et leurs bourgeons révoltés
Frais, parfumés comme une rose...
Que ta sueur les arrose ! ...

Cette dernière goutte de mon vin
N'est qu'un baiser de tes lèvres
Qui me promène, qui me promène
Sur les hauteurs, dans les ravins.

Presser mes lèvres sur tes lèvres,
Enivré et chancelant,
Dans la douceur de cette fièvre
Vivre, aller à l'infini...


 

LA PLUS DOUCE

A Bernard Dorin
cordialement

 

Sans vouloir penser à toi,
Tu es toujours sous mon toit!...
Entre la terre et la mer,
Entre le doux et l'amer
J'ai cherché un peu partout...
Il n'y a rien qui soit plus doux
Que vous ! ...

Quand les fleurs remplissent les champs.
L'hiver s'enfuit en trébuchant
En touchant la boiserie,
En caressant la soierie
J'ai cherché un peu partout...
Il n'y a rien qui soit plus doux
Que vous ! ...

Dans l'infini de ce monde
Où la tristesse nous inonde,
Lors des rêves au fond des nuits
Quand le jour anime le bruit
J'ai cherché un peu partout...
Il n'y a rien qui soit plus doux
Que vous ! ...

Entre le vent, la marée,
Sans perdre haleine, j'ai erré...
Qu'importe richesse et honneur ?...
Où est la route du bonheur ?...
J'ai cherché un peu partout...
Il n'y a rien qui soit plus doux
Que vous ! ...

Sans vouloir penser à toi...
Tu es toujours sous mon toit


 

LA NEIGE DE LA LUMIERERE

Sur la terre noire
Fatiguée de boire
Le sang des nuages,

Martyrs des orages
Entre les troncs des arbres, les feuilles,
Dans ce monde vert
La lumière est blanche comme la neige de l'hiver

Le deuil
D'hier,
Des jours froids est loin
Dans les coins
On voit rire les feuilles du printemps.

Comme un baiser
Donné à une joue lisse,
Le vent doucement caresse le silence;
Murmurant d'amour et de danses.

Mais les oiseaux
Comme dans les lacs les roseaux
Chantent, crient un amour passionné
Qui reste jeune
Malgré les siècles, malgré les années.

Tout d'un coup le ciel est noir,
La lumière s'enfuit,
Comme si elle tombait au fond d'un puits.
La neige blanche pâlit,
Comme le rire d'un visage
Aimé et adoré,
La lumière du soir au bord des rivages.

De nouveau la neige tombe, la neige de la lumière,
Limpide comme une prière,
Des cascades jaillies de la terre.

Une abeille passe et dit doucement
Comme les amants
&laqno; Quand l'amour est profond
Comme une mer muette qui remue ses ondes
Dans l'étendue des bosquets et du ciel,
Je cherche des fleurs pour faire du miel. »


 

L'AGNEAU ET SA MAMAN

Je suis né dans la vallée ;
Dans un tout petit chalet,
C'était plutôt une cabane...
Me réveillaient la voix des faons,
La douce musique du torrent,
Les bruissements des feuilles naissantes,
Le gazouillement de mille oiseaux,
Le petit agneau et sa maman...
Comme il fait bon dans ma cabane!...

Le grand soleil
Dormait encore...
Tout étourdi,
Il faisait nuit
Quand je quittais
Mon petit lit.
Malgré mon âge,
J'étais &laqno; La Garde »
De nos brebis...
L'agneau pleurait en bégayant
Cherchant sans cesse sa chère maman...

Le doux soleil se réveillant
Nous arrosait de poudre dorée..
Je comprenais nos villageois

Qui l'aimaient tant, qui l'adoraient
Dans l'eau limpide de la fontaine
Je voyais son chaud visage,
Où venaient pour s'abreuver
Le petit agneau et sa maman...
Comme il fait bon dans ma cabane

Viens ! toi aussi pour te plonger
Dans ce silence majestueux
En regardant les flots muets
De mon ruisseau
Qui coule, qui coule
Sans dire un mot !
Comme il est bon le petit agneau,
La chère maman!
Il fait si doux dans ma cabane!...

Dans la joie de la lumière
Tout est chanson et couleur,
Tout est amour et douceur,
Tout est frisson et chaleur,
Tout est bonheur, enchantement
Comme il fait bon dans ma cabane

Le sentier qui monte en haut,
Il est long comme mes soupirs,
Il est long comme mes chansons,
Il est long comme la distance
Entre l'agneau et sa maman...
Comme il fait triste dans ma cabane!...


 

LA BRISE

Douce brise,
Baiser suave,
Eventail
De nos soirées
Au bord des mers tropicales

Douce brise,
Vent tendre,
Main agile,
Coeur fragile,
Qui tombe et meurt
Dans son extase...

Viens !
Viens abreuver
Les mains toutes pleines
De pollen,
Les calices assoiffés!...

C'est toi qui m'amène
Le doux parfum de sa chair
Dans un bouquet,
Dans une coupe d'air

Es-tu un diamant ?
Le souffle d'un amant
Sans corps ?
Ou un ange dormant
Qui s'éveille
Aux dernières lueurs du soleil ?

Connais-tu
Les beautés blondes
De ce monde ?....

Leurs parfums amers
Comme l'eau de la mer ?...

Dis-moi
Toi !
As-tu ta loi ?...
Ou n'es-tu
Qu'une vagabonde errante
Comme moi?...

Tu touches à peine les palmiers,
Les dattiers,
Les fruits sucrés
Et, dans les jardins lointains,
Les bananiers
Comme j'effleure
Ses fins cheveux ondulés...

Douce brise...
Par ton baise-, frais
Apaise les angoisses et les tourments
De tous ces coeurs dormants
Sur le sable brûlant

Viens !
Allons réveiller
Les assoupis
Au bord des mers !...


 

LE CHANT DE LA SEMENCE

Au gré des vents je me promène
Dans les vallées, dans les plaines,
Dans les creux de vieux rochers,
Dans les champs bien reposés
Je monte parfois jusqu'au sommet
De hautes collines ensoleillées.
J'escalade de grandes montagnes
Et leurs cimes ensommeillées.
Quand j'aperçois dans les espaces
Un petit lit Bien tendre et chaud,
J'allonge mon corps faible et fragile,
Pour être demain frais et agile,
Comme elle est bonne la bonne terre
Hospitalière
Pour nous les grains
Elle nous chauffe, elle nous nourrit,
Elle nous protège
Contre la furie
De cette nature pourtant clémente,
Mais aussi souvent, souvent
Du mal qu'elle fait, inconsciente.
Epuisé par mon voyage

Je tombe parfois sur les rivages
De longues rivières qui n'ont pas d'âge
Dans la douceur de ces rivages,
Moi- même j'oublie mon jeune âge...
Je suis patient,
J'attends, j'attends
L'arrivée
Du beau printemps...


 

LA SECONDE

Comme les gouttes
D'une pluie torrentielle
Tombent les secondes
Et le fleuve de l'heure monte.
Les jours vagabonds
Envahissent, inondent
Les plateaux des mois et des années.

La flamme terrible de la seconde
Brûla le corps des siècles
La cendre de cet autodafé,
Couvre les pâles pages de l'histoire
Comme une légende et ses fées.

La fumée monte vers le ciel,
Vers le pays des étoiles ;
La porte du soleil s'ouvre après l'orage;
On voit sur la terre sèche les sillons
D'où passa le géant des âges.


 

L'ORPHELINE

Viens, allons ensemble au fond des bois
Où se cachent les débris de la nuit,
Où les feuilles fanées forment un lit
Plus beau que l'alcôve d'un roi.

Nous irons jusqu'au point où la lumière va nous perdre,
Où rien ne peut nous suivre
Pas même l'ombre de nos pas.

Dans cette splendeur noire je veux voir
Tes yeux.

Le bruit sera loin de nous,
Quand j'entendrai dans ta poitrine
La voix douce de ton âme
Cette orpheline
Qui a des cheveux blancs.

 


LA SULTANE

Comme un rayon du soleil dans l'ombre
Dans un palais sombre,
Brille la sultane comme un joyau dans un tiroir.
Un beau visage regarde le miroir.

La sultane est dans son bain...
Un jasmin
Caressé par l'eau chaude
Qui rôde Sur ses seins où le lait
N'a pas encore circulé.

Dans ses yeux profonds, la nostalgie
Des rêves pleins de magie
Blonde, parfumée,
Comme une mer muette qui remue ses ondes
Regarde la vie fuir comme la fumée.

Dans les jardins lointains d'Orient
La lumière tremble comme liquide.
Poussée par des images impatientes.
Telle une bédouine sous sa tente,
La sultane cherche sa destinée dans l'espace vide.

Son âme pleine de mystère
Comme un lit funéraire
Repose
Entourée de feuillages fanés et de roses.
Elle est taciturne :
Une urne remplie des larmes d'une soif inassouvie.
Ses lèvres cherchent des lèvres à baiser.


 

MON PETIT CHAT

Mon petit chat
Miaulait, miaulait
De ton absence
Dans mon chalet...
A-t-il un coeur un petit chat
Qui a perdu son doux ronron ?...
Il m'était doux

Comme une chanson
Le doux ronron
De mon chaton...

Sous les rochers
La tendre neige
A la pâleur de ton visage
Et la pureté de ton image

Te souviens-tu
Des doux moments
Que nous passions dans les alpages ?...

Les roses t'attendent pour s'épanouir
Et le printemps pour revenir ! ...

De ton absence
Dans mon chalet,
Mon petit chat
Miaulait, miaulait
A-t-il un coeur un petit chat
Qui a perdu son doux ronron ?


 

EST-CE L'AMOUR ?

C'est une lumière qui m'éblouit!...
C'est une chaleur qui m'envahit
Est-ce l'amour ?...

J'entends une voix qui m'appelle
Comme un hymne dans une chapelle
Est-ce l'amour ?...

Quand le coeur commence à voir
Ce que l'oeil ne peut pas voir...
Est-ce l'amour ?...

Quand un regard vous retient,
On dirait qu'il vous enchaîne
Est-ce l'amour ?...


 

LE MOT QUI EFFLEURE TES LEVRES

Y a-t-il un mot plus doux
Que celui
Qui effleure tes lèvres
Et tombe dans mon coeur
Comme la lumière d'une étoile
Qui descend et scintille
Au fond d'un lac profond
A l'eau chaude
Lors d'une nuit calme d'été
Comme un baiser
Posé
Par la maman
Sur le front de son enfant ?


 

COMME UNE FEUILLE

Sur le sable fin
La vague s'étend
Comme un éventail
Caressant
Les corps allongés des amants.
Le soleil
Dans son manteau doré
S'en va...
La nuit
Inonde le monde...
La lune
Dans son voile argenté
Cherche des visages aimants
A éclairer...
Dans le silence profond de la nuit
Les corps s'agitent....
Les coeurs inassouvis,
Au fond d'un verre, cherchent la gaieté....
0, ce temps !
Qui n'est jamais
En panne!...
Les minutes passent, les heures s'envolent
Comme des feuilles silencieuses
Qui tombent et meurent...

 


 

LA MAIN QUI DIT ADIEU...

Sois une rose dans un jardin
Ou une horloge qui marque le temps,
Ou le soleil qui est doux
Et qui crée le printemps,
Ou un baiser qui rend heureux
En consolant le malheureux,
Ou un regard affectueux
Dans un moment de détresse,
Ou une ardente mélodie
Qui tombe du sein d'une guitare
Ou une main qui dit adieu
Dans un moment de départ...


 

CARESSE !...

Viens, caresse les roses du thé
Somnolentes sur ma poitrine
Réveille-les ! elles sont fougueuses!
Comme les illets en plein été!...

 


 

ET APRES ?...

Y a-t-il quelque chose de vraiment vrai ?
Réellement quelque chose de mystérieux ?...
Pourtant on vient
Et on s'en va ! ...
Pas de billet de passage
Pour le grand et long voyage !...
Mais on vient et on s'en va
Personne ne demande
Où tu t'en vas

Quand tu pars,
Si tu es riche,
On te fait
De belles prières,
D'infinies cérémonies
Pour alléger ton agonie
Mais on vient et on s'en va
Personne ne demande
Où tu t'en vas ! ...

Si tu es pauvre et sans argent,
Ils te ramassent les pauvres agents
Tu les embêtes, tu les embêtes
Tout désolé
Tu dis : &laqno; Pourquoi

&laqno; Même mon cercueil en mauvais bois ? »
Pas de billet de métro ! ...
Pas de billet de passage
Pour ce grand et long voyage!...
La fosse commune est ton palais
Mais sont fermées toutes les allées

Je viens, je pars, mais pourquoi ?
Suis-je moins qu'un vers à soie ? ...
Et de grands mots,
Et de grands mots
Que de mystère, que de mystère
Peuvent-ils savoir
Vraiment quelque chose
Ceux qui habitent
Les monastères ?...

Ces imams, prêtres et pasteurs
On le dirait,
Sont des farceurs,
Des imposteurs ! ...
Savent-ils quelque chose de l'au-delà,
Tous ces imams, tous ces prélats ? ...
A quoi sert leur apanage ?...
Ils considèrent le Bon Dieu
Comme un service de dépannage

 


 

LE CREPUSCULE

Dans ce calme rosé,
Dans ce vert bleuté
Les étincelles s'envoient
Comme des messagères
Annonçant le matin.

Le matin ressemble
A un morceau
De brillant satin...
C'est le matin...

La flamme monte de l'âtre...
Au loin s'entend
La voix du pâtre...
Le reste de la nuit
S'évanouit...
Le monde prie Dieu...

Dans une petite cabane
Un enfant pleure et gémit...
On entend sa voix
Qui murmure et qui dit
&laqno; Ma mie... ma mie
&laqno; Je souffre, je souffre...

&laqno; Oh ! ce terrible souffle ...
&laqno; Où sont les Anges qui guérissent ?
&laqno; Et tous les Saints et tous les Saints ?
&laqno; Et les prières, et les prières ?...

La douce voix de cet enfant
Me brise le coeur...

La maman pleure, l'enfant pleure...
La mère sanglote dans la terreur...
Le pauvre enfant a tellement peur...

Où sont les Anges qui guérissent ?
Et tous les Saints et tous les Saints ?
Et les prières et les prières ?...


 

LA HAUT

Très haut
Dans les cieux où le Père trône,
On entend de la terre
Le chat qui ronronne.
Le rêve
Où Adam et Eve
Unirent leurs lèvres...
Et la douceur de ce baiser
Empoisonna le monde ...
Viens entre mes bras ! ...
Que l'heure meurt !...

Devant la cheminée
Un petit minet
Toutes ses haines,
Ses amours, ses envies
Qui empoisonnent la vie


DANSE, DANSE !

Oh ! comme j'ai le cafard !...
Viens, mon amour !
Danse, danse !
Recule, recule! Avance, avance !
A la lisière de ce bois,
En frôlant les fines branches
Danse, danse !
Que je vois tes jolies hanches !...

Etre blotti
Dans tes bras,
Se reposer
Sur ta poitrine
En caressant tes joailleries,
Fruits parfumés, fermes et pleins !...
Presse-moi, presse-moi
Contre tes seins !...
Danse, danse ! ...
Recule, recule! Avance, avance!
A la lisière de ce bois,
En frôlant les tendres branches !...
Danse, danse !
Que je vois tes jolies hanches !...

Oh ! bouteille non débouchée
Qui nie donne déjà l'ivresse !...
Enchaîné par le secret
De ton charme inexpliqué,
Je te prie et je t'implore !...
Ne cesse pas
Tes gestes gracieux
Le petit mouvement délicieux
De ton corps si capricieux ! ...
Danse, danse !
A la lisière de ce bois,
En frôlant les tendres branches
Danse, danse !
Que je vois tes jolies hanches

Un oreiller est mon amour
Mets là-dessus ta chère tête !...
Il est doux et reposant !...
Il est chaud et caressant
Cet oreiller de mon amour!...
Entends-tu
Ce cri terrible ?...
Cette alarme irrésistible
Qui vient du fond de nos entrailles ?...
Ces sanglots entrecoupés,
C'est mon ardente nostalgie!
C'est une plaintive élégie
Je te prie et je t'implore
Ne cesse pas tes beaux mouvements!...

Recule, recule! Avance, avance!
A la lisière de ce bois,
En frôlant les fines branches
Danse, danse !...
Que je vois tes jolies hanches


 

LE NOMADE

Nomade sans place,
Me consolent les parcours.
Je promène mon ennui
Sur les boulevards d'amour.
Les verres changent,
Même douceur, même liqueur,
La joie sur mes lèvres,
La meurtrissure au coeur.
A la fontaine de la vie,
Dans l'espoir et le doute.
Les souffrances par jets
Et les plaisirs par gouttes.
Elle, toi ou une autre,
Toujours la même chose.
Les jardins sont pleins
De giroflées, de roses,
Mais alors pourquoi,
Pour qui je pleure ?
Question sans réponse,
Raison je la douceur.


 

PARLE-MOI

Parle-moi comme parle le mystère
Dans l'immense jardin du monde,
Comme la brume sur les bruyères,
La mer par ses ondes,
La forêt dans le vent,
Dans son rêve le savant,
Dans le rire la fête,
Par son amour le poète,
La cascade sur les rochers,
Par ses rides le débauché,
Comme la fleur par son parfum,
Par sa mémoire le défunt,
Les nuages dans le ciel,
L'abeille par son miel.

Parle-moi
Toi
Qui connaît l'art de parler dans le vide de ton absence
La cadence
De ta voix charmeuse - rempli mon âme
Ni cri, ni blâme
Les semaines passent et les années.
Tu es muette comme un temple suranné.

 


 

J'OUBLIE TOUT

Comme les bédouins,
Brûlés par la soif, tiennent
Une source de Sahara, et
L'ombre d'un palmier
Caresse les blessures des sables
Par des rêves inlassables,
Je te tiens entre mes bras.
Ton corps tremble, ta voix soupire
Voulait-elle dire: &laqno; Quitte-moi ? »
Mais toi,
Tes lèvres sur mes lèvres,
Ciselant l'âme par ta muse divine
Comme un orfèvre
Qui sent, qui devine
Le secret de l'or, du brillant
Riant, étincelant
Jouant de tout ce qu'il entoure,
Gardé comme une tour,
Rêve dans sa lumière et couronne la beauté
Le luxe des royautés.
Soudain,
Comme l'ombre d'un ravin,
Je t'entends dire :

&laqno; Mourir ».
Comme la chute d'une chose sur un métal,
L'écho de mon coeur palpite,
S'irrite
De cet amour incertain
Comme l'aube sous les nuages du matin.
De ce pays dont tu es la reine,
De ton haleine
Chaude et brûlante,
De ta voix lente
Qui chante,
De ton corps qui tremble sous mon étreinte
J'ai peur
Sans pouvoir m'écarter de ta douceur.
Et tes yeux
Mystérieux
Se perdent dans mes yeux
Comme les astres le jour au fond des cieux.
C'est un rêve, un rêve doux,
Je pense à toi et j'oublie tout.
Tu es loin, bien loin de moi
Les heures passent, lentes comme les mois,
Mes bras vides,
Mon visage livide.
Je ferme mes yeux pour te voir.
C'est le calme, la tristesse, c'est le soir.
Je suis solitaire
Sans être l'homme qui, fuyant la souffrance
Veut vivre sur la terre.


 

JE DIS AU GUITARISTE

Frappe sur les cordes,
Tu vois, la nuit s'avance.
Remue tes doigts
Que l'aurore des sons commence.

Regarde la rose,
De gaîté s'épanouit,
Jette-nous les astres et la lune,
C'est la nuit.

Mélodies joyeuses,
Tombeau des douleurs,
Suicide des sons
Et cercueil de couleurs.

Vivifie le serpent en remuant les cordes
Laisse te ravager la gaîté et sa horde.

Mélodie douce dessinée sur le ventre,
Monde de l'ivresse sans limite ni centre.

C'est le chant de la vie et l'instant de moisson,
Oh, mon coeur nomade, apporte-moi la boisson.

Fille des vignes, blonde et caressante,
Tendresse humaine obscure et ravissante.

Sang du soleil, divine consolation dernière,
Rythme de la cadence et jus de la prière.

Donne-moi tes lèvres de vin rose ou de sang
Le monde est J'auberge, nous sommes les passants

Vivifie la peau de ta guitare amère,
En y mettant ton coeur, ton espoir et ta chair.

Laisse le bois parler, laisse la peau gémir,
Laisse le deuil jaune dans l'amour s'épanouir.

Fontaine des sanglots, oh flèche venimeuse
Ensorcelant l'âme, émouvant la danseuse.

Guitare de l'amour, triste et sanglant débris,
Peau de la bête qui revit dans son cri.

Flûte de tristesse, mélodie fuyante,
Table de festin dressée sous une tente,

Luxe d'étourderie, agonie camouflée,
Réfugié mesquin sous les ombres des palais.

Reste là pour voir les miracles des vents..
Aux pieds du désir, pleurant comme un enfant.

 


 

ETERNEL

Souvent on nie blâme
De n'être qu'une flamme,
Qu'un éclair du ciel
Un vol de nuage,
Un rayon de soleil qui luit,
Qui passe, qui s'enfuit,
Dans une forêt obscure
Comme un cri de joie
Au fond des bois.

Oui
Je suis l'amant d'un instant,
Tel,
Un moment
Me suffit pour vivre et pour être immortel.
Et quand je me regarde,
Souvent
Je me dis : &laqno; Comment
Tu peux être l'amant
D'une femme
Qui conçoit l'éternité
Par le nombre des mois et la masse des années ? »


 

ILLUSION

Les étoiles ajoutent leurs gouttes
Au courant de la lumière,
Sous les ondes de la lune
Est un miroir, la bruyère.

Dans le fond des lacs obscurs,
Brille l'auréole comme une bague
Les eaux caressent des forêts sombres
Et les bercent dans leurs vagues.

La nuit avec ses mains aveugles
Couvre le regard de lueurs
L'espace devient mesurable
Entre ces cloisons de couleurs.

 


 

UN INSTANT

Les maisons dorment
De leur doux sommeil...
Comme le vent,
Le papillon et l'abeille,
Dans l'espace vide
La lune marche,
Se mouillant dans les lacs,
Se séchant sur les collines,
Comme une femme belle,
Sur son dos un manteau d'hermine.

C'est une nuit de fête
Au bord des rivières...
Les roseaux chantent
Et répètent des prières...
Remplies par ces rythmes
Les vague courent le rivage...
De loin
Les loups envoient leur cri sauvage
Et, l'haleine du monde
Ressemble à la brise.

Soudain sur les montagnes
Qu'un lac inonde,
Un déluge de couleurs
Envahit le monde...
Une nouvelle journée,
Un nouveau cri de coq,
Comme une poussière dorée
La lumière s'envole.
Regardant la soirée,
Ma chatte somnole...


 

LE BERGER

Il est jeune, tout jeune, il est plein d'espoir.
Son visage est clair comme l'étoile du soir.
Ses longs cheveux noirs sont les amis du vent.
Il passe les plateaux en riant et rêvant.
Il sait le mystère, la beauté du silence.
Il aime les poèmes et adore la danse.
Il est grand, il est beau, il a l'air farouche.
Il vous fixe et vous parle sans remuer la bouche.
Ses moutons sont si beaux et son chien si fidèle
Qu'il ressemble aux maîtres des grandes citadelles.
On le voit quelquefois pleurant sur sa flûte.
Il aime la vie, les risques et les luttes.
Il admire le rouge, le j'aune, le vermeil,
Et dans les eaux du lac, le coucher du soleil.
Il est taciturne, se perd à l'horizon,
Ses pas sont conduits par le jeu des saisons.

 


 

LE DESERT

Il fait chaud.
Des gazelles boivent l'eau
Dans les lacs profonds
Comme le fond
De leurs yeux.
Des nuages courent dans tes cieux.

Tout est tranquille !...
La nature dort..
La nuit est brune, le visage d'un maure
Le vent est calme, les arbres pensent
Caressant le silence.
Tout d'un coup on entend un cri
Quelqu'un qui rit,
Quelqu'un qui court, qui chante
D'une voix néfaste et méchante
C'est faux, c'est un cauchemar
Qui sort d'un bar voisin,
Hanté par l'esprit du raisin.

Un monde de poussière s'évapore
Dans les espaces sans bornes...
La terre reste inerte comme la peur
Et les étoiles s'éveillent
L'âme veille...

Comme des ciseaux aigus, les vents déchirent les cieux !
La grêle brise les fleurs
Et le poison débordant les yeux
Tombent des larmes.

Sans pouvoir dire : &laqno; je m'en vais ».
L'homme reste appuyé au tombeau
Sans flambeau,
Devant les amas des rêves inachevés.


 

LA CARAVANE

La caravane passe
Entourée d'une cadence,
D'un silence,
D'un rythme sans écho.
Cherchant des sources des coteaux
Comme sur les mers, sans routes, les bateaux.
Sur la page blanche du désert
Où la lumière fond comme le plomb sur la flamme,
Les gazelles regardent de leurs yeux de femme.
La caravane passe
Liant les pays et les races,
Laissant sous leurs pas
Des mesures égales.
Le soleil est blanc, un morceau de cristal
Escortée par des ombres vives et berçantes,
Pensant à la nuit aux fraîcheurs caressantes
La vie a le rythme du pas des chameaux.
Tel un ciel hivernal par ses astres, les hameaux.
Des visages maigres et des regards sombres,
Leurs nuits sont longues et leur fatigue brève,
Cultivant la lumière et récoltant l'ombre.
Ils consolent leur espoir sur l'oreiller du rêve.


 

TEMPETE

Tempête, ouragan et les cieux s'ouvrent,
Feins de cris de nos détresses amères,
Comme le coeur triste d'une douloureuse mère,
Pour nous consoler, les ténèbres nous recouvrent.

On entend les plaintes d'une blessure de chair,
Les tonnerres grondent sur leurs lèvres, des éclairs,

Les vagues courent, montées sur des roues.
Le vent est néfaste comme le cri d'un hibou.
Les vagues mordent les rochers, brisant leurs dents,
La grève suce cette bouche pleine de sang.

Le vent se tait, le calme revient et la brise
Caresse la mer qui a fini sa crise.

La lumière et la lune,
Comme une fille brune,
Dorment dans le berceau de la mer.


 

REGARD DE LA LUNE

Regarde-moi sans rien dire!
C'est ainsi que regarde ma brune
Le soleil et la lune.

Comme la rose a son parfum
As-tu un mot doux pour moi,
Pour me couronner de joie ?

Tu sais que tu es belle
Mais pourtant je veux te le dire
Si ce n'est que pour te faire rire.

Regarde-moi sans rien dire!
C'est ainsi que regarde ma brune
Le soleil et la lune.


 

L'ENFANT REBELLE

 

Tendre enfant rebelle,
La vie t'adoucit.
Donne-moi la joie
De ton coeur sans souci
Pourquoi ne pas être
Le dieu d'un prophète,
L'harmonie des lyres,
La muse des poètes,
Rajeunissant les êtres,
Créant des artistes
La parole divine
Qui console les tristes.

Même si c'est un désastre,
Je veux te voir
Comme les athées antiques qui adorent les astres.
Tes larmes brûlant sur tes doigts adorés ;
Le frisson de ton corps sous tes cheveux dorés.
Comme un aveugle qui veut voir la lumière,
Comme un moribond sa dernière prière,
Comme l'arbuste attend une seule goutte d'eau
Pour ne pas mourir sans être un jour beau ;
Je veux devenir un caprice ; une idée, un plaisir,
Pour être devant toi la chose qu'on désire.


 

AU LIEU D'ETRE MA BRUNE

 

Au lieu d'être ma brune,
Si tu étais la lune
Dans le ciel ;
Dans l'espace froid et vide
Entre les larmes et les rides
Des nuages,
Des orages
Ecoutant les cris sauvages
Des fauves
En te baignant dans les lacs mauves
Ou une fleur
Qui sert à faire du miel,
Ou un bouquet,
Ou l'ornement d'un bosquet
Ou une larme transformée en couronne,
Ou la vie d'un vase dans un boudoir monotone
Où on répète toujours le mot d'amour
Entre des caresses pâles.
Non ! n'est-ce pas.
Pas à pas,
Tu deviens sage
Les années passent et les orages
Et les désirs avides.
Soit la mienne, ma brune
Dans les espaces vides
S'enfuit la lune.


 

A MOI

Elle est à toi la sagesse.
Aux croyants la paresse
Et les chimères d'or.
Aux avares l'or,
Aux fleurs le printemps,
A l'automne les ravages,
Pour les vents les orages,
Aux champs le soleil,
La douceur à l'abeille,
A la mer les désastres,
Au ciel les astres,
A la nuit la lune...
Soit la mienne ma brune


 

VERS L'INFINI

La seconde est un géant
En allant vers le néant
Elle écrase tous les vivants
Sous ses pas impétueux ! ...
A quoi bon implorer Dieu ?...

 


 

QUI ES-TU ?...

Es-tu vraiment
La seule rose
Dans le jardin
De ce monde ?...
Es-tu vraiment
La seule onde
De cet immense océan ?...
Es- tu la seule
Belle étoile
Dans l'infini du firmament ?...
Ou les seules
Deux lèvres ardentes
Auxquelles aspire
Un coeur d'amant ?...
Ou plutôt
Un fruit suave
Plein de jus,
De volupté,
Qui a peuplé le monde de rêves
Depuis l'amour d'Adam et d'Eve ?


 

LE BON DIEU ET LE DIABLE

Le bon Dieu,
Comme on dit,
Dans
Sa sagesse insondable
Trouva quelque chose d'inimitable,
(Je dirais même d'abominable),
Toucha la terre
Et tout d'un coup
Trembla un morceau de boue !
De cette terre
Maudite, vulgaire,
- Qu'on ne considérait guère
Voici sorti
Le bon Adam...
Il était là
Avec une femme
La femme disait &laqno; C'est moi Eve »
Je me disais : &laqno; C'est un rêve,
&laqno; C'est une blague, une rêverie »
Mais je vois...
Qu'est-ce que je vois ?
Adam qui rit...
Il rit un peu
Comme une bête
En faisant des pirouettes.
J'écarquille mes deux yeux
En regardant le bon Dieu.

Le bon Dieu,
Imperturbable.
Avec une voix douce et aimable
Me dit : &laqno; Mon petit,
&laqno; Mon petit diable,
&laqno; Mon bon, soumis serviteur!...
&laqno; Voici l'oeuvre
&laqno; Digne de Son Auteur ! »
D'un auteur comme le bon
Dieu
Qui trône là-haut dans les cieux ?
En regardant
Le bon Adam,
Je me disais : &laqno; Mauvais présage
&laqno; Nous allons voir le dosage »
Présage, dosage et la suite,
Avec ce nouvel acolyte
C'est que, j'étais cuit!...

Le bon Dieu,
Sans hésiter,
M'ordonne de me prosterner
Devant le morceau de boue
Qui était maintenant debout!...

J'ai répondu :
&laqno; Mon Seigneur,
&laqno; Tu me créas de la lumière...
&laqno; Mais celui-ci,
&laqno; Tu l'as créé de la terre... »

Me voici de haut en bas
Dans un terrible embarras
Quand le bon Dieu constata
Que je n'étais pas en état
D'obéir à ses désirs,
Il appela tous les Anges
En leur donnant le même ordre.
Etonné et ébahi,
En me sentant presque trahi,
J'ai vu,
Oui, j'ai vu
Tous le choeur des Anges,
Aux anges,
Se prosterner devant Adam
Me voici minoritaire
Devenu contestataire
Une question de hiérarchie
Créa une vive anarchie...
Et le bon Dieu,
Qui aime la paix,
Etait tout près de me dire
&laqno; Au diable !...
&laqno; Fiche-moi la paix

Je cherche par-ci,
Je cherche par-là
Pour trouver une solution,
Une rémission à mes péchés,

Obtenir l'absolution
Et suggérer l'abolition
De cette affreuse corruption...
Ce que je n'aime pas surtout,
Sans réagir, être battu ! ...

Je me dis : &laqno; Attends, mon petit
&laqno; Les sages
&laqno; Mangent à froid
&laqno; Le mets de la vengeance! »...

Le bon Dieu, très occupé,
Faisait semblant d'oublier
Cette querelle de hiérarchie
Qui créait de l'anarchie...

Je me disais :
&laqno; Que se passe-t-il ?
&laqno; Ma révolte, mon incartade,
&laqno; Les considère-t-Il comme une boutade ?»

Mais, connaissant le bon Dieu,
Le rigoureux Maître des cieux,
Je devenais, petit à petit,
Un bon ami
Du jeune Adam!...

Il est vrai
Que dans les cieux,

Sérénité, tranquillité
Sont les fleurs qui poussent le mieux !...

Mais,
Voici qu'Adam et Eve,
Tous les deux en plein délire,
S'ennuyaient à en mourir ....

Le Royaume Céleste
Est bien beau !...
Un petit vent caressant,
Des horizons éblouissants,
Des beautés
Décorent et peuplent le jardin
Nommé : Jardin d'Eden.
Ce qui manque,
C'est la chaleur
Dans ce jardin de splendeur !...
Flattés tous deux par le diable,
Eve aspire à devenir reine;
Quant à Adam,
Un chevalier,
Un cavalier tout fervent...
Mais, il y a le paravent!...

Et, quand enfin,
Le bon diable
Leur procure une jolie pomme,
Le seul fruit de ces lieux,

Comme un regard lumineux
Qui a vraiment de la Saveur,
Le diable dit : &laqno; C'est le sauveur! »
Et leur donne la petite pomme
Parfumée et colorée,
Douce, suave
Comme un baiser
Qui dilate les petites narines
Quand on embrasse
Une belle poitrine !
Ils mordent, tous deux, à pleines dents,
A casser leurs jolies dents
Tout à coup,
La bonne chaleur
Parcourt leurs corps en douceur!
Leur coeur palpite, leurs corps tremblent
Par des secousses Si aimables ....
Le diable voit
L'inimaginable
Qui dépasse tous ses souhaits,
Tel un gourmand affamé ....

Quand le bon Dieu
Voit ceci,
Dans une colère sans merci,
Il appelle le diable et lui dit
&laqno; Va au diable,
&laqno; Toi et eux !
&laqno; Vous êtes maudits!

&laqno; Sortez tous
&laqno; Du Paradis ... »
Ça a l'air d'une parodie,
Mais c'est ainsi,
Pour une pomme,
Femmes et hommes,
Tous perdirent
Le Paradis...

Ils trouvèrent
Sur cette terre ronde
Et les îles et les vastes mers,
Et la chaleur de leur coeur,
Les malheurs et les bonheurs !...

L'homme qui doit
Au petit diable
Toutes les douceurs de la vie
Qui enchantent et le ravissent,
Pensa au petit diable...
L'homme pensa à son destin,
A la fin de ce festin,
Après une vie si facile,
A un voyage bien difficile,
Entouré
De grands ténèbres,
A tous ces hymnes,
Aux chants funèbres,

En plein doute et en terreur
L'homme se dit :
&laqno; Notre Bon Dieu
&laqno; Est-Il vraiment miséricordieux ?...
&laqno; Est-Il vraiment un père clément
&laqno; Qui pardonne
&laqno; Et Qui absout
&laqno; Les pécheurs et les amants ?... »
Mais alors ? »
Se dit l'homme,
&laqno; Je vois une grande équivoque !...
&laqno; Comment puis-je m'expliquer
&laqno; Cette énorme iniquité ?
&laqno; Pour un péché commis
&laqno; Il y a déjà
&laqno;Des millénaires, des millénaires,
&laqno; Ce pauvre diable
&laqno; Va en enfer !...

Quant au Bon Dieu,
Très soucieux,
Il Se dit :
&laqno; Ils sont partis !...
&laqno; Ils n'étaient que trois !...
&laqno; Je n'ai pas pu les mettre
&laqno; Sur le chemin droit !...
&laqno; Demain ils seront
&laqno;Des milliers et des millions,
&laqno; Comme les petits papillons


&laqno; Volant par-ci,
&laqno; Volant par-là,
&laqno; Ne pensant plus
&laqno; A l'au-delà,
&laqno; Ignorant les abbayes...

&laqno; Pourtant...
&laqno; Tout m'obéit...
&laqno; Le printemps, en suit l'été
&laqno; Plein de fruits et de gaieté ;
&laqno; Sans nullement être entêté
&laqno; L'automne revient,
&laqno; L'hiver est là,
&laqno; Mais fait en sorte
&laqno; Qu'on ferme les portes.

&laqno; Moi Qui suis
&laqno; Le Tout Puissant,
&laqno; Quand Je mets en marche
&laqno; Les vents,
&laqno; Les mers se mettent
&laqno; En mouvement ....
&laqno; ...Mais ces trois ?... »


 

LE PIED DE DIEU

Je marche vers les hauteurs
Où les rochers
Vous appellent,
Où le pied de Dieu se pose,
Où les âmes se reposent.
Pour ne pas pleurer,
Je souris
Comme au pied de la Croix,
Marie.


 

EN AVION

Dans les airs,
Dans les nuages,
Sans détour et sans virage,
Comme paroles
Du Bon Dieu,
Tout près de Lui dans les cieux,
Etre loin
Des hypocrites,
Ne pas chercher le froid des cryptes !...
Suivre le mot
Qui reste vierge
Dans les prières de la Vierge!...


 

LA POMME VERTE

Regarde, regarde
Ces grappes dorées
Elles sont bouillantes,
Elles sont alertes
Tant de soleil,
Tant de chaleur...
Tu restes crue
Comme une pomme verte


LE CARILLON

Courons, courons
Dans les prairies,
Dans ce printemps déjà fleuri
Entre les arbres et les rochers
En regardant
Le haut clocher
Le carillon
Priant les cieux,
Chant immense
Qui cherche Dieu...
Ouvrant la voie vers l'Eternel,
Ce chant sacré est immortel ! ...

 


 

TOUJOURS EN ETE

Pas dans ces grandes prairies
Où rien ne rit,
Viens dans mes bras,
Ma chérie,
Comme en un coin de cheminée
Quand on frissonne
Et qu'il fait froid,
Pour sentir la douce chaleur
Ecoute palpiter mon coeur.

Regarde au fond
De mes yeux !
Là, tu trouveras ton image,
Un tendre et doux éclairage,
Dans l'accalmie ou dans l'orage
Tu trouveras ta chère image.

Dans un jour
De plein été je t'ai connue et aimée...
Tu vois, malgré
Mon grand âge,
Nous vivons toujours en été...
Ont passé tant et tant d'années...

Pas d'automne et pas d'hiver.
Malgré ces multiples années
Nous sommes toujours en été
Jusqu'au moment
Où tes doigts
Fermeront mes yeux ravis
De te sentir
Auprès de moi...

Si je meurs
Tout près de toi,
Si je meurs dans les lointains,
Soit une nuit,
Soit un matin,
Le dernier mot
De mes lèvres
Sera ton nom que je chéris,
Et que j'aime comme ma patrie.

Peut-il décrire
Un pieux,
Son grand amour
Pour Dieu ?...


 

CES PETITS ECHOS

Les échos de tes pas
Quand tu t'en vas,
Et surtout, quand tu reviens,
Me font
Un si grand bien

Quand les pas
D'un être aimé
Résonnent doucement
Sur le parquet,
Vous diriez que ce n'est rien
Et bien,
Ce rien,
C'est le bonheur qui vous revient

O ces pas si doux, si doux,
Qui viennent, qui vont dans le foyer
Où deux êtres,
Deux êtres qui s'aiment
Ne cessent
De se dire
&laqno; Je t'aime »

Ils s'embrassent et s'enlacent
Et ainsi ils se délassent ! ...
Vous diriez que ce n'est rien
Et bien,
Ce rien
C'est le bonheur
Qui vous revient


 

LE MORCEAU DE BOIS

Je suis un morceau de bois
Ma poitrine
Est pleine de flammes!
J'attends, j'attends
Tes baisers
Afin que ce bois s'enflamme ...
Pourquoi me mettre
Sur la braise ?
Ton baiser me mettra à l'aise ...
Sans fumer,
Sans me noircir
Ma flamme saura te ravir...
Je te donnerai
Ma chaleur,
Ma lumière et mon éclat...
Mais dis-moi pourquoi, pourquoi
Je dois rester
Un tronc de bois ? ...
Caresse-moi
Un seul instant,
J'embraserai le firmament !...
Je serai la plus belle flamme
Pouvant jaillir d'un coeur d'amant !
Me donner
Un petit baiser
Est-ce tellement malaisé ?

 


 

CHANTE !

Chante, ma belle, chante !...
Que le monde s'éveille,
Que le printemps arrive,
Et que les champs de fleurs s'inondent
Que le soleil
Soit caressant
Et que la tiédeur du vent
Apporte la joie dans nos coeurs !
Soyons heureux
Sans compter l'heure !...
Chante, ma belle, chante !...


 

LA FLEUR DU KURDISTAN

C'est une fleur de mon pays...
Je l'aime,
Elle me ravit !...
Angoissée
Ou attristée,
C'est la lueur de ma vie!...
Est-elle belle ?
Ou bien gracieuse ?...
Qui sait ?
Qui sait ?
Moi, je l'ignore.
Elle est parfois bien affligée ;
Les larmes perlent dans ses yeux...
Et je crois
Qu'elle est un ange
Quand elle regarde vers les cieux...
Elle est la fleur,
De nos jardins,
Embaumée et colorée ;
Plein de pudeur est son regard
Tantôt violet et tantôt noir...
Elle est menue, mais son allure
Est royale ou impériale !...
Ses cheveux noirs
Lui font couronne !...


 

L'ARBRE QUI PLEURE

Sont-elles des laitues,
Ces feuilles fanées
Qui tombent, tombent de ce grand arbre ?
Ne pleure pas,
Mon joli arbre !...
Ne crois pas aux choses macabres !...
Tu n'es pas
Un être humain !...
Le doux printemps te reviendra !...
Il saura te réveiller
Et de nouveau te rhabiller !...
Ne t'affole pas, mon petit arbre !...
Ce vent qui souffle est une berceuse !...
Bientôt, bientôt
Le doux printemps
Effacera le mauvais temps,
Te réservant un bon accueil !...
Te donnera de Jolies feuilles,
De belles feuilles bien colorées
Reviendront auréoler
Tout ton corps et toutes tes branches !...
Ils seront loin
Les grands tourments !...
Et ton chanteur
Refera son nid !...
Tous les matins,
Quelquefois, la nuit
Tu entendras les gazouillements
De ses petits,
Du gai ruisseau
Et les soupirs des amoureux !...


 

LA PETITE ONDE

 

Va ! si tu veux,
Au bout du monde !...
Tu ne seras qu'une petite onde
Qui reviendra sur mes rivages !...
Je suis la terre !...
Et l'océan
N'est qu'un furieux qui m'éclabousse !...
Puis,
Il s'endort dans le néant !...
Le vent furieux et ses clameurs
Devant mes pieds
Perdent vigueur.
Quand j'arrête
Le vol des heures,
La furie de grandes bourrasques
Dont le ciel est comme le casque,
S'évanouit à mes pieds !...
Elle se rend
Les mains liées !...
Voici la vague qui t'emporte !...
Crois-tu aller vers l'infini ?...
A son retour
La vague te rejette
Sur la grève de mes souffrances !...


 

COMME UN ENFANT

Au fond des bois et des forêts
Je cherche la nuit
Qui console ! ...
Suis-je une bête
Blessée à mort ?...
Dans le silence
Mourir en paix
Comme si j'étais un condamné !...
Loin des villes
Et loin du bruit,
Loin des arbres qui donnent des fruits !...
Me plonger
Dans le néant,
Erre écrasé par un géant,
Qu'il soit la mort,
Qu'il soit le temps,
Et dormir comme un enfant !...


 

LE ZEPHYR

Si j'étais
Un zéphyr
Allant toujours s'avançant
Pour caresser
Les joues fraîches
Plus colorées que des pêches...
Murmurer
A leur oreille
Une mélodie qui éveille
Le doux printemps
De leur âge,
Encore plus beau qu'un mirage !
En entrant
Dans les corsages
Des jeunes filles qui ont l'air sage,
Pas brusquement,
Tel un sauvage !...
Comme la brise sur le rivage.
Atteindre leur coeur
A peine éclos !...
Les sortir de leur enclos
Vers la lumière !...
De l'avenir,
Vers les bonheurs à venir !...
Quand le soleil,
Qui a vieilli,
Chauffera leurs corps
Inconsciemment,
Je serai là, j'apporterai
Ma douce fraîcheur
Incessamment !...
Je mettrai sur leurs chaudes lèvres
Une voix câline et caressante !...
Je serai la poésie,
Poème pour elles inédit !...
Lors de leur joyeux mariage
Leur voile de vierge
Recevra Le bruissement
De mes baisers !...
Si j'étais
Le zéphyr
J'aurais couru pour caresser
Et le père et la maman
Et leur cher
Premier enfant !...


 

LA PLAINTE DE LA PLANTE

Je veux sortir
De cette serre
Je sens durcir mes artères ! ...
Je veux aller
Dans une prairie
Où les fleurs vivent,
Jouent et rient ! ...
Je veux courir dans les champs,
Dans les jungles,
Dans les savanes,
Comme ces vents qui marchent, qui soufflent
Et que l'éventail du Bon Dieu
Fait circuler en tous lieux ! ...


 

LE REVE

Le vieux rêve, le rêve antique, le rêve de toi et de moi,
Le rêve de tout ce qui vit et qui respire,
Le rêve tout frais au seuil de la vie,
Le rêve qui enchante et qui ravit,
Le rêve qui embellit
Les malheureux, les taris,
Le rêve qui créa des empires,
Le seul rêve immortel.

Viens, rêvons ensemble ma belle,
Sur les collines, sur les sables
D'une mer qui chante a l'eau douce,
Toi mettant ton amour à mon coeur,
Laissant au vent ta chevelure rousse,
Tes lèvres sur mes lèvres,
Moi je serai l'orfèvre
De ce métal divin.

Ainsi, nous allons rêver jusqu'au soir de la vie,
Résistant à l'orage, méprisant les naufrages,
Tous nos ennemis, jusqu'à l'âge...
La vieillesse viendra comme un dernier printemps
Le jour où va s'arrêter le coeur de notre temps.
Ainsi, riant, nous irons loin,
Très loin, glissant comme la lumière du soir,
Fermant la porte de la dernière seconde.


 

DESHABILLER

A quoi te sert de te voir nue
Sans voile et sans pudeur,
Comme le ciel du désert
Avec ses mots de mystère,
Comme un son de prière,
Comme l'écume d'une cascade,
Veux-tu vraiment me donner
Comme les colonnes des arcades
Ta beauté et ta douceur.
Déshabille-moi ton coeur


 

MON DESlR

Comme une vague d'océan
Le vent me jette
Sur le rocher !...
Etre brisé c'est mon désir
Comme un sublime débauché
Etre brisé
C'est mon ivresse
Sans ces petites perditions
Comme ces envies qui expriment
Sur la grève des ambitions,
Ma passion ce n'est pas toi
Ni un royaume,
Envie des rois !...
Mépriser les convoitises
C'est mon bonheur,
C'est mon délice ! ...
Sous le toit d'un ciel noirci
Boire un verre en souriant
Par le collet les saisir
Et maîtriser mes désirs


 

ÊTRE

Etre une rose dans un jardin ! ...
Une horloge qui marque le temps !...
Ou le soleil qui est doux
Et qui crée le beau printemps ! ...
Un baiser qui rend heureux
En effaçant la tristesse ! ...
Un regard affectueux
Dans un moment de détresse...
Ou une joyeuse mélodie
Qui tombe du sein d'une guitare !...
Ou une main qui dit adieu
Dans un moment de départ ! ...


 

LE FRUIT ROND

Ce fruit rond
Qui bouge, qui bouge!...
De quelle couleur est-il donc ?
Est-il blanc ou est-il rouge,
Ce fruit rond

Qui bouge, qui bouge ?
Bouge, bouge
Mon petit fruit
Tantôt blanc et tantôt rouge...
On le mange ni chaud, ni cuit
Ce fruit rond
Qui bouge, qui bouge !

Est-elle donc une girouette
Ou une Petite bergerette ?...
Secouant ses boucles dorées
De sa tête auréolée...
On dirait que le soleil
Lui parle
Et lui dit
&laqno; De ta beauté je suis ravi!...»
Bouge, bouge
Mon petit fruit
Pendant le jour, pendant la nuit !...

Il est un fruit rose et beau ! ...
C'est le plus précieux cadeau ! ...
Comment savoir
Ce qu'il est ?...
Comme la lune il est muet ! ...
Une petite lavandière,
Une délicieuse cachottière ! ...
Bouge, bouge
Mon petit fruit ! ...
Bouge, délicieuse chansonnette ! ...
Comme une petite marionnette
Qui pleure, qui rit et qui bouge
Ce petit fruit est si rouge ! ...
Elle m'éclaire comme la bougie,
Elle m'enchante
Quand elle rougit ! ...
Si mon jour est sans lumière,
Mon coeur un morceau de pierre,
Ce qui est presque
Coutumier,
J'ai sa charmante amitié ! ...
C'est elle seule
Qui me sourit ! ...
Bouge, bouge mon petit fruit! ....

Dans l'alcôve,
Dans les prairies,
Au bord des rivages fleuris
C'est elle seule

Qui me regarde ! ...
C'est Mon fruit
Qui bouge, qui bouge
Tantôt blanc tantôt rouge ! ...

Bouge ma petite cavalière ! ...
Ma charmante incendiaire ! ...
Bouge, bouge
Ardente flammette ! ...
Sans toucher à tout le reste

Bouge, bouge
Comme Cette lumière ! ...
Comme un rêve, comme une chimère ! ...
Quand elle s'évanouit
Sous mes caresses
Elle a envie de la paresse ! ...
Ces petites,
Petites caresse,
Comme le vit,, lui donnent l'ivresse ! ...
Bouge, bouge mon petit fruit
Tu es beau quand tu rougis
Quand je bouge
Et quand elle bouge
Le monde devient un peu rouge ! ...
Dans les rêves
Des voluptés
Elle est la grande assoiffée ! ...
Tantôt rose
Et tantôt rouge,
Par amour,
Par charité
Bouge, mon petit fruit rouge ! ...
Bouge mon petit !
Car demain
Sera un jour sans matin ! ...


 

LA PRIERE

Partout
Où la voix humaine
Dans l'amour, dans l'espérance
Se lève,
Supplie le Seigneur,
On enterre les méfiances
Dans les âmes, dans les consciences
Fraternité devient loi
Soit mosquée,
Soit synagogue,
Que ce soit temple ou bien église,
Une pagode
Ou Seule une pierre,
Si c'est l'endroit d'une prière
Il est sacré à nos coeurs ! ...


 

LE VENT

Vent,
As-tu donc une âme ?
Vent
Tantôt glacé, tantôt furieux! ...
On te croirait un coeur vivant
Qui court toujours en avant...
Accrochés à tes ailes
Les parfums s'envolent
De tous ces parcs,
De ces vergers.
Tu terrorises les bergers
Tu es la flûte
De nos toits !
Les vitres tremblent sous tes doigts
Tout est donc bien à toi
Invisible visage...
Tu apaises ta rage
D'un enfant gâté tu as l'âge.
Et en furie
Tu te soulèves...
Tu es toujours inassouvi...
Tu es aussi l'inattendu...
Et l'on croirait que tu sommeilles,
Mais un rien soudain t'éveille ! ...
Tu mets la mer en démence ! ...
Et soudain, lorsque tu le veux
Tu es la mort et le silence ! ...
Tu sais aussi être câlin
Lorsque tu souffles entre les joues
De deux amants sur un banc vert,
Quand en avril
Se meurt l'hiver...


 

L'ANNEE

Comme un bouquet
Meurtri, fané,
Entre mes mains
Expire l'année...
Elle agonise sans dire un mot
Comme en hiver les petits hameaux...
Sous les monceaux
Glacés des neiges
Comme une petite,
Innocente vierge...
Sans un soupir, sans élégie,
Dans le silence sans liturgie
La voici, elle,
Dans un cercueil ! ...
Mon coeur,
Peux-tu
Porter son deuil ?


 

POUR AIMER

Si j'aimais
Le monde entier,
Mon coeur aurait
Encore une place
Pour aimer
Ma propre souffrance...


 

LA LUMIERE

Dans la douceur du calme
Cette mer évanouie...
Une main qui tire
Le rideau de la nuit...
Mon âme est plein de prières ...
Où est la goutte de lumière ? ...

 


DANS LA NUIT

Dans le calme de la nuit
Un écho...
La souffrance d'un coeur
Sa plainte
Qui traîne sur le pavé,
Suit les rangées des maisons
Et se perd dans la nuit...


 

LA MORT DES PAUVRES

L'aurore s'approche...
Dans la lumière du soleil
La joie de vivre renaît...
Dans un taudis
Deux yeux fixent le plafond noirci
Mais ne voient rien!...


 

AU LOIN

Un oiseau chante...
Un rayon de soleil éclaire le bois
J'entends un cri plein de joie
C'est un bourgeon qui naît...
Le vent chaud le caresse
Et fait jaillir une flamme
Comme si c'était le sein
D'une jolie femme ravie,
Le jus suave de la vie.


 

VIENS CE SOIR

Viens !
Ce soir,
Seulement un soir,
Pour boire
Une coupe de champagne
Quelque part
Dans un coin perdu de la campagne ! ...
Soyons seuls,
Tourmentés et effrayés,
Comme la dernière feuille d'un arbre...
Viens !
Avant la nuit !
Avant que les étoiles ne s'enfuient !
La lune tourne sa tête
Et le monde devient un cachot...


OU EST ?...

Où est la fleur
Et sa couleur ? ...
Où est l'étoile
Et sa lumière ? ...
Où est la voix et sa chaleur ?...
Où est la joie de tout à l'heure ?
C'est l'oubli
Qui l'emporta ! ...
L'oubli, est-il
Un tombeau froid ?...


 

AU PIED DES FALAISES

Dans mon coeur si plein
Ce grand vide...
Entre ces plaines fertiles,
Ce plateau aride...
Fuyant la montagne
Vers les jardins embaumés,
S'inclinant sur la basse terre,
Au pied des monts, des falaises,
Tel un pèlerin...


 

TA MAIN

Mets ta main
Entre mes mains ! ...
Vivons des nuits
Sans lendemain ! ...
Oublions
Le temps, le jour ! ...
Les mois sont toujours très courts ! ...
Sans penser au lendemain
Serre tendrement ma pauvre main ! ...


 

LA CARESSE

La pierre
A besoin dune caresse
Le marbre
D'une âme, de son ivresse...
Le monde craintif
Des astres dans les cieux
Moi,
D'un regard de tes beaux yeux !


 

APRES LA NUIT

Au fond de la nuit,
Après minuit,
S'il y avait autre chose
Que le jour et ses soucis,
Des visages
Qui pâlissent ou qui rougissent ?
S'il y avait
Tes lèvres qui m'embrassent ?


 

CETTE VOIX...

Tantôt douce comme un pétale,
Tantôt dure comme un métal,
Quelle est cette voix qui me dit :
&laqno; Prends donc ta plume et écris »
Tu viens doucement, sans faire de bruit
Comme le soleil d'un doux printemps
Qui fait éclore les bourgeons...
Je te connais à peine, ma muse,
Ma fidèle et tendre amie...
Tu dis : &laqno; je suis comme la vie;
&laqno; Tout dépend de mon envie! ...
&laqno; Je te meurtris, je te ravis ! ... »
As-tu ta place dans mon coeur
Ou dans mes rêves infinis ?...
Tu es mon lac de la paix
Dans le tumulte de la vie


 

LA VIE

Ils sont rares les bons moments ! ...
Souvent vivre est assommant ! ...
Entre venir et partir
Nous vivons de souvenirs ! ...


 

KURDISTAN

Que, est ce mon
Qui fait tressaillir mes entrailles ?...
Ni le temps ne l'efface,
Ni tombe dans l'oubli...
C'est le nom de mon pays...

Viens ! que je caresse
Tes joues lisses et fraîches
Comme le miroir des rivières !...
Pourquoi tout s'efface
Comme s'éteint une prière ?...
Lumière de mon pays
Qui jaillit de ses lacs, de ses rochers...
Dans la profondeur noire de ses forêts
Le bûcheron abat l'arbre
Pour construire
Le trône de l'avenir...
Sa hache dorée
Brille comme la lumière d'or
Pour les riches comme pour les pauvres pays généreux ! ...
Quand seras-tu heureux ?...


 

TA PRESENCE

Tu es présente dans mon esprit,
Dans mon coeur, dans mes espoirs !...
Pourquoi errer sans te trouver
Dans l'infini du désespoir ? ...


 

LE SIGNE

Veux-tu être la mienne
Jusqu'à l'instant où Dieu
Fait le signe
Et tout s'éteint ?...


 

COMME LE PRINTEMPS

Viens!
Comme le printemps arrive!
Viens !
Comme le soleil qui réchauffe!
Comme la lune,
Viens !
Cette étoile de rêveries
Viens !
Comme cette goutte de pluie
Qui fait revivre la terre meurtrie


 

SI BELLE...

Une femme, un sourire, un baiser...
Qu' importe
S'il pleut et neige
Devant ma porte?...
Tu es un ange, sans avoir des ailes,
Dis-moi ! Qui t'a créée si belle ?...


 

LES ENFANTS MORTS

Je suis rentré
Dans un tombeau !...
J'ai remué les os flétris !...
Dans le silence
De cette nuit
C'est un enfant qui m'a souri !

Le gosse m'a dit tristement:
&laqno; Pourquoi, pourquoi
&laqno; Avant l'aurore
&laqno; M'a-t-on appris comment mourir ?...
&laqno; Moi aussi,
&laqno; Je voulais vivre!... »


 

L'AUMONE

Comme vous n'êtes pas malheureux,
Soyez un peu généreux !...
Quand vous mettez
Votre aumône
Dans la main
D'un malheureux,
Gare à vos gestes et démarches !
Comprenez donc
L'aumône divine
Peut devenir une épine
Dans le coeur d'un malheureux


 

GRIMPONS

Grimpons !... Jouons sur cette colline
Comme deux enfants mal élevés!...
Oubliant le monde, la mort,
Ne vivant que pour rêver ! ...
Dans la caresse des rêveries
Nous bâtirons notre avenir
Sera terni le mot d'ivresse
Dans notre infini délire


 

LES LEVRES DES FEUILLES

Pour cette immensité
Où les rochers se taisent,
Le vent anime les lèvres des feuilles
Comme la mélodie
Qui pleure le deuil...
Assis sur le trône des rois je tremble
Comme un pauvre berger
O ! cet hiver,
Ce cruel...
Ni feuille, ni fleur
Dans les vergers ! ...


 

LA ROSEE

Je vois des larmes sur les fleurs,
Mais le temps n'est pas morose.
Est-ce la nuit qui a pleuré
En se penchant vers la rose ?


 

QUATRE VERS

Vous voulez quatre vers,
Mais mon verre est brisé.
Gourez ce vin exquis
Sans l'analyser !
Ne vous effrayez pas je le dis sans effroi,
Les règles sont les peuples
Et les poètes les rois.


 

MON BATON D'AVEUGLE

C'est ta lumière qui me guide! ...
Sinon, je marche à tâtons...
Attaché je suis à toi
Comme l'aveugle à son bâton! ...


 

SOUS LES OMBRES

La gaîté est trompeuse
Et le vin est amer ;
L'âme est une martyre,
Perfide est la chair.
Pauvre coeur attristé
Rends-toi au cimetière
Où les soucis dorment
Sous les ombres des pierres.


 

DIEU INCONNU

Les roses du jardin du désir sont fanées.
Mes cheveux ont blanchi sans attendre les années.
Je suis résigné à vivre comme un prêtre,
T'adorer comme un Dieu que j'aime sans connaître.

 


LA VIOLETTE

En voyant la violette j'ai pensé à l'amour.
J'ai perdu mon chemin dans un grand carrefour,
Tu étais la pomme
Qui attendait les dents,
J'ai voulu te chanter
Te croyant le printemps.


 

LE TOMBEAU

Je me sens un tombeau
Dans un désert immense
Entouré d'oubli et du deuil du silence.
Je te vois passer comme un nuage d'été,
Souriante de bonheur, éclatante de gaîté.


 

ES-TU LA FLAMME ?

Es-tu le soleil
Enflammé par la neige,
La déesse succombée
Dans un terrestre piège,
Ou la vague brisée
Qui gémit sur la grève
Mourant dans sa vie et vivant dans ses rêves ?


 

L'OMBRE

Les vagues se calment sous les ombres rieuses,
Des cygnes glissent sur les traces lumineuses.
Le lac est profond comme le fond des cieux,
Le jour agonise, le coeur devient pieux.
Dans le miroir du lac, le ciel voit son visage,
Les eaux sont muettes et chante le paysage.


 

TIC... TAC...

C'est le bruit monotone de mon réveil,
C'est comme le bruit solennel de mon coeur
Sous ma poitrine...
Bruit monotone, mot mystérieux,
Gouttes qui tombent à l'océan des adieux.

Est-ce une chaîne qu'on remue,
Est-ce qu'on détruit un arc,
Est-ce une souffrance
Qui passe ?
Y-a-il un non ou un oui
Dans ce bruit ?


 

LE SOUVENIR D'UN SEUL REGARD

A la tristesse d'un coeur ardent
Y a-t-il des bornes, des rivages ?...
Peut-il peupler toute une vie
Le souvenir d'un seul visage ?...

 

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imprimerie spéciale des éditions de saint-germain-des-prés

dépôt légal : 1er trimestre 1973